à toi, petit microbe qui lit ceci.

ce que tu dois savoir. je suis un déchet de l'humanité, ni plus ni moins qu'un détritus qui vit sur le dos des autres. du fric, ça j'en ai, j'en ai même à revendre et ne sais plus quoi en faire. je sais que tu m'envies, je suis ignoble, infâme, abjecte, je suis la pire chose qui puisse t'arriver et parallèlement je peux être la meilleure. je suis l'amant le plus convoité de tout Paris. je suis l'homme de tes rêves et de tes cauchemars. j'ai tout pour plaire, j'ai le charme British de mes parents et ma petite gueule d'ange d'anglais déchu. j'aurais dû vivre dans le saint des saints mais j'ai choisi l'aventure, je fais ce qui me plaît quand j'en ai envie. j'ai vingt-six ans et je sens déjà que je ne vais pas mourir vieux, peut-être même au coin d'une rue parisienne, dopé jusqu'aux dents et à moitié mort, avant que le froid n'achève mon état. sauf si je me sers de toi pour m'en sortir, comme je le fais toujours. je te volerai tout ce que tu as, même les choses immatérielles, puisque j'ai déjà tant volé aux autres. je peux te prendre ce que je veux, ton honneur, ta vertu, ta fierté. faut savoir que je n'ai pas toujours été comme ça, non, je n'ai pas toujours été un gentil bonhomme de premier rang, pété de thunes jusqu'à la moelle et défoncé à l'héro pendant que c'est l'heure pour toi de regarder Questions pour un Champion. oui, je commence tôt mais je continue plus tard, histoire de faire durer le plaisir. bref, je disais, tout n'a pas toujours été ainsi. quand j'étais plus jeune, j'ai vu ma mère se taper tous les mecs possibles et imaginables, ils défilaient à la maison aussi vite qu'il fallait pour le dire. oui, ma mère était ce que l'on appelle plus communément une pute. une très belle femme, certes, mais une vulgaire prostituée qui vendait son corps aux plus offrants. mon père ayant quitté le foyer familial voila bien des années, la brave femme m'a élevé toute seule, même si je ne pense pas que j'ai eu le meilleur modèle. à quatre ans, je ramassais les capotes usagées sur le canapé du salon en rentrant de l'école, je récupérais ma mère effondrée en pleurs sur son lit, à moitié vêtue, qui me hurlait dessus pour ne pas que je la vois dans cet état. alors j'ai commencé à reproduire ce que j'ai vu, j'avais des fréquentations de plus en plus dangereuses, surtout pour moi-même. et voilà comment le fragile petit garçon que j'étais est devenu une machine à tuer, un monstre sans scrupules et sans morale, sans conscience. ne cherchez pas à dire que je suis un monstre au coeur de pierre, puisque je n'ai pas de coeur. je vis grâce aux doses d'héroïne que je m'injecte et à mes nerfs qui me tiennent éveillé. je dors très peu, mais j'ai souvent de bonnes raisons de ne pas dormir. j'ai toujours préféré les hommes aux femmes, même s'il m'arrive de faire exception pour quelques-unes d'entre elles. j'ai besoin de violence, j'ai besoin qu'on m'envoie des coups de poings en plein visage. j'ai besoin de douceur, j'ai besoin de la chaleureuse étreinte d'un corps en ébullition et l'agréable sensation d'une épiderme contre la mienne. et après je te gicle, je t'envoie bouler parce que je ne veux pas m'attacher à toi, parce que personne ne représente rien à mes yeux et que ce n'est pas toi qui fera exception à la règle. je suis le pire connard que ce monde ait pu imaginer.

j'ai assez de fric pour cinq personnes mais je préfère tout garder pour moi. oui, je suis comme ça, je suis égoïste et je le vis très bien. tout cet argent, je ne le dois qu'à moi, à mes petits boulots minables dans des supermarchés minables où je vendais ma gueule de rêve pour renseigner les petites mamies dans les rayons, ou alors j'offrais mon corps à des photographes pas tous très nets. je deale à tous les coins de rues possible sans me faire prendre, sauf peut-être une fois qui m'a conduit en prison. mais ça ne m'a pas calmé, j'ai recommencé et j'exerce encore aujourd'hui. j'arrondis mes fins de mois en vendant le corps de mes hommes et de mes femmes, eux qui n'ont plus rien mis à part moi bien sûr, et encore. je suis pyromane à temps plein, je joue sans cesse avec le feu, dans tous les sens, sous toutes les formes, j'en ai fait ma passion. dans le fond, je m'associe à cet élément, indomptable et libre, qui apparaît et disparaît à sa simple volonté. tellement indomptable d'ailleurs que j'y ai laissé de la peau plusieurs fois, mais c'est si unique de manipuler le maître des cinq éléments. je suis un véritable enfoiré, je suis violent et j'aime qu'on soit violent avec moi, ça m'excite. j'aime qu'un mec me saisisse par la gorge et me fende la lèvre avant que je lui fasse sauvagement l'amour. oui, je suis tout et rien à la fois. je suis un déchet humain, une ordure. je suis Dieu, je suis Apollon, je suis Jésus. vous ne pouvez rien contre moi. vous pouvez tout sur moi. je vous pénètre avec mon regard charmeur qui vous déshabille et puis je vous laisse pantois, je vous allume et je m'éloigne, je vous fais l'amour et je vous laisse. dites-moi que vous m'aimez, oh oui, je le veux tellement. moi non plus, mes mignons.

dans ma vie, je n'ai pas fait que des choses mauvaises, contrairement à ce que vous pensez. j'ai aussi fait des choses biens. du moins, une chose bien. le moment est venu pour moi de vous parler de Joshua. un mec, paumé, dix-sept ans à peine à l'époque qui arpentait le trottoir et que j'ai pris sous mon aile. il en avait besoin, j'étais là. il n'avait plus personne, il avait moi. et je le possédais longuement, mignon comme il était. il était mien mais je n'étais pas sien, je ne l'ai jamais été. et ne le serais sans doute jamais. il est parti avec mon fric puis il est revenu en rampant. j'aime ça. j'ai toujours aimé qu'on arrive en rampant à mes pieds, que j'arrange la mise et que l'individu parte de son propre gré parce que ça devient de pire en pire. j'aime beaucoup ce petit Josh, il me fait bien rire, avec ses sautes d'humeur et son air brisé. pour tout vous dire, je le trouve beau. oui, ce jeune homme est beau. je ne suis pas quelqu'un de possessif mais je le suis avec lui, parce qu'il est mon jouet favori. dans le fond, je l'aime de la façon la plus malsaine qui soit. je vends son corps et j'en profite pour me le faire gratuitement. je veux qu'il m'aime, oui, je veux être le centre de son univers et je veux lui faire connaître le paradis avant d'assister à sa nouvelle descente aux enfers.

et maintenant il est mort. parti. décédé. ça m'attriste, je crois que je m'étais attaché à lui. ça m'a fait réfléchir cette histoire. les gens se foutent dans des merdes pas possible où la seule issue pour s'en sortir est de se faire buter comme un chien au bout d'une impasse. crève en silence, vite et bien, proprement. je réalise que j'ai vingt-six ans et que ma vie est en train de passer devant mes yeux. je n'ai pas de vrai boulot, je ne suis pas devenu astronaute ou bien vétérinaire comme je le rêvais quand j'étais petit garçon. je suis un bon à rien et le pire dans toute cette histoire, c'est que j'en ai rien à foutre.