la vérité éclate toujours.

Elle a de plus en plus de mal à allier les cours et les soirées au KFC. Léo s’épuise sur place. En plus toutes ces odeurs de gras, ça lui file carrément la gerbe. Mais elle tient bon, parce qu’elle n’a pas le choix et parce qu’elle s’y est habitué à tout ça. Aujourd’hui encore, quand elle est sortie de cours, elle s’est emmitouflée dans son immense écharpe ; celle qui fait disparaitre sa tête, tellement elle est énorme. Et elle est presque allée de façon enjouée jusqu’au boulot.
Mais va savoir pourquoi, trop de menus servis peut-être… elle accuse le coup. « Léonie, bouge-toi. » lui lance son chef. Un type ignoble qui croit qu’il a réussi sa vie maintenant qu’il a gradé chez KFC. Bel avenir devant toi, mec. En plus de ça, il l'appelle Léonie et ça a le don de la mettre hors d'elle. Elle prend même pas la peine de répondre, elle redessine un sourire sur son visage, ses yeux bleus redeviennent pétillants. « Bonjour ! » elle s’exclame au nouveau client devant elle, qui comprend pas vraiment pourquoi elle est si heureuse de servir des barquettes de poulet.
Sur la caisse enregistreuse, une horloge digitale, précise à la seconde près, fait défiler le temps. Plus que deux heures. Plus qu’une heure et demie. Plus que trois quarts d’heure. Plus que dix minutes. Plus que… c’est fini. Léo retrouve miraculeusement de l’énergie et vire son uniforme de KFC pour enfiler son vieux jean, son sweat, son manteau et son écharpe.
Une cigarette l’accompagne jusqu’au métro, dans lequel elle s’endort presque. Elle espère que Rio va bien, elle espère qu’elle dort paisiblement. Il est près de minuit et Léo est levée depuis presque vingt-quatre heures, la seule chose à laquelle elle aspire c’est s’effondrer dans son lit.
La porte de l’appartement est déjà ouverte. Léo trouve un bol et une cuillère sur la table basse du salon. Elle sourit. Lisa est là. La douche arrête de couler. « Lisa, j’suis là. » elle dit en se dirigeant vers la salle de bain. « Salut Léo ! » Léo sourit et puis elle voit vaguement quelque chose d’anormal sur le visage de sa sœur. « J't'ai laissé de l'eau, t'en fais pas. » Lisa-Rose est un peu trop enjouée pour quelqu’un qui sort juste de la douche. Léo fronce les sourcils.
Doucement, elle attrape le bras de sa sœur et la retourne face à elle. Elle découvre un bleu sur sa joue. Il est énorme, même si Léo voit bien qu’il a déjà commencé à disparaitre. Poussée d’adrénaline, Léo n’est plus du tout fatiguée. « Lisa, qu’est-ce que c’est que ça ? » Elle sait que si elle ne l’a pas vu avant, c’est parce que Lisa a du le cacher. Alors c’est pas juste une mauvaise chute. Il s’est passé un truc. « T’as des problèmes au lycée ? » elle demande.
Ça y est, Léo s’inquiète. Trois milles scénarios lui passent par la tête. Sa sœur se fait tabasser par des filles du lycée. Racket. Sa sœur s’est faite tabassé par un amoureux insistant. Sa sœur s’est… Léo sait même plus où donner de la tête. Tout ce mélange. Tout y passe. Elle attend une réponse.

la vérité éclate toujours.

Léo n’a plus du tout envie de dormir maintenant. Tout ce qu’elle veut c’est la vérité. Elle sait qu’elle ne l’aura pas facilement, parce que si Lisa-Rose s’est donné tout ce mal à caché son bleu, c’est pas pour cracher le morceau aussi aisément devant une simple question de Léo. Mais Lisa sait très bien que sa grande sœur ne lâchera rien. C’est comme ça dans la famille, les ainés veillent sur les plus jeunes. Et si Léandre avait vu un truc pareil sur le visage de Léo, c’aurait été pareil.
Léo essaye de se calmer, parce que ça sert à rien d’inventer la vérité. Ça en fait qu’empirer les choses, empirer sa peur. Elle respire profondément. Lisa lui fait face maintenant. Elle baisse la tête, pendant que Léo attend encore et toujours une explication. « C'est rien du tout.. » Léo n'est pas dupe. Lisa-Rose elle-même n’est pas convaincue, c’est flagrant. Léo soupire. « Et j'ai aucun problème au lycée. C'est promis. De toute façon, on fait pas attention à moi au lycée. » Comment ça ? Léo à soudain l’impression que des tas de trucs lui ont échappés. Peut-être qu’a force de passer son temps entre les Beaux-Arts et le boulot, elle n’a rien vu venir. Est-ce qu’elle devrait commencer à culpabiliser ? Peut-être.
« Alors… pourquoi tu as un bleu sur la joue ? » elle demande. « Lili, tu sais que tu peux tout me dire, ok ? » Léo veut savoir la vérité. Si sa petite-sœur à besoin d’elle, elle doit le savoir. Elle s’inquiète trop pour elle. Et puis elle fronce les sourcils. « Et puis, comment ça on fait pas attention à toi, au lycée ? » Léo essaie de se souvenir depuis quand Lisa-Rose pourrait avoir se bleu, mais elle n’arrive pas a rassembler tous les morceaux, pour le moment. Parce qu’elle ne sait pas tout.

la vérité éclate toujours.