C'est un mercredi comme un autre, j'entre dans l'église en silence, m'installe dans l'un des confessionnal et tout se passe très vite. Surtout qu'en ce moment, je n'ai plus grand chose à confesser comme ça fait quelques semaines que je n'ai pas vu Tim... Mais la semaine passée a tout de même été éprouvante puisque je me suis réveillée un dimanche matin, à une heure peu raisonnable (proche de midi). J'avais bu la veille, je m'étais réveillée dans le lit de Manech, il m'avait vue à demi-nue et j'avais loupé la messe. Autant dire que je savais en entrant dans cet espace clos que la punition divine qui allait s'abattre sur moi allait être dure à avaler et lourde à porter. Et comme je l'ai prévu, la sentence a été irrévocable et c'est à coup de « Je vous salue Marie » pendant près d'une heure que j'ai dû réparer ma faute. Je prie ensuite pendant environ une demi-heure, comme à chaque fois que je viens ici et je sors finalement de l'église.

Dehors, il fait tout de suite plus clair, et je dois dire que le soleil hivernal me fait quand même mal aux yeux et que je mets quelques instants avant d'y voir de nouveau correctement. Distraitement, je suis une voiture du regard avant que celui-ci ne soit attiré par une personne portant une capuche et ayant un appareil photo à la main. L'objectif de cet appareil est d'ailleurs fixé sur moi, ou bien sur l'église, je ne sais pas. Je fronce les sourcils, incapable de savoir quoi faire en une telle situation et lorsque la personne commence à ranger avec précipitation ce qu'elle avait dans les mains (l'appareil, donc), je décide de faire quelques pas afin de m'approcher et avoir des explications. La personne commence à se lever, et je ne suis plus qu'à quelques pas d'elle. « Eh, attendez ! » dis-je tout en arrivant près de la personne pendant que celle-ci commence à partir, toujours en grande hâte. Mon sac, qui était sur mon épaule droite passe à l'épaule gauche, en bandoulière et je commence à accélérer le pas et bientôt, je cours afin de pouvoir passer devant le photographe. Après tout, je fais du jogging une fois par semaine, ça n'est pas pour rien ! Je m'arrête devant la personne et je n'ai besoin que d'un instant afin de reconnaître les yeux de ma sœur jumelle. Autant dire que c'est la dernière personne que j'attendais à Paris, la dernière personne que je pensais revoir un jour et la dernière que je pensais capable de ce genre d'acte. Bouche-bée, j'ai du mal à enfin mettre un nom sur le visage qui est devant moi. « Eirwenn... ? » je chuchote, incapable de dire quoi que ce soit de plus. J'ai l'impression que je vais m'évanouir.

Dans ma tête, des tonnes de blasphèmes déferlent les uns après les autres. Et dire que je suis à peine sortie de ma confession... Je crois que je vais finir par noter toutes mes fautes dans un petit bloc-note (ou dans mon agenda) pour pouvoir expier mes fautes lors de mes prochaines confessions, parce que celles-ci se multiplient à une vitesse phénoménales en ce moment. J'ai l'impression que je vais tomber dans les pommes, parce que c'est véritablement comme si Dieu avait envoyé le Messie sur cette terre (oui, un autre...). Eirwenn, à Paris. Celle que je n'ai pas vu depuis près de 4 ans est de nouveau face à moi, me prenait en photo à ma sortie de l'église... Je n'arrive plus à raisonner. Qu'est-ce qui vient de se passer ? Pourquoi est-elle ici ? Des tas de questions se bousculent dans ma tête et je n'arrive pas à répondre à celles-ci. « Euh... Salut. » dit-elle. J'entends sa voix pour la première fois depuis quatre ans, et je peux avouer sans complexe que cela me fait à la fois un drôle d'effet et un bien fou. Parce que malgré tout, j'ai perdu une partie de moi lorsque ma sœur a quitté le domicile familial alors que je n'y étais pas tout à fait préparée. Depuis, j'avais un peu tourné la page, la considérant comme quelque chose faisant partie d'un passé qui resterait à jamais du passé. C'est vrai, lorsque j'ai parlé de ma famille à Tim, je n'ai mentionné que l'existence de mon frère. Ma sœur était réellement comme un... souvenir qu'il fallait à tout prix oublier, et je crois que c'est ce que j'ai fait, en partie. Bloquée dans un coin de ma mémoire et cachée par de grands rideaux de couleur rouge, elle était comme effacée et je refusais de lui accorder le droit de rester dans ma mémoire active et d'en parler. Je crois que c'est parce que c'était trop dur de se dire qu'elle m'avait abandonnée pour aller vivre une autre vie, une vie dans laquelle je n'existais pas non plus. « Doux Jésus... » je suis incapable de dire quoi que ce soit de plus constructif, alors qu'elle ajoute précipitamment que je ne dois rien dire à nos parents. Mon cœur se serre. Ma mère est la personne qui me connaît le plus sur cette terre et je n'ai pas pour habitude de lui mentir (à vrai dire, ça n'est arrivé qu'une fois, lorsque Tim avait élu domicile dans mon appartement suite à un défi) et elle voit (et entend) lorsque je me sens bizarre. « ... Entendu. » dis-je, parce que je ne sais pas quoi dire de plus. Je n'arrive pas à reprendre mes esprits, parce que ça me paraît si peu réel... « Je... tu... il fait froid... Tu veux pas qu'on... qu'on aille quelque part ? Si tu veux bien passer un petit moment avec moi. Quelques minutes suffiront... je.. c'est si inattendue... » Tout cela n'empêche pas qu'elle m'a manqué énormément.

