Une fois de plus, elle retardait le retour à la maison en s'aventurant dans des boutiques de fringues. Craignant l'affrontement, devoir faire face à la réalité ne l'enchantait guère. Mais elle était téméraire dans sa volonté de cacher ce qui lui était arrivé à son époux. Même ses rares amies avaient le droit à de fausses excuses. C'était le risque de la fin alors que cela aurait pu être le commencement. Au moins elle n'avait plus ce goût de métal pour lui plomber la bouche et l'envie sans cesse de se brosser les dents après la moindre cochonnerie avalée. Et mieux encore, elle n'avait plus à redouter le moindre truc bizarre à gérer pendant son travail qu'une grossesse pouvait engendrée. Le soulagement n'était que minime mais Juliette souriait -discrètement- et si on lui demandait si elle allait bien, sa réponse était déjà toute faite. « Bien sur que ça va, voyons, je n'en ai pas l'air peut-être ? » ce qui avait remplacé le « Je suis enceinte mais pas en sucre. » On lui posait la question au moins une vingtaine de fois par jour sans même savoir ce qu'elle pouvait ressentir d'avoir perdu ce qui un futur être cher. Consciente qu'il s'agissait manifestement d'une politesse de base et non d'une réelle préoccupation de la part d'autrui. Elle ne voulait de toute évidence de la compassion de la part de personne. Si tel était le cas, les nausées reviendraient au galop. Une semaine et demie s'était écoulée depuis la terrible nouvelle. La blonde arpentait les rayons un par un, portait son regard sur des étoffes étiolées, constatait les prix, haussait un sourcil, reposait les articles ou en reprenait en différents coloris. La mode pouvait être parfois ennuyeuse lorsque l'on possède déjà un bon dressing. Sans conviction, elle laissait les porte-manteaux s'accumuler sur l'un de ses bras et poursuivait son chemin. Les néons étaient agressifs, la chaleur étouffante, la foule oppressante et toutes ces fringues incroyablement minuscules. C'est là qu'elle se rendit compte qu'elle était dans la section pour bébés âgés d'à peine quelques mois. Elle fut sur le point de faire un malaise, un homme accompagné d'un gosse la rattrapa et lui tendit ses affaires qu'elle venait de renverser. La jeune mariée balbutia un faible « merci ». Mais lorsqu'il fit mine de s'inquiéter, elle ressortit l'éternelle phrase comme quoi tout allait bien alors qu'elle avait pâlit et détourna les talons pour se diriger vers la lingerie. De l'air aurait sûrement été plus approprié dans le cas présent. Cependant elle était têtue et déterminée à se changer les idées. Un ensemble aguicheur pimenterait les choses, elle pouvait se le permettre puisqu'elle ne grossirait pas. Femme, sexy, en apparence bien dans sa peau. La bimbo séduisant le mâle et le rital n'en demeurant pas en reste.

Le mari semblait apparemment vouloir la surprendre puisqu'elle le retrouvait dans ce même rayon. C'était un effet de surprise total, jamais elle n'aurait imaginé un macho se trimbalant dans un centre commercial de manière volontaire. Il faut dire que les conversations étaient rudes ces derniers temps et qu'ils se voyaient de moins en moins malgré le fait d'habiter sous le même toit. Elle sortit de ses pensées pour aller le vanner. « Dante Maresquo. Pris au piège, j'ignorais que vous comptiez refaire votre garde-robe. Cette lingerie, vraiment ? Du rouge et du fushia, vous m'étonnez grandement et ces porte-jarretelles ne vous iront peut être pas. Méfiez-vous. » Charmée, elle constatait en douce qu'il avait pris exactement le tout à sa taille. Soit il la connaissait par cœur, soit il avait triché en regardant ses tenues. Quoique, elle arrachait souvent les étiquettes dès la première occasion donc elle lui laissait le bénéfice du doute. Le geste en tout cas lui plaisait, cette initiative mi-romantique mi perverse. Ce n'était pas peu dire qu'elle était déjà comblée avant même qu'il n'entreprenne de lui offrir. « Non sérieusement, je te croyais en train de bosser. Tu finis drôlement tôt... euh... je voulais dire, hm je m'attendais pas du tout à te croiser ici. Rassure-moi, ce n'est pas pour une future maîtresse que tu effectues ce type d'achat ? » Ce qu'elle entreprenait de dépenser grâce à sa carte couleur océan profond et son solde magique (annotations pour se donner bonne conscience) commençait par peser, elle reposa le tout sur un étalage avant de l'embrasser langoureusement. De l'oxygène mélangé entre un ou deux sarcasmes n'étant pas mauvais pour le moral. Occupant les pensées, faire la conversation avant qu'il ait l'idée stupide de changer de sujet. Il y avait plusieurs tactiques féminines qu'elle maîtrisait. Une idée dès lors, lui traversait l'esprit. Il pouvait assister à quelques essayages privés dans une des cabines pour voir ce qui lui va le mieux ? Ainsi elle serait certaine que son compte bancaire serait intact, qu'il serait plus apte à lui acheter ce qui lui ferait plaisir. Elle passa la langue sur ses lèvres malicieusement avant de suggérer un « c'est par là-bas » en déviant le regard. A lui de comprendre le message.

