Nom complet ▲ Le Guyader c'est le nom de famille de papa, ça vient de Bretagne, et Bourgeois, c'est le nom de ma mère, et ça, ça vient d'un peu partout, même si maman est suisse. Lieu de naissance ▲ Je suis né à Paris, j'y ai toujours vécu, c'est un peu le territoire de ma famille hein. âge ▲ J'ai vingt-trois ans, presque vingt-quatre (ouh !). nationalité ▲ Je suis franco-suisse. diplômes, études ▲ Oui, ça c'est une longue histoire. En ce moment, je suis en première année de master de philosophie, et j'ai aussi étudié les lettres classiques pendant trois ans. métier ▲ Je suis animateur radio avec ma copine Salomé. Je ne suis pas très doué. statut matrimonial ▲ Je suis en couple avec le monde... orientation sexuelle ▲ Pas hétéro pour un sou, mais une jolie fille, je lui fais quand même ce qu'elle veut. situation financière ▲ Moi ça va, merci. Ne vous inquiétez pas pour ça. idole(s) de vie ▲ Salomé, Karen O, Claude Sarraute, Alice Glass, Minerva McGonnagall, Pierre Bénichou, Tina Fey, Patsy Stone, Amy Poehler, Owen Pallett, David Bowie. nombre d'amis facebook ▲ 1,754. Si. J'ai beaucoup voyagé et puis je suis un garçon sympa. moyen de déplacement ▲ Un peu tout. Des fois j'utilise les voitures de mes parents, d'autres fois je me sers de mon vélo ou de mes jambes et des fois je prends les transports en commun. groupe ▲ Un autre monde. avatar ▲ Colton Haynes. crédits ▲ Aurélie & Brainygranger.

▲ La famille de Victoire est assez fortunée, et ses parents possèdent, outre leur résidence principale sur l'île St Louis, une maison de campagne en Bretagne, un chalet en Bavière et un appartement à Genève. ▲ Victoire avait un frère jumeau, Xavier, qui s'est suicidé en 2012. Depuis, il est l'ainé de sa fratrie; après lui, viennent Léon, Agathe et Camille. ▲ Il a beaucoup de mal à se surmonter la mort de son frère. ▲ Membre militant de la communauté LGBT, il adore fréquenter la scène queer parisienne, et entraine avec lui ses frères, sa sœur ou ses amis, selon ses humeurs. ▲ Enfant gâté, il n'aime pas se voir refuser un caprice ; il ne porte par exemple que des vêtements de la marque Sandro, qu'il n'achète jamais en soldes, peu importe leur prix. ▲ En dépit de sa situation sociale hyper-confortable, il a peu de rêves et d'ambitions. il se contente de ce qui croise sa route. ▲ Il n'a jamais été très violent, et serait probablement incapable de se battre. C'est en tout cas ce qu'il dit à tout le monde. ▲ Son casier judiciaire n'est plus vierge puisqu'il a été arrêté à deux reprises pour attentat à la pudeur. ▲ Son parfum de glace favori est la violette, dont il ne se lasse jamais. ▲ Victoire n'a jamais eu de relation sérieuse, préférant rompre tout contact avant que les choses ne deviennent compliquées. ▲ Il étudie la philosophie et la littérature, se spécialisant dans les idées et réflexions contemporaines. ▲ Éduqué dans le circuit privé, il parle couramment anglais et allemand. ▲ Victoire adore Shy'm, sans ironie aucune. Il serait parfaitement capable d'aller la voir en concert, si seulement on voulait bien lui offrir les places. ▲ L'île Saint-Louis est son endroit favori au monde, et il ne veut surtout pas la quitter. C'est en partie pour cela qu'il reste vivre chez ses parents. ▲ C'est un grand sportif, qui court tous les jours, quel que soit le temps. Il pratique également le tennis et l'équitation. ▲ Victoire a tout du gosse de riches classique, si ce n'est qu'il est particulièrement gentil ; les intrigues, les rumeurs et les moqueries ne lui ont jamais plu. ▲ Il ne s'intéresse pas à la politique. ▲ Vous ne l'entendrez jamais jurer; il est bien plus poli que tous ses frères et sa sœur. C'est d'ailleurs le mieux élevé.

