Mercredi. Le jour où Llywelyn n'avait jamais de cours, mais le jour où elle se levait à 6 heures pour pouvoir remplir un programme assez chargé. La brune sortait du lit aux environ de six heures trente dans un excès de flemmardise qu'elle pourrait confesser quelques heures plus tard, puis se préparait pendant une demi-heure. Une fois chose faite, elle sortait de son appartement, des écouteurs dans les oreilles et marchait jusqu'au Canal Saint-Martin où elle commençait son jogging (non, sa silhouette, c'est pas le St. Esprit qui lui a donné, elle en est elle-même désolée.). Après une bonne heure et demi, la brune se rendait à l'église, toujours en trottinant avec aisance. C'était une routine, une façon de se garder en forme et de rester active tout en se rendant à l'endroit où elle se rendait plus de trois fois par semaine. Plus pratiquante que Lly, ça existait, mais elle était déjà flippante pour la plupart des gens qui la connaissait. A croire que la religion, ça rend con. La brune, une fois devant l'église dans laquelle elle se rendait tous les mercredi matin s'arrêta, contempla la façade durant quelques secondes puis entra dans celle-ci. Elle fit un signe de croix en passant la porte et se dirigea ensuite vers le confessionnal où elle s'engouffra en baissant la tête. Les pêchers, depuis qu'elle avait rencontré Tim, elle ne cessait de les accumuler, surtout en souhaitant sa mort, en fait. Ou en lui balançant des jurons à la figure. La brune s'assit, se racla la gorge puis prit la parole : « Bonjour, mon père. »

La brune resta sans réponse au salut fait par le prêtre, elle ne reconnaissait pas sa voix, cependant ceci ne l’inquiéta pas plus que ça dans la mesure où il y avait plusieurs prêtres dans cette église. Cependant, la jeune femme ne se confessait qu'avec un seul d'entre eux, mais elle pensa qu'il était certainement souffrant et dans l'incapacité d'assumer son rôle en ce jour. Elle détacha ses cheveux dans un geste nerveux, puis elle expira nerveusement en cherchant une prière à réciter. Elle tentait de changer à chaque fois, parce que réciter toujours la même, c'était juste céder à la facilité et son enseignement religieux ne lui avait jamais apprit à utiliser la facilité plutôt que la difficulté. Alors elle s'était appliquée à apprendre un bon nombre de prière et les récitait une à une, chaque mercredi. « Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, factorem caeli et terrae, visibilium omnium et invisibilium, Et in unum Dominum Iesum Christum, Filium Dei unigenitum, et ex Patre natum, ante omnia saecula, Deum de Deo, lumen de Lumine, Deum verum de Deo vero, genitum, non factum, consubstantialem Patri: per quem omnia facta sunt. Qui propter nos homines et propter nostram salutem descendit de caelis. Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est. Crucifixus etiam pro nobis sub Pontio Pilato; passus et sepultus est, et resurrexit tertia die, secundem Scripturas, et ascendit in caelum, sedet ad dexteram Patris. Et iterum venturus est cum gloria, iudicare vivos et mortuos, cuius regni non erit finis. Et in Spiritum Sanctum, Dominum et vivificantem: qui ex Patre Filioque procedit. Qui cum Patre et Filio simul adoratur et conglorificatur: qui locutus est per prophetas. Et nuam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam. Confiteor unum baptisma in remissionem peccatorum. Et exspecto resurrectionem mortuorum, et vitam venturi saeculi. Amen. » Le ton le plus solennel possible, les mains jointes, elle fermait les yeux. La brune l'avait relu la veille au soir et trouvait cette prière particulièrement parfaite. Elle resta quelques instants silencieuse avant de finalement prononcer les mots qu'elle prononçait tous les mercredi, inlassablement : « Pardonnez-moi mon père, car j'ai pêché. » La brune baissa la tête, soupira.

