Ludwig Allen Jenzell, est d’excellente humeur aujourd’hui et rien ne l’amuse plus que ce nouveau job. Etre payé à faire ce que j’ai toujours fait, il n’y a franchement rien de mieux, et je ne regretterai presque pas l’Angleterre. Que dire de tous ces frenchies hétéros que je croise chaque soir ? Bien sur je n’irai pas jusqu’à clamer que je n’ai pas fréquenté un seul bar gay, mais dieu que va vie est complète ici surtout avec ce colocataire sexy et rouquin qui n’a eu que d’autre choix que d’accepter ma présence dans son appartement. Je crois que c’est un type sympa, et en tout état de cause, je suis également un type sympa, timbré et bien habillé qu’on ne peut refuser d’avoir chez soi, alors qu’on peut vivre de nouvelles aventures chaque jour, se poser la question de savoir quel magnifique combinaison je compte porter dans l’heure, toutes ces choses qui font d’un quotidien terne et morne, un ciel pailleté rose bonbon. Je m’emporte sans doute un peu, mais sachez que je ne me drogue jamais. L’esprit humain est suffisamment décalé et instable pour ne pas avoir besoin de stupéfiant pour être stupéfiant, je suis moi même incurablement stupéfiant. Une matin très ordinaire, à la gare de Reims une de ces villes françaises non sans charme, il m’est effectivement arrivé de lancer un stupéfix à l’aveuglette à ma comparse Tiffany, stupéfiant au passage un des passagers d’un tgv à destination de paris est qui avait alors imploré qu’on lui laisse la vie sauve. Ces frenchies ont vraiment beaucoup d’humour, et c’est pour cela que je les aime autant sans doute. Je me dandine pendant de longues heures devant mon blackpearl en réparation tout en signant quelques autographes à des enfants ravi. Ce job est vraiment payé une misère et je n’aurais sans doute jamais eu les moyens d’obtenir un seul earl grey de Conchita avec cette paye, mais je pourrais même le faire gratuitement. Me lasser d’un tel job, ce serait comme me lasser de moi même, ce qu’aucun être humain normalement constitué ne pourrais parvenir à faire avec un énergumène plein de surprises comme Ludwig Allen Jenzell.

Lorsque la journée s’achève, je passe de Jack Sparrow à Spiderman, les combinaisons moulantes étant de loin celles qui me mettent le plus en valeur. Regards tournés vers moi, je fais une nouvelle fois l’animation dans le RER A. Faire sourire ou rire une fois dans la journée une petite proportion de gens, c’est servir le bien commun et l’humanité. La plupart des gens n’attendent qu’un peu de magie dans leur vie, même une petite seconde d’inhabituel et moi je leur offre ça. Oui, j’ai un job plutôt sympa en somme. Lorsque je quitte le train, je passe chercher de quoi dîner et de quoi boire, parce que si j’aime le thé en bon british, j’aime aussi la bière et une fois mes petites courses faites, c’est en flamboyant héro de bande dessinée que j’effectue ma livraison de Pizza. J’adresse un clin d’oeil à Léandre et me laisse tomber à côté de lui après avoir déposé l’ensemble de mes achats sur la table. « J’aurais adooooré passer la soirée rien qu’avec toi mon chou, mais il se trouve que j’ai invité ma cousine à venir manger avec nous. Je ne savais même pas qu’elle était ici, jusqu’à ce que j’annonce les officielles vacances parisiennes de Ludwig Allen Jenzell sur facebook. Mais t’en fais pas, elle est cool. » Je me saisis du programme télé et hausse un sourcil désapprobateur avant de le balancer. « Nul. » C'est sur, c'est pas la BBC. Je me ensuite vivement vers Léandre. « Par contre j’ai découvert une nouvelle série G.E.N.I.A.L.E, il faut absolument que tu regardes, ça s’appelle the neighbors... » je prononce le dernier mot avec un accent exagérément américain. « Il y a l’ange de la mort de Charmed dedans et il est trop cool je te jure ! L’histoire en fait, c’est des aliens qui débarquent sur notre planète, rien d’anormal jusque là, ensuite il achètent touuuute une banlieue résidentielle, se nomment avec des noms d’athlètes américains et restent entre eux jusqu’à ce qu’une des familles décide de partir.. Et là du coup une famille d’humains emménage, et ...choc de culture quoi. Ca paraît bidon comme ça, mais c’est drole tu verras! » Terriblement génial, c’est la série du siècle, Larry Bird, is my spirit animal, comme beaucoup d’autres personnages, de séries, bandes dessinées, films, kinder surprise etc....

Soirée tranquille, je suis installé à mon bureau pour corriger des copies en masse que j’ai ramassé lors d’un dernier devoir sur table que j’ai donné à une de mes classes. Les élèves, un peu trop bavards, refusaient de se concentrer, surement un effet pervers de l’approche des vacances, et je dois avouer m’être énervé pour la première fois de ma vie ou presque dans le cadre de mon travail. Je soupire un peu, leur donner des choses à faire en plus est un signe de masochisme sans aucun doute étant donné que je suis celui qui doit corriger leurs copies et y passer trois heures supplémentaires, et qu’en plus de ça j’ai rarement le cœur à mettre des mauvaises notes même quand l’interrogation intervient dans ces conditions un peu particulières. Je raye des phrases, en valide d’autres, concentré sur ma tâche, et m’empresse de passer les copies une à une. Quand j’arrive finalement au bout, la porte d’entrée de l’appartement claque et c’est Ludwig qui apparaît à mon grand étonnement. J’envoie un SMS à Capucine pour lui demander ce qu’elle fiche et où, toujours un peu protecteur dans mon comportement finalement, bien qu’elle soit grande et qu’elle se débrouille toute seule depuis bien longtemps désormais. Elle ne tarde pas à me répondre qu’elle sort et que je ne suis pas sa mère, ce qui est totalement vrai. En plus de ça, Capucine a toujours été très présente et d’un grand réconfort pour moi alors même que je me complais dans un rôle de grand frère que je n’assume, ou en tout cas n’assumais pas, toujours de la meilleure façon qu’il soit. Il faut dire qu’elle et moi avons différentes façons de vivre les choses, et qu’elle est plus positive et plus forte sans doute que je ne le suis.

