Nom complet ▲ Delattre-Langlois Liam Aiden Louis Lieu de naissance ▲ Paris. âge ▲ vingt-deux ans. nationalité ▲ française. diplômes, études ▲ droit, paris I panthéon. métier ▲ none statut matrimonial ▲ fiancé contre son gré. orientation sexuelle ▲ hétérosexuel. situation financière ▲ heureux héritier. idole(s) de vie ▲ Edmond de Rothschild. nombre d'amis facebook ▲ 618, dont une majorité de femelles en manque d'affection moyen de déplacement ▲ mercedes classe E. groupe ▲ TU T'LAISSES ALLER. avatar ▲ eddie redmayne. crédits ▲ bazzart.

DE 8H00 à 12H00▲ Une clope, un whisky glace debout sur mon balcon, le vent gifle mon visage. J'aime ça. Je regarde derrière moi, une multitude de cadavres jonche le sol et les tables, une odeur de tabac froid emplit la pièce. Souvenirs d'une soirée apparemment mémorable mais dont je ne me souviens à peine. Je regarde Paris qui se réveille. Des pantins sans âmes qui courent, se bousculent, se pressent les uns contre les autres. Whisky vide, à mon tour de me laisser prendre par le tourbillon parisien d'âmes mortes.



DE 12H00 à 14H00▲ Une pause après un cours de droit pénal. Une clope, encore. Le même tourbillon de personnages vides, sans ambition, sans vie. Drôle de mélange que ces personnes non racées se promenant gaiement parmi la petite et la haute bourgeoisie parisienne. Je termine dans deux heures mais déjà je ne supporte plus le présence de la populace.


DE 14H00 à 17H00▲ Dernier cours, droit fiscal. Il est quinze-heures trente, je sors de l'université, je m'allume une cigarette. Je sors mon portable et j'envoie un message à Dahlia. Notre rendez-vous hebdomadaire ; dans une heure elle sonnera à ma porte et son sourire illuminera ma journée même si je n'en laisserais rien paraître. Satisfait, je monte dans ma voiture.


DE 17H00 à 20H00▲ Dahlia est là et je me sens libre, libéré. Mais il est dix-huit heures trente, déjà elle doit me quitter. Nyx, quant à elle, rentre. Elle a le double de mes clefs, et elle ne se lasse pas d'entrer dans mon intimité. Déjà elle m'exaspère. Je me sers un whisky et m'allume une cigarette. La nuit va être longue.


DE 20H00 à 24H00▲ Livraison de traiteur, diner en silence ; enfin Nyx parle mais je ne l'écoute plus. On reçoit du monde, il est vingt-deux heures ; petite fête entre bourgeois parisiens. Je m'ennuie, mais je souris quand même. Je regarde Nyx et je n'ai qu'une seule envie, l'étrangler de mes propres mains. On parle d'économie, de politique ; on essaye de se montrer intelligent mais la futilité des discussions me heurte.


DE 24H00 à 8H00▲ Cinq, six personnes restantes ; irréductibles qui ne souhaitent pas partir. Le champagne coule à flot ; Nyx dévalise ma cave. Qu'elle se fasse plaisir si ça l'amuse ; bourrée elle est plus facilement contrôlable. Je m'amuse à les voir s'enivrer sur mon argent. Je m'éclipse sur le balcon, je m'allume une cigarette. Je vais attendre que tout ça passe.

Elle est là, accroupie face à moi, remettant pour la énième fois en place le col de ma chemise. Je dégage sa main d'un geste las, plongeant mon regard sombre dans le sien aussi clair que l'eau, lui faisant comprendre que tout cela ne servait strictement à rien. Elle baisse les yeux, au bord des larmes, comme à chaque fois qu'elle pose son regard sur moi depuis quelques jours. Elle vient se placer derrière moi, peigne à la main, tirant en arrière mes superbes cheveux d'ébène. A travers le reflet du miroir, je la regarde s'appliquer, comme elle l'aurait fait sur une poupée, sur moi et mon allure. Elle est pitoyable, elle me fait honte. Son dos voûté par le poids du chagrin, ses cernes et son visage pâle. Ce voile noir avec lequel elle cache son visage au reste du monde ne suffit pas à dissimuler les marques que son absence a laissé en elle. Elle ne sera plus jamais la même et cela, au lieu de m'attrister, me fait entrer dans une colère noire. Pourquoi s’apitoie-t-elle ainsi sur son sort ? Nous naissons pour mourir ; la vie est faite ainsi ; ne le sait-elle pas ? Je veut qu'elle soit humble et ne ridiculise pas notre famille par ce submergement de tristesse qu'elle ne sait point contrôler.