« L'objet de votre tourmente ? » La brune resta muette un instant, elle avait fait la même chose que d'habitude en fait. Ni plus, ni moins, quoi que... Elle baissa la tête, implorant le ciel sans même prononcer une parole. Elle demandait toujours la même chose à Dieu : qu'il la pardonne pour ses pêchés qui étaient presque irrattrapable selon elle. Elle regrettait toujours de vouloir la mort de Tim, parce qu'elle savait que ça n'était pas une attitude convenable, que ça n'était pas bien. Souhaiter la mort de quelqu'un, ça n'était pas dans les habitudes de Lly d'habitude, elle prêchait l'obéissance aux 10 commandements, à la Bible, aux droits de l'homme et à la morale que tous les êtres humains étaient censés avoir. « J'ai souhaité la mort d'un homme, mon père. Toujours le même en fait... » La brune baissa de nouveau la tête et regarda ses doigts entrelacés sur ses cuisses, resta silencieuse et attendit la réaction du père, de l'autre côté de la paroi faite de bois.

« J'ai souhaité la mort d'un homme, mon père. Toujours le même en fait... » Tim, toujours dans sa position qu'il trouvait particulièrement adéquate, dressa l'oreille, intéressé. Elle parlait de qui ? Tous les prêtres -ou il ne savait quoi- devaient sans doute savoir qui était la personne que haïssait Llywelyn. Elle devait être une sorte de mascotte pour toute l'Église, tous la connaissaient et adoraient prier avec elle. Le seul endroit où elle était populaire au monde, en fait. Il avait quelques idées quant à la personne dont elle souhaitait la mort. Il pensait même intimement qu'elle parlait de lui. Triste ? Pas le moins du monde. Qu'elle le haïsse, ça ne changerait pas sa vie. Mais si c'était quelqu'un d'autre, ça pourrait être drôle ! « Vous m'excuserez, mais je viens de sortir de mes six ans de séminaire et suis nouveau ici. Qui est cette personne ? ». Il se trouvait beau, à parler comme ça. Sexy même ! Il posa une main sur ses abdos pas très développés, et se demanda comment on pouvait détester ça. Mais bon, que cela soit !

La brune était toujours honteuse, à chaque fois qu'elle disait cette phrase, le poids de la culpabilité lui écrasait le thorax et son cœur battait un peu plus fort à chaque seconde. La peur du châtiment de Dieu était forte, peut-être même trop forte.... La brune inspira profondément, pendant que le prêtre lui répondait à travers la cloison : « Vous m'excuserez, mais je viens de sortir de mes six ans de séminaire et suis nouveau ici. Qui est cette personne ? » Lly déglutit, soupira. Elle avait assez répété ce nom, il lui écorchait presque la bouche lorsqu'elle le disait. Et puis son nom de famille était juste... horrible à prononcer. La brune resta un instant muette, priant le ciel de ne pas être trop dur avec elle, une nouvelle fois. Dieu est amour, elle ne le répéterait jamais assez et on ne lui avait manifestement pas assez répété. « Tim.. Tim Rosenbach. Il est.. machiavélique ! Il a des tatouages sataniques sur tout le corps ! Si vous pouviez voir ça, mon père... » La brune se remémora les tatouages de Tim, savait qu'il en existait certainement d'autres bien cachés. Elle connaissait aussi la potentielle existence de certains sur des endroits bien particuliers auxquels elle ne voulait même pas penser et elle trouvait ça particulièrement dégueulasse. La brune resta muette quelques instants puis reprit sa description de Tim : « Il est vulgaire, mesquin, voué à un échec social... la morale ? Il ne sait même pas ce que ce mot signifie, et il refuse de croire à l’existence de notre Saint Père, de même pour notre Saint Vierge ou nos Saints. Il est sidérant. Il croit avoir la réponse à tout, il croit être supérieur aux autres... C'est l'être le plus méprisable que je connaisse, vraiment. »