Camille m’arracha la lourde valise de la main et l’empoignant fermement, il monta avec elle dans le wagon. Je m’exclamais : « J’aurais parfaitement pu y arriver seul ! » C’était vrai. « Mais merci quand même ! » Mon petit frère me lança un regard moqueur par dessus son épaule. « Tu parles… » Je m’apprêtais à lui répondre lorsqu’on me poussa de derrière. « Avancez devant, c’est lourd ! » Je me retournai et adressai un geste obscène à mon jumeau qui attendait sur le quai, chargé de deux valises pleines. « Minute, lui répondis-je en souriant à pleines dents, Camille veut faire comme s’il avait des muscles… » « Ta gueule Victoire ! » J’ignorai la réponse de mon cadet et tendis la main en direction de Xavier. « Donne m’en une… » Il obtempéra et j’attrapai la valise qu’il me faisait passer. « Merci frangin. » C’était la première fois que nous avions été autorisés à passer le nouvel an en dehors de notre maison en Bretagne, la première fois aussi que nous allions célébrer le réveillon sans nos parents. Nous avions choisi de le passer ensemble, de réunir la fratrie Le Guyader-Bourgeois. Nous avions tout prévu. Maman nous prêtait son chalet en Bavière, ce petit chalet où nous avions passé tant d’hivers, à dessiner des cartes au trésor, à organiser des batailles de boules de neige, à se cacher derrière les troncs épais et sombres des sapins immenses. La grande horloge sur le quai de la Gare de Lyon indiquait, et Xavier, Camille et moi embarquâmes à bord du TGV numéro 1036, en direction de la gare de Lyon-Part-Dieu. Nous passâmes tout le trajet à ronfler dans nos sièges confortables de première classe, et lorsque le train fut arrivé en gare, il nous fallut de longues minutes pour extirper toutes nos possessions du wagon, et nous rendre, chargés comme des mules, sur la voie B, d’où partait un second TGV, en direction de Genève cette fois, puis nous prîmes un train pour Zurich, d’où nous montâmes à bord d’un nouveau train, express, pour Munich cette fois. Arrivés dans la capitale de la Bavière, nous étions épuisés, et nous décidâmes de nous reposer quelques instants dans un petit café typique, où l’on nous servit de grandes tasses de café chaud et délicieusement aromatisés au cacao. Cet intermède nous remit sur nos pieds, et nous reprîmes la route à bord d’une petite voiture d’une location, bien trop chargée par tout ce que nous avions emmené avec nous. Il faisait nuit noire lorsque nous arrivâmes enfin à destination.

Le chalet n’avait pas changé. Il était resté identique au souvenir que j’en avais. Nous n’y étions plus venus depuis fort longtemps, et retrouver ce temple sacré de mon enfance, de notre enfance, me serra un instant le cœur. Tandis que Camille rangeait nos affaires et que Xavier préparait notre premier diner bavarois, je sortis du chalet afin de rentrer du bois ; nous allions faire un feu de cheminée autour duquel déguster le repas préparé par mon frère. Je ramassai les morceaux de bois et les ramenai à l’intérieur, puis m’attelai au feu. Les flammes prirent vite, au grand bonheur de Xavier qui se plaignait du froid. Les deux jours suivants passèrent lentement : nous attendions avec impatience le trente-et-un, et l’arrivée d’Agathe et Léon, les deux plus jeunes de la fratrie. Lorsque nous entendîmes les pneus du taxi qui les transportait crisser sur la route en s’arrêtant, nous nous précipitâmes en dehors du chalet pour les accueillir à coups de cris de bienvenue et d’embrassades folles. Vint le soir, le réveillon tant attendu. Xavier et Léon prirent en charge le plat chaud, je m’occupais des entrées, et Agathe et Camille se mirent au dessert. Il était huit heures du soir, et nous étions prêts à manger. Nous étions allés nous changer pour passer des tenues un peu plus élégantes, Agathe était splendide dans la robe que je lui avais offerte pour Noël. Peu importait la manière dont nous étions vêtus, Xavier et moi étions le reflet parfait l’un de l’autre. Nous débouchâmes une bouteille de vin rouge, puis lorsqu’elle fut terminée, nous en ouvrîmes une autre, avant de passer au vin blanc. Avant la fin du repas, nous étions tous délicieusement ivres, pas ivres-morts, mais juste ce qu’il faut, ce moment précis où les têtes tournent et les démarches sont moins assurées. « J’aimerais bien que Charles revienne » dit Agathe, le regard plongé dans le flou. Charles, c’était son petit ami, un garçon charmant mais torturé, fou-amoureux d’elle, mais persuadé qu’elle ne se remettrait jamais de sa relation précédente, et qui venait tout juste de rompre avec elle. « Vous aimiez bien Charles, non ? » Nous acquiesçâmes tous de la tête, à son plus grand bonheur. Nous débouchâmes le champagne, sans nous apercevoir qu’il n’était pas encore minuit. Agathe en but une gorgée au goulot, puis passa la bouteille à Léon qui s’en versa une coupe pleine. « Santé » dit-il, « à Charles ! » Nous éclatâmes de rire, et la discussion changea de sujet. Nous parlâmes de tout ce soir-là. Je leur racontai