Je lève la main pour lui signifier de cesser de jouer avec mes cheveux et elle dépose le peigne sur la coiffeuse avant de quitter la pièce, sa longue robe noire caressant silencieusement le plancher. Je m'approche alors du miroir et regarde mon visage, impassible. Pourquoi ne ressens-je donc rien ? Ils pleurent tous sa disparition, si impromptue, tellement inattendue. Je tourne les talons et passe la porte. Je descends les escaliers, laissant mes doigts gambader habilement le long de la rambarde. Je les regarde tous, assis dans l'entrée. Leur visage rougit par les larmes qui roulent le long de leurs joues, les mouchoirs d'un blanc immaculé serrés dans leurs mains. Ma mère me prend la main, le visage baissé, soumise, et nous sortons les premiers du manoir, suivit par une assemblée en pleurs.

Le cimetière est une grande étendue verdoyante, dominée par des centaines de croix aux allures morbides. Un cortège nous précède, nous marchons au rythme d'une musique religieuse qui ne veut rien dire pour moi ; je n'ai jamais cru à une foutue puissance supérieure qui s'amuserait à nous regarder nous débattre avec la vie - ou cette dite personne serait d'un sadisme sans nom. Du haut de mes six ans, je reste neutre, le regard fixé sur le cercueil recouvert d'un linceul blanc. J'entends derrière moi des chuchotements mêlés à des sanglots étouffés à l'aide d'un mouchoir ou d'une main. Nous nous arrêtons brusquement et ma mère serre ma petite main dans la sienne. J'aimerais la soutenir, mais lorsque je lève les yeux vers elle, je ne ressens qu'une vague de honte à la vue de ce visage décomposé. Elle est laide, déchirée par le chagrin. Je ne la reconnais pas et je retire avec dédain ma main de la sienne. Elle ne semble pas en prendre conscience, trop préoccupée, trop concentrée sur sa propre tristesse, et lorsque le curé se met à parler, ses pleurs redoublent de plus belle, elle devient presque hystérique. Ma grand-mère vient passer son bras autour de ses épaules et ma mère y enfouit son visage. Je pose mon regard ailleurs et écoute d'une oreille distraite le dit curé prôner des absurdités alors que l'on laisse glisser le corps de mon père dans sa tombe. La cérémonie me semble durer des heures. Ma grand-mère me prend par la main et je dois alors serrer la main à de sombres inconnus, qui s’inquiètent pour moi et pour ma réaction quant à la mort de mon père. « Il est si jeune » ne cessent-ils de répéter à ma mère, ce qui a pour effet de la faire pleurer plus qu'elle ne l'aurait dû. On s'apitoie sur notre sort, sur cette terrible tragédie qui s'est abattue sur notre famille, sur les conséquences qu'engendrerait cette perte. Pensent-ils que nous ne pouvons survivre sans lui ? J'ai envie de crier, d'hurler, de cracher ma rage à leurs visages proprets et lisses, leur dire d'arrêter leur simagrées. Mais je ne fais rien et me contente de les regarder passer de mon regard vide et inerte. Ils quittent le cimetière et ma mère m’entraîne vers la voiture. En chemin, elle s'arrête et pose son regard larmoyant sur moi. « Tu vas bien ? » s'enquit-elle. Je lève les yeux vers et mes lèvres s'étirent en un sourire narquois. « Non, tu me fais honte ».

Son regard s'élargit et elle ferme les yeux avant d'hocher la tête lentement. Elle tourne les talons, sans rien dire, et pénètre dans la voiture. Je la suis et nous démarrons, laissant disparaitre petit à petit la croix sur laquelle est gravé pour l'éternité le nom de mon géniteur : Frederik Louis Octave Langlois III ; aimé de tous.