Il l'énervait tellement, même quand il n'était pas près d'elle à se foutre de sa gueule, il était quand même dans ses pensées les plus profondes. Ce mec, elle y pensait presque vingt quatre heures sur vingt quatre, ça avait atteint un point tel, qu'elle n'arrivait plus à faire la part des choses. Elle le détestait, c'était sûr et certain, cependant la jeune femme se surprenait à en parler aussi souvent, bien qu'elle n'en parlait presque qu'en mal... La brune écouta tout de même le discours qui se voulait quelque peu moralisateur de la part du prêtre qui se trouvait de l'autre côté du confessionnal. « Quel genre de tatouage, ma fille...? N'êtes-vous pas un peu sévère avec ce, apparemment, pêcheur ? Peut-être n'est-il juste pas encore éclairé par la sainte lumière de notre père... » Elle ? Trop sévère ? Il se foutait de sa gueule ? Il était prêtre ou vendeur de canapé ? Où était sa foi chrétienne, cette foi qui devait lui dire que chaque personne devait être croyante ? Elle se retint cependant de lui rappeler que chaque être vivant était, et ce depuis sa naissance, éclairé par la lumière de Dieu. Le fait que Tim passe le plus clair de son temps à ne pas vouloir l'admettre était simplement inacceptable. Lly tomba des nues lorsqu'il continua sa phrase : « Vous ne devriez pas être si sévère envers les enfants du seigneur, pourquoi n'essayez-vous pas de lui inculquer les valeurs de notre père à tous ? » Elle tenta de garder son calme, parfaitement consciente qu'on ne pouvait pas s'énerver dans un confessionnal et resta donc de glace, prenant une grande inspiration avant de répondre : « Mais c'est ce que je tente de faire mon père ! Seulement il est totalement insensible à ce genre d'initiative ! Il refuse de croire en Dieu, il refuse de croire en tout. Je suis certaine qu'il ne croit même pas en la race humaine... Que voulez-vous que je fasse ? Je ne peux pas... Il est totalement hermétique... »

Nan mais franchement, elle aurait tout entendu ! Un prêtre tentait maintenant de minimiser les crimes de Tim contre le seigneur. C'était carrément des attentats à répétition contre sa religion qu'il faisait, à longueur de journée ! Et voilà que ce prêtre était maintenant entrain de lui faire la morale, comme si Lly avait besoin de ça, elle connaissait assez Timcampy pour comprendre qu'il était incapable de faire la part des choses et de reconnaître un jour qu'un dieu, un dieu unique régissait le monde, que lui seul l'avait créé et que tout était son œuvre sur cette terre, même lui. Lly se demandait d'ailleurs comment Dieu pouvait laisser de telles pourritures exister, pourquoi il avait créé Tim. Elle se posait souvent cette question et se disait qu'il était peut-être simplement là pour la tester, pour prouver à Dieu que Lly avait la foi. Une foi inébranlable d'ailleurs... « Alors vous ne tentez pas assez peut-être... Les voies du seigneur sont impénétrables... » Comme si Llywelyn avait pu prêcher la bonne parole avec cet abruti, elle avait déjà essayé et elle se heurtait à un mur à chaque fois ! « Peut-être que trop de personnes de cette race humaine l'ont déçu... Connaissez-vous son passé ? Et si vous lui faisiez changer d'avis ? En l'écoutant, en l'aidant par exemple... » Lly resta muette, elle n'avait jamais pensé à cette éventualité. Elle ne connaissait pas le passé de Tim, ne savait pas si des gens l'avaient déçu. Mais elle voyait mal Tim déçu, elle avait une vision de lui bien particulière : un misanthrope, voilà ce qu'il était pour elle ! N'empêche que Lly ne savait pas quoi répondre au père qui se trouvait de l'autre côté de la cloison. Et s'il avait raison ? C'est vrai qu'elle ne lui avait pas accordé beaucoup de chances, elle l'avait directement condamné à l'enfer alors qu'il y avait peut-être un moyen de préserver son entrée au paradis. Elle n'arrivait même pas à croire qu'elle était entrain de penser ça, c'était tellement impossible pour elle... Elle baissa la tête et répondit à demi-mot : « Vous avez sans doute raison... Je vais tenter de me rattraper... » Elle ne savait pas vraiment comment elle allait bien pouvoir s'y prendre mais elle avait dans l'idée de l'aider. Si un homme d'église le lui avait conseillé, alors elle le ferait !