Eirwenn avait beau dire ce qu'elle voulait, il existait un lien entre sa jumelle et elle et, en le brisant plusieurs années auparavant en quittant le domicile familial, la blonde en avait bien plus souffert qu'elle ne voulait bien l'admettre. Avoir Llywelyn comme ça, devant elle, c'était... inattendu, certes, mais Eirwenn ne pouvait pas vraiment dire qu'elle n'en mourrait pas d'envie depuis des années, et encore plus depuis qu'elle avait élu domicile à Paris. « Doux Jésus... » entendit-elle sa jumelle murmurer alors qu'elle ne la quittait pas des yeux. Un sourire, sinon amusé, au moins pas si surpris que ça de voir qu'elle n'avait pas vraiment changé de ce côté là, se dessina sur les lèvres d'Eirwenn qui détourna les yeux, se retenant de dire à sa jumelle qu'elle n'était vraiment pas sûre que Jésus ai quoique ce soit à voir avec le fait qu'elles se trouvent l'une en face de l'autre. Cependant, malgré tout ça, Eirwenn ne put s'empêcher d'en venir immédiatement aux faits : voir sa jumelle et lui parler était une chose, l'annonce de son retour à Paris en était une autre et si il y avait bien une chose dont elle était sûre, c'était que ni elle, ni ses parents n'étaient prêts à s'affronter, ils n'avaient sûrement pas changé leur position au niveau de leurs croyances et Eirwenn, avec ses études et l'indépendance qu'elle avait acquise ces dernières années, était encore plus profondément convaincue que la nature, les hommes, l'univers et leur création n'avait rien à voir avec un quelconque Dieu. « ... Entendu. » fut-elle surprise d'entendre sa soeur lui dire ; elle luia dressa un regard plus que reconnaissant et hocha la tête en signe de remerciement. Elle savait parfaitement que Llywelyn allait elle aussi à l'encontre de ses convictions en mentant à leur mère. « Je... tu... il fait froid... Tu veux pas qu'on... qu'on aille quelque part ? Si tu veux bien passer un petit moment avec moi. Quelques minutes suffiront... je.. c'est si inattendue... » Le regard d'Eirwenn se fit douloureux pendant un instant mais elle ne tarda pas à le cacher pour hocher la tête. « Si, si, bien sûr... Hm... Tu veux qu'on aille boire un café ? » C'était tellement étrange de lui demander ça ! Et ça l'était encore plus que Llywelyn agissait comme si elle était "indésirable" aux yeux d'Eirwenn, et que cette dernière prit conscience que c'était sûrement comme ça qu'elle devait percevoir son départ de la maison. Immédiatement, elle ressentit le besoin de rendre justice à ses actions (pas français, fuck it). « Tu sais, Lly... Je suis désolée d'être partie comme ça. C'était pas... enfin c'était pas à cause de toi, hein. C'était juste... enfin, tu sais bien, l'ambiance à la maison et tout... » déclara-t-elle doucement alors qu'elles commençaient à remonter l'Avenue Foch à la recherche d'un café.