Un. Deux. Trois. Je restais planté là, verre entre les doigts, regard perdu. Des potes m'avaient traîné dans cette boîte, sachant pertinemment que je n'allais pas être capable de maîtriser mon envie folle de danser. Chaque fois qu'un rythme pénétrait dans ma tête, j'en avais besoin, j'en avais tellement besoin. Je n'étais pas capable de passer à autre chose tant que je n'avais pas assouvi cette envie. C'était comme ça, la vie d'un danseur. Je buvais mon verre, ou plutôt l’engloutissais. C'était mon premier. Sûrement pas mon dernier. Mais je n'étais pas de ceux qui buvaient le plus rapidement possible afin d'envoyer la tête en l'air. Moi, je l'ai seulement fait pour gagner le plus rapidement possible la foule dansante. J'aimais tellement ça. Les partenaires inattendues. Les danses endiablées. Les charismes surprenants. Les regards enivrants. J'étais parti. Me frayait un chemin parmi ces gens et bougeais. Bougeais sans cesse, à ma façon. Ma gestuelle m'était particulière. Mais là, elle était semblable à celle de tout le monde. Nous n'étions que des sauvages avides de plaisir éphémères. Mes doigts caressaient le corps de ceux qui me tombaient dans les bras. Mais je les repoussais. J'aimais l'indépendance. Jusqu'à finir par trouver celle qui allait me faire tourner l'cerveau, pour m'envoyer valser à des kilomètres d'ici. De cette faune. Puis là, j'croisais un regard. Il était trop loin pour j'arrive à me concentrer dessus. J'oubliais alors, et continuais mes mouvements. Loin de cette personne que je ne remarquais pas avancer vers moi. Je ne la remarquais toujours pas, alors qu'elle tout prêt, tout prêt de mon corps. Salut entendis-je malgré le bruit incessant de la musique. Je m'arrêtais net. Putain. Mon regard attrapait le sien, et tout s'arrêta, net. C'était quoi cette chose, c'était quoi ce regard, c'était quoi cette gueule si singulière et perturbante ? Elle possédait une présence monstrueuse, elle dégageait un charisme ravageur. Je la voulais. Maintenant. Sans prendre le temps de lui répondre, je glissais doucement ma main contre la sienne, lui offrais ma confiance et l'attirais alors contre mon corps. Je la fis tourner sur elle-même, calant son dos contre mon torse. Je ne réfléchissais pas, j'agissais et l'embarquais dans cette folle danse. Authentique. Tout, tout m'offrait d'étranges sensations. A commencer par ce parfum qu'elle possédait. Cette façon d'articuler son corps. Ce n'était pas n'importe qui. Ce n'était pas une amatrice. Elle savait quoi faire, comment le faire. Je me laissais porter une vague, revenant en face de cette personne. L'une de mes mains alla attraper son visage. Je voulais comprendre. Qui était-elle, d'où sortait-elle, pourquoi était-elle venue à moi ? Je ne voulais surtout pas la laisser m'échapper. Je tentais de lire dans son regard. Mais rien, rien. Salut répondis-je alors. Dix minutes de danse enivrante plus tard.

Cette rencontre, endiablée, envoûtante. Ce regard que je n'oublierais pas, que je ne pouvais pas oublier. Elle avait tout récupérer, écrasant ses doigts contre mon coeur afin de l'attirer violemment contre elle. Étrange sensation. En tout cas, je n'hésitais pas et laissais mon corps danser contre le sien. Douce chaleur. Mes doigts se contentaient de la frôler. Je n'aimais pas me presser. Je n'avais pas envie de m’insérer dans l'intimité de la jeune femme. Elle semblait fragile. Et si féroce à la fois. J'abandonnais son corps, mais la gardais tout de même sous mon regard. Peu capable de la laisser m'échapper totalement. Je la saluais, avec quelques minutes de retard. Elle semblait souriante. J'avais un peu de mal à observer cela dans l'obscurité de l'endroit. J'ai pas l'habitude de faire ça, ça te dérange si on va boire un truc ? Sans hésitation, j'attrapais sa main et la guidais vers le comptoir. J'avais envie de passer du temps auprès d'elle, besoin d'apprendre à la connaître. J'étais captivé. Sincèrement. Déconcertante découverte, rencontre. J'abandonnais tout en caressant sa peau afin de m'accouder contre le bar. Je la laissais prendre le contrôle de la situation, je la laissais commander deux boissons. Je m'en foutais de ce qu'elle allait choisir, je m'en foutais de tout ça. Tout ceci n'était que l'emballage, moi j'profitais du cadeau que je venais d'obtenir. Tu danses depuis longtemps ? Ça, je n'en avais aucun doute. C'était une danseuse talentueuse qui n'avait pas besoin de réfléchir ses pas afin d'éblouir le petit peuple. Elle était danseuse. Délicatement, je récupérais nos verres que je coinçais entre mes doigts. Je l'attirais alors loin de tous, auprès d'une petite banquette spécifiquement créés pour les binômes désirant un peu de calme. Je déposais l'ensemble et la laissais prendre place. Je m'installais alors à côté d'elle. Presque gêné. Parce que je ne souhaitais pas qu'elle puisse croire mes gestes comme étant remplis de pensées malsaines. Pour moi tout était voulu comme étant simple. Tu viens souvent ici ? lui demandais-je, stupidement. Je n'étais clairement pas capable de mieux.