La brune restait totalement perplexe, elle s'en voulait, se disait qu'elle ne devrait pas s'en vouloir et s'en voulait d'autant plus à cause de cette pensée. Cercle vicieux... Et la brune restait là, dans ce confessionnal. Elle regarda sa montre, elle faisait de la lumière dans l'obscurité du confessionnal. D'habitude, elle était déjà entrain de réciter un nombre incalculable de ''je vous salue Marie'' et consort. Cette discussion devenait particulièrement longue, les prêtres n'étaient d'habitude pas de ce genre là. Les punitions bêtes et méchantes étaient rapidement données et ils ne cherchaient pas vraiment à comprendre le pourquoi du comment. Les nouveaux prêtres étaient définitivement différents des autres... « Si je peux vous proposer une solution..., il marqua une pause, Le séminaire que j'ai effectué à Lourdes tend à rendre ses prêtres plus à l'écoute de leurs frères. Au lieu de réciter un nombre de je vous salue Marie et de notre Père, je vais vous proposer autre chose... » La brune resta muette de nouveau, en attendant la sentence qu'allait lui infliger ce prêtre, elle se sentait soudain plus crispée et elle ne cessait de tourner son anneau de pureté. « Pourquoi ne pas tenter d'être à son service pour une courte durée, comme... Une semaine ? Peut-être qu'il n'est pas si mauvais au fond, vous arriveriez à le comprendre, et vous pourriez y découvrir le chrétien qui sommeille, voir même l'aider à se réveiller ! » La brune resta sous le choc. Elle ne bougea plus, son cœur venait de rater un battement, elle avait les yeux grands ouverts et elle semblait paniquer. « Mais... Mon père... » dit-elle avant de marquer une pause et de respirer profondément. « Je... Vous... C'est impossible ! Voulez-vous que je tente de me suicider par la suite ? Cela constituerai une violation du sixième commandement ! Vous ne pouvez pas me demander quelque chose comme celle-ci, il me réduirait en esclavage et Dieu sait que c'est contraire aux opinions de l'église catholique ! » Quoi que... Elle était noire après tout, le Pape aurait certainement dit des conneries affligeantes et prétexté qu'un blanc comme Tim avait tout à fait le droit de réduire en esclavage une femme comme Llywelyn.

Lly était définitivement mal tombée ce matin, ce prêtre était on ne peut plus bizarre... Les nouveaux séminaires n'étaient pas aussi biens que les anciens, c'était clair. Et il ne semblait pas avoir fait très attention à ce qu'elle lui avait dit lors de sa tirade car il ne trouva à lui répondre que : « Je ne vous parle pas d'esclavage, mon enfant, juste de bonté humaine et de compation... S'il lui arrive de vous demander un service, alors effectuez sa demande avec gentillesse et amabilité, sans rechigner ou vous montrer exaspérée. Soyez là pour lui, pour l'aider, le soutenir peut-être ! » Non mais, comme si c'était possible d'aider Tim. Tim le supérieur, Tim le plus beau, Tim qui n'a jamais besoin d'aide, Tim qui est le meilleur. Non, ceci n'était pas la vision de Lly, mais bel et bien celle que Tim avait de lui-même. Elle l'avait dit, il était imbu de sa personne et elle ne pouvait que le détester. Alors l'aider... L'aider à quoi d'ailleurs ? A comprendre que non, il n'était pas l'homme parfait qu'il pensait être ? La brune resta muette quelques secondes, se mordit la lèvre en analysant la situation. Il ne voulait pas lui donner un nom de « Je vous salue Marie » et voulait qu'elle aide Tim... Il allait la rendre folle, elle le savait pertinemment et déjà, la situation lui faisait peur. Tim était le mal incarné, il irait même jusqu'à la prostituer pour la faire chier, pour bousiller sa foi chrétienne... « D'accord... » lâcha-t-elle en un soupir en fermant les yeux. C'était bien parce que Dieu le voulait, parce qu'elle avait déjà montré assez de résistance à sa volonté divine... Mais elle savait pertinemment que c'était risqué.