La journée passe. Tranquille. Deux ou trois gamins passent pour réclamer des bonbons. J’ai la surprise de découvrir que ce genre de truc se fait encore. J’y aurais jamais cru, du moins pas dans cette ville. A Paris les gens sont beaucoup trop crevards pour accepter de donner la moindre friandise à un gamin. Pourtant, je vois bien. J’ai bien déposé ce que j’avais dans le sac d’un mioche venu avec un costume de loup-garou. Je me sens trop sympa des fois alors que, c’est rien. La journée défile à son rythme. Vacance scolaire oblige j’en profite pour carburer au salon et rattraper les heures que j’aurais perdu à cause des cours. C’est halloween, tout le monde veut de superbes tatouages bien effrayants ou même tout simplement cool. Je ne comprends pas pourquoi les gens viennent à cette date précise. Ils ont tout le reste de l’année pour le faire. Et en plus, personne ne verra le dit-tatouage avant une semaine parce qu’il y’a un pansement mais ça, on y pense pas. Les gens sont cons et c’est de ça dont j’aurais eu à m’occuper toute la journée. Le soir vient. La fermeture avec. Il est un peu tard et je sais que je suis en retard à ma soirée mais c’est pas pour autant que je me presse. Je passe dans l’arrière-boutique pour enfiler ce que je qualifierais de costume, en réalité c’est juste un horreur rose que j’ai acheté un jour et qu’on peut juste mettre un jour d’halloween. Le tout avec un maquillage adéquat fait de paillettes et d’étoiles. Le truc qui fait fille quoi’ Justement, j’en suis une. Je mets pas longtemps à rejoindre la soirée qui se passe dans l’appartement du pote d’un pote. Avec tous ces potes, on arriverait à peine à savoir avec qui on est amis mais c’est pas important. Quand on est en soirée bien bourré et bien stone, on fait jamais attention à qui est à côté alors du coup, on élargit son répertoire. C’est comme ça. Mon retard ne se fait pas ressentir quand j’arrive. Les gens dansent. Les gens parlent. D’autres fument alors que d’autres jouent. Ouais c’est une fête normale à laquelle je participe. Un verre se glisse entre mes mains. Matt arrive avec son costume SM pour me taper la bise avant de m’ordonner de finir cul sec pour rattraper mon retard sur le soirée. J’aime bien Matt, il ne prend jamais la tête à personne. Mon verre vide, le voilà à nouveau reparti avec cette phrase. « Je vais t’en rechercher un autre. » Si je savais pas ce que je sais, je penserais qu’il essaierait de me bourrer. J’arrive dans la pièce là où d’autre discute. Avec eux, un type immobile qui gêne le passage. « Eh oh ! Excuse moi ! » Je lui fait signe de s’écarter mais sans succès, il ne bouge pas. C’est bien chiant les gens quand c’est comme ça alors je n’hésite pas. Je le pousse volontairement pour qu’il s’écarte de mon chemin. Après tout, je m’en fout ce type sous son masque, je le connais sûrement pas.

Le mec contre qui je m’acharne n’a pas l’air bien motivé à m’laisser passer. J’suis pas spécialement violente mais je perds rapidement ma patience, surtout face à un type stone qui n’a pas l’air de savoir grand-chose de là où il est. Remarque, je suis bien arrivée mais en retard et je crois bien que c’est ce qui a suffi à foutre tout l’monde k.o. y’a pas grand monde d’encore ici et moi. moi, j’ai déjà commencé à boire et je sais qu’ma lucidité va m’quitter, il me reste plus qu’à m’calmer parce que c’est certain j’ai pas franchement envie d’finir comme la nana là-bas qui va sûrement finir à quatre pattes dans un avenir proche. Nan, j’ai peut-être un peu trop d’classe. La pièce où j’suis est bruyante, certaine personnes ont des comportements normaux et s’contentent d’danser. Ça m’tente bien d’rester avec eux mais après quelques minutes, une sensation me rattrape : la faim. Je n’ai pas pris l’temps d’manger aujourd’hui, et les vapeurs de marijuana qui embaument la pièce me le rappelle, j’ai la dalle. J’file à la cuisine, comme partout dans l’appart, c’est difficile d’y aller mais une fois là-bas, j’trouve ce que j’étais venu chercher : à bouffer. Crevarde, je reste pas là et part à la recherche d’un coin plus calme pour manger. Sur l’chemin, je me fais interpellé par plusieurs type qui cherche à en savoir plus ce qu’on appellera mes « disponibilité ». Bande de cons ! Amicalement – ou pas – j’en ai d’autre qui m’proposent des verres que j’ne refuse pas. Après tout, c’est halloween ! La journée n’a pas encore réussi à m’quitter ce qui expliquerait ma mauvaise humeur. Puis au final, je m’dis que quitte à être là, que ça soit au moins avec des potes parce que là les miens, ils sont partis dans un sévère trip dont je n’fais visiblement pas partie. Laissée seule dans la jungle ! J’aperçois tout d’même un visage familiers qui s’découvre pile au moment où j’commençais à m’faire une raison. C’est que parfois, il a des airs de sauveur le loupiot alors je m’avance à sa hauteur. Derrière lui, je l’interpelle pour qu’il se retourne. « Il était temps que tu retire c’foutu masque. Je commençais à m’demander. T’as voulu t’déguiser en extra-terrestre ou en cambrioleur d’banque. J’espère que c’est l’deuxième, c’est plus classe. » Je débite sans m’en rendre compte. Trop bavarde. Trop chiante. Il s’retourne, un coup d’œil à ses pupille. Dilatées, comme celles des autres.

