Si vous prenez le métro à Nation, alors vous nous voyez surement. Félix et moi. Les deux mecs musiciens à l'entrée de la station. Celui qui chante de sa voix de black, le béjai qui se prend pour une rock star avec ses lunettes de soleil, c'est Félix. L'autre garçon, celui qui joue de la guitare la tête baissée, c'est moi. Théotime.

Il écrit les paroles, moi la musique.
Et on chante, on joue. On espère gagner un peu, et bouffer, mais pas trop non plus. On espère pas trop non plus.

J'ai connu Félix quand on était petits. Cinq ans, pas plus. On me tapait dessus, et il est venu me secourir. Il savait jouer des poings, déjà petit. Il est devenu mon copain, parce qu'il en avait pas, il finissait toujours par les frapper. Je suis devenu le sien, parce que j'en avais pas non plus, je me faisais seulement tout le temps frapper. Ça cassait mes lunettes.
On s'est pas quittés. Il m'a jamais frappé. Moi non plus, de toute façon ça a jamais été mon genre de taper sur les autres.
Et maintenant, je porte plus de lunettes.

On a quitté notre village du sud pour monter sur Paris. À seize ans ans. Des rêves pleins la tête. Persuadés que, doués comme on était, on allait percer dans la musique.
On a rien percé du tout. On a fini sous les ponts. Puis dans les métros.
Comme on a jamais eu un niveau de vie exceptionnel, on pleure pas. On fait avec. On bosse un peu, mais jamais assez, et il parait que mes parents sont morts maintenant. Ceux de Félix le sont depuis qu'il est petit, c'est pour ça qu'il tape sur les gens.

Ce que les gens qui prennent le métro savent pas, c'est que sous le métro, y a des couloirs, des pièces, des passages. C'est humide, l'hiver ça inonde et l'été on étouffe, mais pour nous, c'est l'hôtel Hilton.

Il arrive aussi, des fois, des jours, qu'on chante pas. Pas l'envie, pas le courage. Faut voir comment les gens nous regardent.
Le dégoût. Et la pitié, c'est le pire, la pitié ! Ça vous rabaisse comme pas possible. Et puis y a ceux qui te regardent pas. Qui fuient ton regard insistant et font semblant de pas voir ta main tendue.
Félix, ça l'ennuie pas plus que ça. En fait, il dit que pour des clodos, on s'en sort bien. Des SDF de luxe, qu'il dit.

Il a volé, un jour. Félix. Des gâteaux, des croissants, des conneries, je sais plus. Il a fait quelques semaines de prison, les pires semaines de ma vie. Le métro me semblait grand.
Il est revenu en me disant que je devrais essayer. Là-bas, t'es au chaud, nourri. Mais j'oserais jamais moi, j'oserais jamais.

La fille, c'est moi qui l'ai trouvée.
Avec ces histoires de clodos du métro, je m'étais résigné à l'idée de me trouver un jour une fille. Je me disais même, que Félix et moi on finirait par se mettre ensemble et puis voilà.
C'était sans compter Ondine de Bonnaventure.

Elle chialait en attendant le métro. Je me suis assis à côté d'elle mais je lui ai pas demandé ce qui allait pas. Je l'ai fait plus tard, et de toute façon, elle a pas voulu me répondre, elle m'a jamais dit.
Non, je lui ai dit que j'aimais bien sa robe, elle était jolie avec toutes ces fleurs. Elle a pleuré encore plus. Je me suis dit que c'était peut-être ça. La robe. C'était la robe. Elle devait lui rappeler quelqu'un. La personne pour qui elle l'avait mise ou celle qui lui avait achetée.
J'ai pas pu savoir.
Mais j'ai su que je l'aimais.
Elle avait cette robe fleurie, les jambes bronzés, des yeux bleus comme le ciel californien, que j'ai jamais vu par ailleurs, des cheveux complètement dingues, un nez en trompette, et les yeux rouges, elle pleurait et je savais pas pourquoi. Mais je savais que j'étais amoureux d'elle. Putain oui.
J'ai pris sa main et je lui ai dit, viens, je vais te montrer notre monde.
Je lui ai fait voir Félix, nos chansons, notre chez-nous, le métro.
Elle s'y est faite et elle est jamais partie.

Et moi, la tarte molle, en deux semaines, j'étais la cinquième roue du carrosse, la potiche, l'andouille qui tient la chandelle. Je reste le meilleur pote de Félix. Le sauveur d'Ondine. Mais ils sont en couple, eux, alors moi, je suis surtout là pour regarder et faire le messager entre eux quand ils s'engueulent. Ce qui arrive, tout le temps.
Ça me débecte.
C'est mignon à voir, quand ils se papouillent, mais Félix aime pas Ondine et ça je peux pas m'en remettre.
Bon sang, j'ai vu Félix amoureux, il avait des comètes dans les yeux. Y a rien avec Ondine. Juste des besoins sexuels à assouvir. Quand je les entends baiser, c'est à peine si je peux me retenir de vomir.
C'est pas un mot que j'adore, "baiser", mais ce qu'ils font, je peux pas l'appeler autrement.

Bref, quand on est partis, j'ai pris mes cassettes et Félix son magnétophone. Tout le temps, tous les jours, toute la journée, on écoute Supertramp, Simon & Garfunkel, Thiéfaine, Oasis, Mike Oldfield, Indochine.
Hier soir, on écoutait The Boxer. Et putain, Félix a embarqué Ondine dans un slow. J'y croyais pas.
Endless nightmare.

Est-ce qu'on est heureux ?
Je sais pas. Je crois ... je sais pas.
C'est difficile à dire quand t'as toujours eu une vie pourrie.

Sephora d'Abzac a écrit:

TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI.
(je t'aime, tu sais )

Anaëlle Chamblas a écrit:

bienvenue
alors déjà, j'adoooore juste trop ce prénom c'est l'un de mes préférés pour un mâle, j'trouve qu'il est à la fois chou et marrant j'adhère donc (a)
eeeeeet va falloir qu'on parle toi et moi (n'ai pas peur )

Théotime Puech a écrit:

Sephora d'Abzac a écrit:

TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI. TOI.
(je t'aime, tu sais )

blueblue (je vais peut-être commencer à t'appeler par ton prénom, voire même te donner des surnoms infâmes du genre Mathoux ou Mathématiques )

A. Naïs St-James a écrit:

ce qu'on se retrouve.
bienvenue.

A. Joachim Dandurand a écrit:

HAN TOI. TOI TOI TOI ( ici olaf et tim, mon chou )
je t'envoie du love.

V. Derp Miczariel a écrit:

*ramène ses beaux crins blonds et son beau sourire d'enfant *
t'es toujours aussi beau, mon chou, donc bienvenue derp viendra faire joli dans le métro pour récolter plus d'argent, va

Louise Dessertenne a écrit:

Ta fiche est déjà canon, mondieu. Viiiiite.

Leho Joly a écrit:

as-tu déjà aimé pour la beauté du geste? as-tu déjà croqué la pomme à pleine dent? Pour la saveur du fruit sa douceur et son zeste. t'es tu perdu souvent? ah, j'vais avoir envie de me remater le film pour la centième fois
que je suis heureuse de te voir ici toi. bienvenue, j'ai hâte de voir ce que tu prépares .