Se libérer. Soucieux, Dante n'était plus concentré sur ses gestes et pour preuve, il avait dû s'y reprendre à deux fois afin de piquer une petite vieille venant faire un rappel pour la grippe. Habituellement sérieux, il n'y arrivait plus à cause d'une nana. Il l'avait dans la peau. Elle l'obsédait, elle lui plaisait, elle n'était rien de moins que sa femme. Juliette avait réussi là où les autres avaient échoué et étrangement ce nouveau sérieux dans sa vie n'était pas déplaisant, au contraire il savait qu'il pouvait rentrer et trouver une présence à proximité. Une jolie fille avec qui se détendre avec un verre de vin, devant un film ou même au lit. Une vie de couple routinière, avec son pesant de surprises. Ce qui le rendait soucieux c'était bel et bien une surprise. Datant d'il y a quelques mois maintenant, il s'était fait à l'idée de devenir père. Il ne le voulait toujours aussi peu, il lui en avait voulu, il avait été indulgent. L'histoire aurait dû s'arrêter là, mais Juliette se voulait étrange et les données que la grossesse impliquait ne lui plaisaient pas forcément. Les sautes d'humeur fréquentes, les envies soudaines, les nausées surprises. Non vraiment, autant lui ne subissait pas directement tout ça, autant il pouvait recevoir les foudres et les retombées presque radioactives de ces effets. Etre père. Franchement cette idée ne lui plaisait pas, pas maintenant en tout cas. D'ici quelques années pourquoi pas. Ils étaient jeunes, ils avaient tout le temps de créer une petite tribu. Le jeune homme n'aspirait finalement qu'à profiter durant quelques temps du confort de cette nouvelle vie, mais aussi de sa femme. Pas romantique pour autant, l'héritier pouvait attendre. Au fond il était égoïste à ce niveau, ne pensant pas à ce que son épouse pouvait ressentir, mais ce n'était pas le moment il n'en démordait pas et n'en démordrait pas.

Il n'avait simplement pas d'autres choix que de l'accepter. Seulement depuis quelques temps, l'ambiance s'était alourdie, elle se voulait distante, presque lunaire. Elle n'était plus la même et cet effet de la grossesse n'était pas le plus agréable. A vrai dire aucun point de la grossesse n'était pour l'instant agréable. C'était bien pour ça qu'il avait fini par trouver un interne prêt pour le remplacer et qu'il avait filé, non pas chez lui, mais au centre commercial de Montparnasse. Une idée derrière la tête, il avait tracé sa route jusqu'au coin de la lingerie fine. Faites l'amour, pas la guerre. Enterrer, ne serait-ce qu'une nuit la hache de guerre, oublier l'être grandissant dans son ventre et la problématique autour. Rien de tel qu'une jolie lingerie fine pour stimuler le tout. Encourager la blonde à se pavaner devant lui ainsi et par la même occasion se faire follement plaisir à l'admirer ainsi vêtue. L'idée lui plaisait, de nombreux ensembles aussi. Il semblait pourtant se convaincre de la pièce rouge et fuchsia qu'il tenait entre ses mains. Il adorait le rouge, couleur de la passion, attirant le fier taureau italien et elle portait de toute façon à merveille cette couleur. La taille avait été choisie. Physionomiste, il avait analysé les courbes de Juliette dès leur première nuit. Secret bien gardé, tellement utile. Un sourire en coin qui s'effaçait cependant lorsqu'une voix lui fit quitter des yeux l'ensemble. Elle, Juliette, à croire qu'être enceinte offrait divers pouvoirs. Souriant à nouveau, elle était de bonne humeur, ce n'était pas plus mal. « Hm dommage, j'ai complètement craqué sur l'ensemble. Je pensais qu'il mettrait mes hanches en valeurs voyez-vous madame Maresquo. M'enfin, le rouge est une couleur vicieuse de toute façon. » Il s'amusait, oui vraiment, le tout n'avait plus aucune surprise, mais elle arborait un semblant de sourire et plus taquine que jamais, elle se voulait irrémédiablement plus qu'attirante.

Le médecin remarquait une petite pâleur sur son visage, mais décidait de ne pas s'en inquiéter, imaginant que l'endroit devait faire tourner légèrement la tête et pas seulement pour l'incroyable choix dont une femme coquette et coquine pouvait disposer ici. « Je vois que me libérer de mes obligations pour toi te fait plaisir. » Il ne le prenait pas mal, la maladresse l'amusait. « Je me disais justement que madame Maresquo serait absolument divine en portant ça avec des bas et des talons. De toi à moi, rien que de t'imaginer avec ça me donne envie de consommer le mariage encore une fois. » Sourire taquin, regard complice. Elle était là, il était démasqué, alors il jouait de flatteries et de séductions simplistes, mais non moins plaisantes. Un baiser, auquel il répondait, une main se perdant contre elle. Un simple sourire en coin comme réponse à ce geste. C'est incroyable à quel point le tissu dans sa main semblait parfait pour changer l'atmosphère. Il avait souhaité un climat plus agréable il l'avait, à moins qu'il s'agisse d'une nouvelle phase avant la prochaine saute d'humeur. Il n'en savait rien, mais sa curiosité se faisait brutalement couper par un regard de sa belle accompagné de quelques mots. Le rital comprenait, ça lui plaisait. Ca lui plaisait tellement qu'il en profitait vicieusement pour sélectionner deux ou trois autres ensembles qui lui plaisaient. Restant raisonnable, il savait qu'elle le surprendrait. Visiblement d'humeur taquine et complice. Il lui prenait la taille simplement et gentleman il attrapait les autres possibles achats avant de l'emmener ainsi aux cabines. L'Italien ne cachait que peu sa hâte de mater sa femme, de profiter de ce moment, dissimulant en revanche les complaintes futiles de sa carte de crédit qui allait bientôt lui faire la gueule. Le jeune homme vicieux, la lèvre inférieure se faisant mordre lui tendait un premier ensemble presque impatient. « Pourquoi pas ça pour commencer ? »