Al-Kâtib, tous réunis sur ce petit bout de canapé à regarder ce pauvre film sans intérêt. Je ne me rappelais même pas de son prénom. Ma tête était déposée contre le torse de Camel, mes doigts jouaient avec ceux de Saad. J'étais ailleurs. Dans mes pensées. Mes frères ne semblaient pas plus captivés que moi. Je fermais mes paupières, tentant de profiter de cet instant pour aller bien, mieux. Devenir dépressive, est-ce grave, est-ce réel ? Bonne question. Un bruit assourdissant m'obligea à me redresser. Il provenait de la télévision. Humm marmonnais-je, énervée d'avoir été expulsée de mes songeries. Pour la peine, j'embrassais les doigts de mon aîné et cachais davantage mon visage contre le torse accueillant de Camel. On se faisait chier, clairement. Ça ne nous ressemblais pas, ce n'était pas nous. Trop calmes. Trop sages. Comme-ci l'obscurité extérieure s'était propagée au sein de notre appartement. C'est quoi votre problème ? demandais-je alors à mes aînés tout en me redressant. Je ne savais pas quoi faire de mon corps, je n'arrêtais pas de changer de position. Pendant quelques secondes, je jouais avec mes lèvres, remettait mes cheveux en ordre et les regardais un à un. Ce film est pourri, vous êtes pourris glissais-je tout en changeant de chaîne, une douce musique urbaine s’éleva alors dans la pièce. Je souriais, satisfaite. Depuis quand vous passez de sages petites soirées à la maison, vous ? leur demandais-je tout en déposant mes pieds sur la table basse. J'attrapais une clope qui traînait par là, me l'allumais et commençais déjà à fumer, sans gêne. Ils allaient probablement râler ce geste, mais je m'en foutais. Ils n'étaient en aucun cas des personnes exemplaires. Ils possédaient tout autant que moi des instants de faiblesse. Puis merde. Je souhaitais seulement profiter, sans continuer à m'écraser et à déprimer devant un film qui ne m'offrait aucune sensation.