J’observes Morgan et ses pupilles dilatées. Déjà à la normale, c’est pas le genre de mec avec lequel je passe de bons moments mais si en plus monsieur est dans les nuages, ça va vitre être lourd. Aussitôt qu’il se retourne j’regrette déjà d’avoir eu la faiblesse de l’aborder. Je l’aurais peut-être pas fait d’habitude. Mais d’habitude, j’ai des potes dans l’assistance, des gens avec qui traîner. Là, y’a personne. Personne d’clean dirons nous parce que si j’ai bien des amis ils sont raide ce qui n’est pas une compagnie agréable pour moi qui n’ai rien pris. J’me permet un salut plutôt chaleureux histoire de dire que j’viens pas pour le coller aux basques mais pour discuter. Discuter, c’est que c’est drôle à entendre là d’un coup, mais bon. « en fait j'en sais rien. mais on peut pas dire que j'ai la carrure d'un cambrioleur de banque. » nan mais d’un extra-terrestre sûrement. Dommage c’est le truc le plus banal qu’on aura vu aujourd’hui. Remarque je pense pas que quelqu’un en ait quelque chose à foutre. C’est fou comment on a l’impression d’avoir rien à dire quand on est mal à l’aise. « et j'te retourne la question. t'es quoi au juste là ? » Moi ? Je baisse les yeux pour observer ma tenue. Je suis rien de spécial. A force de me glisser entre les gens ma robe est chiffonnée, je l’ai même déchirée quelque part et vu la chaleur mon maquillage ne doit pas être beau à voir. « A la base j’devais être une princesse je crois. Ou une fée. Une charlotte au fraise peut-être mais bon ça ressemble à plus rien, sauf peut-être à la princesse Peach après un viol. » Blasée, pas tellement. Disons juste que j’ai pas spécialement réflechis à la tenue. J’en viens quand même à oser l’tout pour le tout. « T’es accompagné ? »

La discussion sur nos costumes respectifs est peut-être banale pour un jour comme celui-ci. Même un autre jour remarque, mais bon, avec lui ça serait difficile de ne pas avoir de discussion superficiel tant nous ne sommes pas fait pour nous entendre. D’aussi loin que j’me souvienne, il a toujours trouvé quelque chose à dire pour susciter ma colère. J’avoue, c’est pas bien difficile pour me faire péter un câble, mais vient un moment où on se demande si c’est pas justement ce qu’il cherche. M’énerver. C’est pourquoi j’entre sur un sujet qui ne demande pas trop d’effort. Surtout vu sa tronche, je ne pense pas qu’il soit apte à réfléchir à de grandes choses. Très bien, pour une fois il se gardera d’énoncer ses théories mysogine. « même un cornichon a plus de classe que toi » j’admet que la comparaison avec peach après un viol manquait de classe. Mais sérieusement, il s’prend pour qui avec son masque à deux balles ? ça montre bien l’idiot qu’il est. Incapable d’être appréciable. « parce que tu t’imagines peut-être que t’as la classe là ? Nan mais regarde ta gueule, t’es défoncé et t’as pas trouvé plus original qu’un bout d’plastique tordu à t’foutre sur la tronche. » Je répond du tac au tac avant de me mettre à croiser les bras. Non, je ne m’énerverais pas, ça serait trop facile et ça ferait sans doute trop plaisir. Une animation de lus dans cette fête qui commence peut-être un peu trop à dégénérer. C’est là que ça m’fait chier d’être seule parce que les autres idiots n’ont pensé qu’à se laminer. J’en reviens pas que ça soit grave au point d’lui demander à lui si il était seul ou non. « ouais ma femme et les enfants m'attendent dans la voiture. » non, je vais pas m’énerver quand il se fout ouvertement de ma gueule. « ah ah. Et tu t’crois drôle en plus. J’demandais ça comme ça. T’fais pas chier va’ J’ai compris. » j’réponds. T’façon si j’veux garder mon calme ça sert à rien d’être là. Je lui fais signe de s’écarter pour me laisser passer. Autant aller autre part, ou rentrer chez moi, accessoirement.