Je me transporte jusqu’au canapé et mon colocataire ne tarde pas à me rejoindre, déposant de quoi nous nourrir sur la table devant nous. Il est déguisé en Spiderman et je ris un peu, ne cherchant en fait même plus à comprendre. Je soupire quand il m’annonce qu’il a invité sa cousine et hausse une épaule. « Tu invites qui tu veux de toute façon, je peux vous laisser aussi, je ne sais pas où Capucine est partie errer mais je peux lui imposer ma présence de gré ou de force si c’est nécessaire ». Je ris un peu, et lui attrape le programme télé comme pour s’y plonger avec passion. Pourtant, ça ne dure pas deux secondes qu’il est déjà de retour sur la table basse, et Ludwig me parle d’une série qu’il vient de découvrir, the neighbors. Il m’en fait le résumé et je ris, amusé par l’histoire générale. « En même temps, même si ce que tu me racontes me donne clairement envie de regarder, je manque cruellement de temps pour faire quoi que ce soit d’autre que corriger des copies, enseigner ou passer mon temps dans les couloirs du Louvre. D’ailleurs si tu veux visiter, tu seras gentil de venir pendant mes heures de service, j’adore mon musée mais je ne tiens pas particulièrement à y passer six heures un samedi pour te montrer Mona Lisa en même temps qu’une rimbabelle de touristes souvent irrespectueux, d’accord ? » Je souris, hausse une épaule et m’étire en ramassant les sacs de bouffe qu’il a déposé ici. « Je vais présenter ça, au moins ». Je disparais en direction de la cuisine, et la sonnette retentit dans l’appartement, annonçant l’arrivée de la cousine en question. « Va ouvrir ! » Je crie en sortant des plats et des assiettes dignes de ce nom pour honorer la présence de sa cousine dans notre appartement.

Facebook était une chose qu'elle n'appréciait pas, et dont elle ne saisissait pas l'attrait chez les gens de son âge, il y avait tellement mieux que cet outil numérique pour s'épanouir, et pourtant, malgré elle, Allyson l'utilisait également. Ce n'était certainement pas dans le but d'avoir le plus d'amis possible, ni de jouer à des application stupides, mais uniquement pour communiquer avec ses proches. C'était de cette façon qu'elle avait découvert que son cousin était lui aussi à Paris, et ce depuis plusieurs mois, car ce dernier, était un fervent adepte du site, et postait presque quotidiennement ses tribulations. Ils n'avaient de commun que leur lien de parenté, et se distinguaient en tout point, lorsqu'on les mettait côte à côte. La jeune fille était timide et réservée, lui exubérant et dynamique au possible, pour autant elle l'appréciait beaucoup et ce en dépit des rares occasions qu'ils avaient de se voir. Elle ne bougeait que très rarement de sa ville natale, et ce pour de multiples raisons, tandis que Ludwig était toujours par monts et par vaux, bravant l'inconnu, à la recherche de défis improbables. C'était donc avec une joie immense qu'elle avait accueillit la nouvelle bienfaitrice, désireuse de le revoir après si longtemps, et sachant pertinemment qu'il saurait lui donner le sourire, quand bien même il serait sans doute trop expansif à l'idée de ces retrouvailles. Elle avait donc proposé qu'ils se retrouvent pour diner, afin d'échanger quelques souvenirs, mais principalement pour voir ce qu'il était devenu, depuis leur dernière rencontre.

Naturellement afin de braver la peur de l'inconnu - Ludwig avait beau être de sa famille, elle n'en demeurait pas moins effrayée à l'idée de passer une soirée ailleurs que dans son appartement -, il lui avait fallut ingurgiter plus d'une dizaine de tasses de thé, et de petits gâteaux français dont elle raffolait. C'était donc vêtue d'une modeste robe qu'elle avait déniché dans son armoire, qu'elle s'était rendue après maintes pérégrinations dans les métros de Paris - elle avait inversé les directions et les lignes -, dans le quartier où habitait son cousin. A l'instant où elle appuya sur la sonnette, l'angoisse s'empara de son corps frêle, et elle se crispa instinctivement, serrant avec force son sac qu’elle tenait contre sa poitrine. Les interactions sociales étaient et demeuraient chez elle, une source de crainte immense, et ce malgré toute la bonne volonté dont elle voulait faire part. Respirant une grande bouffée d'air, et comptant jusque dix mentalement, elle tâcha de se ressaisir, et un sourire illumina son visage refroidit par la température des plus négative. Au son des pas derrière la porte, et reconnaissant entre mille la voix de Ludwig dont elle percevait l’écho et les élucubrations, elle ne pu s'empêcher de pouffer de rire, le reconnaissant bien là. Oh oui, d'une certaine manière il lui avait beaucoup manqué. « Bonsoir ! » Souffla t-elle à demis mots, enjouée, tandis que le passage s'ouvrait devant elle.