« Liam, pour quelles raisons as-tu poussé ta soeur dans les escaliers ? » me demande-t-elle sur un ton parfaitement détaché et un poil condescendant. Je lève les yeux vers elle ; ses lunettes en écaille perchées sur le bout de son nez, cet insupportable stylo pincé entre ses lèvres ridiculement petites et cet air de fouine au savoir absolu qui ne la quitte pas. J'ai la délicieuse envie de lui enfoncer son bic dans la trachée et de lui fracasser la tête contre son bureau en ébène verni ; juste pour voir s'effacer cet agaçant rictus du coin de sa bouche. Je pouffe presque et mes lèvres s'étirent en un sourire forcé. « Felicity - je peux vous appeler Felicity ? - je n'apprécie pas vraiment le ton que vous prenez avec moi. Mon beau-père ne vous paie pas des centaines de dollars de l'heure pour que vous me preniez ainsi de haut il me semble. » je lâche sans sourciller du haut mes quatorze jeunes années. La psychiatre me fixe avant de déglutir avec difficulté. Je jouis intérieurement ; l'argent a toujours eu ce pouvoir déstabilisant et paralysant chez certaines personnes, la renommée dr Felicity Van Hooven en fait parti et cela arrange bien mes affaires. Je lui adresse mon sourire le plus dédaigneux et me laisse glisser contre le divan, croisant les mes chevilles l'une sur l'autre, remontant les manches de mon complet. « Pour la simple raison que ce n'est qu'une bâtarde qui ne mérite pas sa place chez les Delattre-Langlois. » Le stylo de la psychiatre se suspend dans sa course. « Je vois. Et à quoi penses-tu quand tu la vois ? ». Je ris, doucement ; presque un murmure qui s'échappe de mes lèvres entrouvertes. Ma belle-soeur ; Dahlia Birdy Wellington. Fille d'un trader de Wall Street venu s'installer en France après un divorce houleux. Petite poupée de porcelaine aux yeux clairs comme l'eau et à la chevelure flamboyante. Les tâches de rousseur qui parsèment son visage diaphane lui donnent l'air d'une petite ingénue ; et ses deux lèvres, roses, charnues et épaisses, n'appellent qu'à une chose. Je déteste cette beauté qui la caractérise ; on lui donnerait le bon dieu sans confession lorsque ses lèvres s'étirent en un sourire angélique qui creuse les douces fossettes aux coins externes de sa bouche. Je déteste quand elle plonge ses iris azurés dans les miens, sombres comme la roche, et qu'elle y décèle une douceur, un éclat dont elle s'empresse de me faire part. Je déteste quand ses longs doigts se posent sur les miens lorsqu'elle veut me réconforter ; et que son parfum fleuri me parvient. Je déteste notre ressemblance plus que tout, je déteste le miroir qu’elle est et qui me renvoie toute la noirceur de ma propre âme tandis que la sienne éblouit de pureté. « A foutre le feu à ses putains de cheveux roux - autrefois les filles comme elle étaient considérées comme des sorcières et c'était le sort qui leur était réservé, non ? Ou encore, à défigurer ce visage trop lisse, trop parfait, qui me révulse. » La psychiatre fait danser son bic sur la feuille déjà toute d'encre noire recouverte. Je sais ce qu'elle pense, elle à peur. Je suis un sociopathe ; ou mieux encore, un psychopathe. Je suis quelqu'un de violent et d'impulsif, d'irrationnel dans ses émotions. Oui, mais je le sais déjà. Dahlia, je le hais d'en être tombé amoureux. D'être tombé amoureux de cette foutue rousse non racée d'à peine douze ans. J'ai besoin de lui faire mal, c'est nécessaire à ma survie. De lui casser un bras en la poussant dans les escaliers et de ne sentir aucune culpabilité, aucune peine face à ses pleurs. Et je continuerais tant que je ne serais pas arrivé à mes fins.

