Personne effectuant un stage. Par extension, serveuse de café, déléguée à la photocopieuse, agent polyvalent aux taches ingrates. Tout le monde est déjà passé par là et, par vengeance, a toujours rêvé d'en avoir une à sa charge. Mais le maitre de stage, plus qu'un bourreau, peut se révéler être un très bon professeur et, plus encore, une personne très agréable.

un été ensemble.

Le ciel parisien était clair. Comme chaque matin depuis le début des beaux jours, je me rendais à pied de mon appartement à mon lieu de travail, le mythique musée du Louvre. Il était reconnu comme un privilège de travailler en son sein et de connaitre l'envers du décors. Autant d'experts, d'archéologues, de conservateurs, rêveraient de pouvoir ne serait-ce que passer le bout de leur nez dans l'arrière-boutique. Je faisais partie des chanceux qui avaient obtenu leur pass, non sans avoir travailler d’arrache-pied pendant quelques années.
J'entrais par une porte interdite au public afin d'aller à la rencontre de mon patron personnel, Benjamin, le boss du département peinture du Louvre. Enfin, officiellement le sous-boss, mais il avait pris les commandes, le conservateur étant plus souvent autre part qu'entre nos murs. J'étais donc le second, l'assistant de Benjamin, et ma principale occupation était de me balader dans le musée entre deux bons de restauration à remplir. J'étais assez pressé, surtout depuis que j'avais reçu un sms me disant qu'une surprise m'attendait sur mon bureau. Lorsque je lus la lettre, sous les yeux des collègues semi-hilares, je ne pus m'empécher de sourire : j'étais l'heureux propriétaire, pour l'été, d'une stagiaire. Chacun en rêvait et c'était la saison : comme j'avais pu l'être il y a quelques années, l'été apportait son lot de stagiaires venus officiellement pour pratiquer leurs cours dans un futur environnement de travail. Souvent étudiants à l’École du Louvre, ils prenaient ce stage d'été comme un cadeau et une ligne de renom à ajouter à leur cv. Officieusement, c'était quelque peu différent : les stagiaires étaient offerts à des assistants, secrétaires, archivistes méritants afin d'alléger leur charge de travail pour les longues journées d'été. Café, paperasse, photocopie, les stagiaires acceptaient donc leur statut de larbin au nom d'une ligne en or dans leur cv.
Benjamin me lança le cv en m'annonçant que j'avais rendez-vous avec elle d'ici un quart d'heure dans la cour intérieur du Louvre. Je regardais la photo : la demoiselle avait l'air charmante je ne pouvais pas m'en plaindre. Je pensais à un collègue qui, l'été dernier, avait reçu comme stagiaire une fille au physique plutôt désavantageux : il avait été le sujet de nombreuses blagues jusqu'à Noël. J'avais déjà échappé à ça.
Quinze minutes. Je prenais un dossier relié en cours et décidais d'aller attendre la demoiselle dans la cour avec une cigarette et un chocolat glacé. Quelqu'un avait pensé à moi et était passé à Starbucks avant de venir. Je descendais quatre à quatre les marches du premier étage et allais m'asseoir dans mon coin favori. Sur le muret en pierre du préau. Se dire que Louis XIV s'était sans doute assis au même endroit me mettait toujours en joie. J'allumais ma cigarette et, plus que de m'occuper de mon dossier, je regardais passé les gens qui prenait la cour comme un raccourci pour se rendre à leur travail. Je cherchais en même temps le jeune fille avec qui j'allais passer mon été. Elle passa devant moi et je la reconnus grâce à la photo de son cv. Je l'appelais de façon gentleman « Mademoiselle Solbach. » Je me levais afin de paraitre plus professionnel.

« Joséphine, ça suffit. Bonjour ! » La demoiselle semblait désappointée. Elle m'observait comme jamais je crois n'avoir été observé. Elle sortait de sa poche un paquet de cigarettes. Le moment était au final un peu gênant entre le silence et ses regards.Je buvais une gorgée de café et jetais un œil à mon dossier: il fallait bien montrer ma position de chef sérieux, de commandeur, de mec qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. Je regardais furtivement ce que faisait Joséphine : il tirait toujours sur sa cigarette en me regardant. « Et vous êtes ?... » Elle s'osait à une question et je relevais mon nez en souriant. « Désolé, je ne me suis pas présenté » Je lui tendais la main. « Paul Lacoste, je suis l'assistant de Benjamin Jengman, l'attaché de conservation du Département des Peintures. » Je lui serrais la main en toute politesse. J'avais appris les bonnes manières grâce à ma famille et même si j'étais aujourd'hui à dix milles lieues de l'entreprise familiale, j'avais gardé la posture, les mots et le nom ainsi qu'un carnet d'adresse mondain assez fourni. Mais il ne m'était pas utile dans les circonstances actuelles.
J'observais la demoiselle en finissant ma cigarette. Elle avait l'air franchement adorable et je me demandais comment j'allais pouvoir tenir mon rôle de 'méchant maitre de stage'. Je regardais ma montre : il allait bientôt être temps de remonter.