Chers parents,

Vous avez ruiné ma vie. Vous avez tout foutu en l'air. Et je ne pardonne plus. Avant même d'être né, j'étais déjà emprisonné dans une cellule. Et me mettre au monde a été la plus sévère punition qui soit. Je n'ai été qu'une bête à vos yeux. Vous ne m'avez jamais considéré comme votre enfant ou encore votre progéniture. Juste comme un descendant. Vous m'avez fiancé dès mon plus jeune âge. Les études devenaient obligatoires. Et si je n'avais point quinze sur vingt, alors j'étais puni sévèrement. J'étais passionné par l'écriture et la littérature, mais vous ne voyiez que par la filière scientifique. J'ai pu être libéré en rejoignant une faculté d'anglais. Mais toutes ces années, je n'ai pu construire aucune vie. Je n'ai pas vraiment d'amis, des gens qui me voient, qui me collent des étiquettes de préjugés. Vous m'avez ruiné. Et j'en ai marre. Alors, je pars. Pour toujours.

Justin.

Il avait attendu la fin de la nuit pour se faufiler dans la benne à ordure du magasin. Et en voyant ses trouvailles, il fallait bien avouer que l'attente n'était pas veine. Les gens n'achetaient jamais tous les fruits en stock du magasin alors forcément lorsqu'ils pourrissaient, ils atterrissaient à la benne. Avec son sac en plastique, il collecte les diverses bananes qui ont survécu, ou du moins qui sont le moins amochées. Parfois, il trouvait des choses en or. Enfin, parfois, plutôt rarement. Marchant dans quelques rues pour trouver un coin tranquille, il décide de s'asseoir, s'adossant à un mur. Il contemple sa banane, elle est à moitié pourrie mais il ne ferait pas son difficile. Ouvrant la peau délicatement, il croque à pleine dent pour savourer le bon goût du fruit. Il y a encore quelques années, il se rappelait de l'immense coupelle de fruit qui se trouvait dans le salon de la demeure. Le domestique la renouvelait tous les jours, ne mettant des fruits parfaitement mûr, à point. Dans son ancienne vie, il avait le droit à une nourriture de qualité, luxueuse et coûteuse. Mais ce confort de vie impliquait justement d'accepter de vendre sa liberté. Et entre un confort de vie et sa liberté, le choix avait été étrangement fait pour lui. Il avait choisi la nature. Mais en choisissant ça, il avait accepté autre chose. Il sort de sa poche son paquet de drogue avec sa paille pour sniffer. Parfois, d'autres SDFs acceptaient de lui donner une gorgée d'alcool. Et rares généreux fumeurs acceptaient de lui passer une clope. Il vivait au jour le jour, sans aucun but.