Si vous me demandiez comment j'ai rencontré cette fille, je ne saurais point vous répondre. Il y a des choses que l'on oublie après le verre de whisky de trop. Et des choses que l'on fait, sans prendre conscience que ça vous poursuivra toute votre vie. Encore mieux, des choses que l'on pense digne des pays les plus reculés et arriérés du monde mais qui arrivent, même en Angleterre. Voilà donc Nyx Yelena Rotovski, russe pure sang, dont les grands-parents sont arrivés en France deux ans avant le début de la guerre froide qui opposa leur pays aux Etats Unis. Son père - tout comme le mien - ayant fait fortune dans le pétrole, il n'est pas étonnant que nos deux familles se connaissent et se côtoient lors de dîners mondains desquels ils sont les habitués. Elle est là, à cette soirée de veille de ce jour saint, au bras de son père et discute poliment avec ma mère et mon beau-père. Adossé au mur qui sépare le salon de la bibliothèque, je m'allume une cigarette. Ma cravate - trop serrée ? - m'étouffe, je suffoque. Non, ce n'est pas la cravate, c'est le regard profond de Dahlia sur moi. Elle est de l'autre côté de la pièce et sirote son champagne tout en me fixant. Je pose mes prunelles couleur eau sur elle ; elle est divine dans sa robe d'un blanc virginal ; et j'esquisse un sourire narquois en tirant sur ma clope. Nous savons tous les deux ce qui va se jouer d'ici quelques minutes et qui va bousculer le court même de nos vies. Le signal retentit alors. Ma mère frappe légèrement contre sa flûte de cristal et demande le silence. Elle m'appelle, me demande d'approcher. Tous les regards se tournent vers moi ; j'ai l'affreuse impression d'être à la foire. Je voudrais leur ordonner de baisser les yeux, de retourner à leurs foutues mondanités de petits bourgeois sans ambition mais tout ce que je sais faire c'est fixer Dahlia qui, elle, ne me regarde plus. Ses yeux fixent le mur d'en face et sa longue chevelure flamboyante me cache son visage. J'ai mal, là dans le creux du ventre. Je me tourne vers ma mère, entourée de mon beau-père, de monsieur Rotovski et de Nyx qui me fixe avec insistance, un large sourire aux bords des lèvres. Je m'avance encore jusqu'à me retrouver à ses côtés. « Je vois que tu as retrouvé la raison, Liam. » me susurre-t-elle. Je serre les poings, à m'en faire blanchir les phalanges mais affiche un sourire de façade. « Mes très chers amis, » commence ma mère, « si je vous ai conviés en cette veille de jour saint ce n'est pas simplement dans un but religieux mais également pour vous annoncer les fiançailles de mon unique fils, Liam, avec la délicieuse Nyx Yelena Rotovski. » déclame ma mère avec émotion. Les bourgeois applaudissent avec courtoisie, félicitent les futurs jeunes mariés. J'ai envie de vomir. Ma mère nous pousse au centre de la pièce, nous demande de danser ensemble, « pour satisfaire nos amis » dit-elle. Je m’exécute, je ne suis qu'un robot incapable du moindre geste de défense, je suis comme anesthésié. Je prends la main de Nyx et pose l'autre dans son dos. Elle la descend légèrement, dans le creux de ses reins. Je regarde Dahlia qui s'enfuit. « C'est moi, Liam, moi tu m'entends ? » me chuchote Nyx en m'arrachant à ma contemplation. « Nos parents ont raison, c'est le meilleur investissement pour l'avenir. Nos deux fortunes réunies. Et notre amour éternel. » Je ris jaune. « T'as raison Nyx, avec cette fortune colossale je pourrais investir dans ton meurtre. » Ses ongles s'enfoncent brutalement dans ma main et je serre les dents pour retenir une plainte. « Evite de dire des conneries et souris au photographe, chéri .. ». Mauvaise rencontre, us et coutumes d'un ancien temps. J'ai l'impression de retourner des décennies en arrière avec ce foutu mariage organisé avec une garce qui en a après la fortune de feu de mon père et qui pense sincèrement que je pourrais l'aimer un jour. « Avec le temps on s'habitue à tout. » m'avait-elle assuré la veille. On s'habitue à tout oui, mais pas au pire. Et je ne suis pas prêt encore à baisser les armes.

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