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 tout est si calme w/ ovide monamour

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MessageSujet: tout est si calme w/ ovide monamour   tout est si calme w/ ovide monamour EmptyLun 8 Juil - 12:02


Silence is golden. Les mots des Tremoloes résonnent dans la tête de Béa, teintés d’une soudaine vérité. Dans la douce quiétude de la bibliothèque, loin de la frénésie bruyante du cœur de la ville, elle s’entend enfin penser. Le cul posé sur une table bancale, le dos contre le mur, les pieds posés sur sa chaise tournante, sa chaise de garde, elle défait un bouton de sa chemise noire, son uniforme. Elle étouffe. Après des semaines d’une météo apocalyptique, le soleil reprend enfin sa place au dessus du ciel parisien et Béatrice vit son premier mois de Juillet à la bibliothèque. A cette période, la BNF devient une sorte de château hanté où se côtoient les âmes en peine des étudiants promis aux rattrapages et les fantômes de ceux qui semblent ne jamais quitter ces murs. Et puis il y a elle. Elle on ne la remarque pas. Tapie dans l’ombre d’un coin, elle contemple. Elle guette celui qui voudra emporter un livre chez lui et espionne le reste. Elle les repère tellement vite maintenant, les deux qui repartiront ensemble, le gamin qui dormira jusqu’à la fermeture. Elle les voit tous les jours et eux ne la voient pas. C’est peut-être mieux comme ça. Deux heures que personne n’est plus rentré dans la salle J, inhabituellement vide. Béa louche sur l’horloge, avide du moment où elle indiquera seize heures. En attendant elle promène son regard sur la bibliothécaire au comptoir de la salle, cette vieille peau qui la déteste. Elle l’observe se démener avec son ordinateur, incapable de taper le titre d’un bouquin correctement. Incapable de taper à plus de deux à l'heure. Elle a envie de se lever et d’aller le faire à sa place. Elle a envie de lui sauter dessus et de lui enlever ce petit air prétentieux et tellement supérieur qui s'accroche à son visage chaque fois qu'elle se tourne vers Béa. Elle se perd dans des pensées sauvages, des envies de bagarre. Elle rêve. Elle s’ennuie. Pour la première fois de sa vie elle s’ennuie à la bibliothèque. Ses yeux se perdent partout où ils peuvent se poser et ses doigts tapotent en rythme le bord de la table, un air qu’elle a appris récemment. Enfin. Seize heures. A peine la grande aiguille a-t-elle terminé sa course, Béa saute sur ses pieds. L’attente fébrile de Fred qui va la remplacer. Le regard noir de la vieille peau qui interrompt sa fastidieuse mission pour mépriser la brune. « merci fred » qu’elle lance à son collègue, un brin trop rapidement. Et elle trotte. Dans l’ascenseur, elle défait encore un bouton, sort sa chemise de son pantalon, se met à l’aise devant l’œil un peu trop curieux d’un adolescent boutonneux. Une clope. Elle l’a tellement attendue celle-là. Le hall, bizarrement, grouille de monde. Béa se trace un chemin entre les costard-cravates et leurs valisettes. Le cortège endimanché des chercheurs et autres étudiants avides de connaissance et de pouvoir. Elle entend peut-être parler d’économie et grimace. Une image lui traverse l’esprit, les chiffres dansent devant ses yeux à l’en rendre malade. Sortir, vite. Elle incline la tête devant son collègue le videur comme elle aime à l’appeler et emprunte la porte tambour. Tourner tourner, faire comme avant quand elle avait huit ans et sortir en titubant. Elle n’en fait rien. Elle avance sur la petite plateforme en bois, passe derrière l’escalator et va s’asseoir en tailleur sur la balustrade. Son regard s’arrête sur les tables en ferraille habituellement prises d’assaut. Deux seulement sont occupées. Elle soupire et tire de sa poche son paquet de cigarettes, vu le poids, il doit lui en rester deux, tout au plus. Le soleil tape contre son dos. « bordel » murmure-t-elle. Le briquet rouge trône à la place des deux clopes promises. C’est la déchéance. L’espoir retombe comme un soufflé. La brune détache ses cheveux et guette la bonne âme qui pourra peut-être lui offrir sa dose de nicotine. Du coin de l’œil, elle le voit. Adossé contre la balustrade, les manches de sa chemise d’un blanc immaculé remontées jusqu’à ses coudes, il fume. Elle a comme une impression de déjà vu, l’impression qu’elle a déjà rêvé de ce moment. Elle le toise d’abord, de loin. Elle l’examine. Elle l’a déjà vu. La salle d’audiovisuel. Elle semble se souvenir d’un regard intercepté dans sa direction. Elle fronce les sourcils, sa vision retombe sur le fond désespérément vide de son paquet de Malboros et elle saute à pieds joints sur les lattes brûlantes de la terrasse. Ses cheveux volent derrière elle puis se reposent contre son dos. Un pas. Deux pas. Trois pas. Un petit sourire retrousse les coins de sa bouche quand elle se place en face de lui, innocemment. « excusez-moi, vous n’auriez pas une cigarette à me dépanner par hasard ? ». Au début, elle est presque sûr qu’il va l’ignorer, qu’il appartient à cette race supérieure d’êtres qui ne se soucient que d’eux-mêmes et de leurs égaux – ou de leurs egos. Et puis lentement, il incline la tête vers sa frêle personne. Insistante, elle hausse les sourcils, l’air de silencieusement réitérer sa question.  

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