comment Salomé m’avait forcé à coucher avec un garçon pour que je lui obtienne le numéro de son frère, et Léon nous avoua que lui aussi avait essayé les garçons, et que ça ne lui avait pas déplu. Agathe rit beaucoup à nos histoires. Xavier nous apprit que son ex-petite amie était enceinte de lui, mais qu’elle avait avorté sans le prévenir, nous le regardâmes avec stupéfaction, il nous dit que ça allait, je sentis qu’il mentait, je le sentais en moi, mais je ne dis rien, et nous écoutâmes ensuite Camille nous confier qu’il ne voulait pas perdre sa virginité, parce que toutes nos histoires de cul lui fichaient le moral au fond des chaussettes, et nous éclatâmes de rire, une nouvelle fois. Nous parlâmes longtemps, nous ne vîmes même pas passer minuit, aucun de nous ne répondit aux messages qui s’amoncelèrent des heures durant sur nos téléphones, et ce ne fut que lorsque les rayons du soleil nous aveuglèrent que nous allâmes nous coucher, ivres d’une nuit arrosée, passée à discuter des choses qui fâchent et de celles qui font sourire, à danser sur nos morceaux favoris, à raconter nos rêves à ceux que nous connaissions le mieux.

Je réalise que pour vous, cette histoire ne doit avoir aucun intérêt. Aussi, je vous invite à vous arrêter là. Ce que vous lisez, et ce que vous vous apprêtez à lire, n’est ni plus ni moins que les tentatives maladroites d’un jeune homme de retrouver un peu du bonheur qu’il a un temps connu, entouré de ses trois frères et de sa sœur. Bien sûr, pour vous ce temps ne signifie rien ; mais pour moi, c’est un âge d’or mythique, une période de douceur dont je caresse le souvenir avec avidité, jamais rassasié de ces restes, de ces miettes. Si vous le souhaitez, vous pouvez poursuivre votre lecture, vous pouvez continuer de regarder par la fenêtre de ce petit chalet en Bavière, où, l’année dernière, Xavier, Victoire, Léon, Agathe et Camille célébrèrent leur premier et unique réveillon ensemble. Je vais quant à moi reprendre mon récit et en poursuivre le cours, recollant un par un les morceaux qui me reviennent, recousant entre elles les bribes, en espérant que de mon canevas grossier finisse par ressurgir le tableau que j’essaie de peindre depuis plus d'un an.

C’est un automne pourri dans le Finistère. Il pleut des trombes d’eau et il fait un froid dégueulasse, on se croirait en Écosse. Nous sommes venus passer quelques jours en famille. Il y a longtemps qu’on ne s’était pas retrouvés tous ensemble, mais c’est normal, on s’est éparpillés un peu de partout. J’habite encore avec les parents, mais ils sont rarement là, ils voyagent beaucoup. Léon aussi vit encore avec nous. Agathe étudie à Oxford, on la revoit à peine. Et Camille est parti étudier à Lyon, alors parfois, avec Léon, on prend le train et va le retrouver. Ça occupe nos weekends, déjà bien remplis. Léon, surtout, fait beaucoup la fête. C’est lui qui a le plus ramassé, de nous tous. Il sort beaucoup, il boit des litres, il a pris pas mal de drogues. On le laisse faire parce qu’on ne vaut pas mieux que lui, mais on voudrait l’aider. Moi je sors aussi beaucoup, j’ai toujours été un amateur de soirées, mais j’ai aussi les cours et le travail qui me prennent du temps ; ça me distrait. Mais des fois, je pars pour Lyon avec Léon, et on passe le weekend avec Camille, entre frères. On se retrouve et on s’amuse pendant deux ou trois jours et puis on repart à nos vies respectives. Cette fois-ci, c’est dans notre maison en Bretagne que nos parents nous on réunis, pour le weekend. Ils voulaient tous nous retrouver, nous avoir autour d’eux. Je ne sais pas quelle est l’occasion, je m’en fiche, j’ai accepté par devoir, mais ça m’ennuie un peu, j’aurais préféré passer le weekend à Paris, des amis allemands étaient de passage, on aurait pu s’amuser ensemble. J’irai les rejoindre à Berlin un de ces jours, je rêvasse, assis dans un fauteuil du salon, un livre ouvert sur les genoux. J’ai arrêté de le lire depuis plusieurs minutes, distrait par mes pensées. Mes parents ont essayé de nous préparer quelque chose à manger, mais à en juger par l’odeur qui flotte dans la maison, ça a brûlé. Camille s’est enfin levé –il est tard, presque quatorze heures, il s’est douché, et puis il vagabonde dans le salon en caleçon, les cheveux encore trempés. « Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? » Je lui rétorque que c’est dimanche, qu’on n’a rien à faire de toute façon, qu’il ne nous reste qu’à attendre sagement qu’on nous ramène à Paris. Il soupire. « Allume la télé, je lui suggère, il doit y avoir quelque chose de sympa. » Erreur. Nous n’avons que six chaines ici, et on se retrouve à regarder un vieux téléfilm allemand, l’estomac dans les talons. C’est à ce moment précis que Léon est entré dans le salon, en nous proposant d’aller faire un tour. Ni Camille ni moi ne sommes trop enchantés par l’idée, mais ça nous permettrait toujours de sortir d’ici, alors on a fini par accepter, et par entrainer Agathe dans notre escapade.

On est tous les quatre sur le pas de la porte, il ne pleut plus mais il fait très humide et froid, et le brouillard est pénétrant. On n’ose pas s’avancer un peu plus. Agathe est la première à prendre le risque. « On va où ? » elle demande. On se tourne à l’unisson vers Léon, l’instigateur de cette randonnée sauvage, et il sourit, il regarde ailleurs, vers la plage qu’on ne voit pas d’ici, et il répond qu’on sait très bien où on va. Agathe secoue la tête de gauche à droite. « Alors je viens pas. » Elle rentre. Camille soupire, Léon baisse la tête, et c’est moi qui prends l’initiative, je les attrape par les épaules, et je les fais avancer. « Alors allons-y… » et on y va. Notre respiration se transforme en buée lorsqu’elle sort d’entre nos lèvres gelées. Nos pas sont lents et pas assurés, on ne dit rien, et Agathe nous a rejoints sans qu’on l’entende, elle marche à présent devant nous. On marche dans le grand jardin de la maison, on disparaît dans les arbres, tout au fond. C’est comme un tout petit bois privé, une forêt rien que pour nous, dans laquelle on se rassemble. Je demande : « Vous vous souvenez, où c’est ? » Léon acquiesce. « Je ne peux pas oublier. » Je lui en veux de sa remarque. Je n’ai pas oublié non plus, j’ai juste volontairement retiré cette donnée de mon esprit, je l’ai rejetée dans un coin reculé, je l’ai entourée de ronces et de boue, je l’ai faite couler dans le béton, mais vraiment, je pourrais retrouver l’endroit sans hésiter. C’est une petite plaque, une toute petite plaque de marbre gravée, au pied d’un petit sapin. Léon s’est assis en plein milieu des brindilles, des feuilles mortes, sur la terre mouillée, les jambes en lotus. Agathe s’est appuyée contre un tronc d’arbre, un peu plus loin, et j’ai passé mon bras autour de l’épaule de Camille. Il n’y a plus beaucoup de lumière, et aucun bruit ne vient troubler cette réunion silencieuse. On prononce les Amen muets de ceux qui ne croient en aucun dieu, on se regarde sans mot dire. Et puis mon regard se brouille, je sais ce qui se passe, je les sens monter en moi, les larmes, et déborder, couler une à une le long de ma joue. C’est Camille qui me soutient, en fait, qui m’empêcher de tomber, mais je m’en détache, et je m’agenouille, moi aussi sur le sol trempé et froid, à côté de Léon, qui prend ma main et la serre à me broyer les jointures. Agathe est repartie parce qu’elle ne pleure pas devant les hommes. Ma vision s’est tellement brouillée que je n’arrive plus à lire les mots –lapidaires– écrits sur la plaque, mais je parviens à m’en souvenir alors que nous repartons en direction de la maison. Xavier Le Guyader-Bourgeois – 1989-2012 – Fils et frère. Xavier le suicidé, c’est ce qu’on aurait dû graver, parce que cet épitaphe-là, au moins, il aurait eu du sens pour nous. Camille, Léon et moi marchons, main dans la main, et puis nous arrivons à la maison. Assise sur le pas de la porte nous attend Agathe, les yeux rougis, elle a pleuré mon jumeau comme si c'était le sien, et elle dit, la voix tremblante : « Papa et maman veulent rentrer. »