Il était aux alentours de dix-neuf heure trente, le livreur venait d'arriver, il avait déposé la commande, avait prit l'argent et était reparti sur son scooter aussi vite qu'il était venu; slalomant entre les voitures du troisième arrondissement de Paris pour retourner sur son lieu de travail. Simon Chamblas ouvrit délicatement et curieusement l'emballage qui recouvrait sa livraison de la soirée. Il ne s'était pas sentit d'humeur à cuisiner et il avait donc préféré commander son diner chez un traiteur asiatique. Il découvrit avec un plaisir gourmand le contenu du sachet : une portion de riz cantonnais accompagnée de raviolis au crevette, un plateau de sushis contenant une dizaine de pièces, une canette de coca-cola. Un sourire satisfait sur les lèvres, le brun s'installa sur son canapé et déballa son repas sur la petite table de verre devant lui. La télé allumée présentait un programme des plus inintéressant, un reportage sur les différentes façons de perdre du poids, les plus nocives et les plus efficaces. Simon n'écoutait qu'à moitié, il n'était pas vraiment intéressé par le sujet et déguster son diner occupait toute son attention. Il ouvrit d'abord la boîte de sushis pour en goûter quelques uns puis il se jeta littéralement sur le riz cantonais avant de terminer avec les raviolis. Repu, il s'enfonça dans le sofa et ouvrit le soda pour en boire une longue gorgée, heureux d'avoir le ventre plein. Trop bien pour penser à la journée banale qu'il avait eu. Il songea alors à appeler sa soeur Yaëlle pour prendre de ses nouvelles, il l'avait appelé la veille mais peu importait, il désirait savoir si elle allait bien, d'une certaine façon, il se disait que si quelque chose n'était pas "allé", elle l'aurait sans aucun doute prévenu et l'aurait appelé par elle même ? Il se saisit de son portable et se contenta finalement de lui envoyer un simple message, un " Hé salut ma ptite (: t'as passé une bonne journée ? " simple mais efficace.
Il n'avait rien prévu pour ce soir, il ne comptait pas se coucher tard, il avait travaillé toute la journée et il travaillait encore demain, il était encore assez tôt, il ne faisait même pas encore complètement nuit, mais il était bien seul, chez lui, tranquillement installé.
Il ne s'attendait pas à recevoir de la visite et il fut surpris d'entendre la sonnette retentir. Si étonné d'ailleurs qu'il sursauta avant de se lever pour aller ouvrir. Il appuya sur interrupteur permettant d'ouvrir la porte du hall de l'immeuble puis se dirigea très mollement vers la porte pour l'ouvrir. Il passa une main dans ses cheveux et se gratta la tête, se demandant qui pouvait bien venir chez lui sans le prévenir. Il portait encore sa tenue de travail, un costume trop stricte à son goût mais obligatoire dans le milieu où il travaillait : une chemise blanche, une cravate (à moitié nouée seulement), un pantalon noir. La veste qui complétait l'ensemble se trouvait sur le porte manteau dans l'entrée, il s'en séparait dés qu'il en avait l'occasion, se sentant plus à l'aise sans. Il remonta les manches de sa chemise et ouvrit la porte.
Simon Chamblas crût pendant quelques instants que son coeur s'était arrêté de battre et qu'il allait finir par tomber sur le sol, complètement frappé de stupeur par ce qu'il découvrait sous ses yeux. Léa. Elle était la dernière personne qu'il s'attendait à voir. Elle était partie il y a un moment, il n'avait plus eu de nouvelle d'elle depuis leur rupture, et là voila.. Elle était devant lui, Dieu sait pourquoi. Son coeur s'était serré, comme si d'un coup, toute la rancoeur qu'il avait put ressentir à son égard lorsqu'elle l'avait laissé pour partir aux Etats Unis remontait d'un coup et se coinçait alors dans sa gorge, l'empêchant de respirer normalement. Elle n'avait pas changé, ou peut être un peu, mais pas tellement, elle était toujours la même pour lui, elle le resterait sans doute toujours. Et puis une fois la surprise passée, alors qu'il reprenait ses esprits, il se trouva alors contrarié de la voir débarquer ainsi, du jour au lendemain, sans prévenir, sans avoir jamais donné de nouvelles. Il fronça les sourcils et lui coula un regard moitié incompréhensif, moitié énervé. « Qu'est-ce que tu fais ici? » demanda-t-il sans se soucier des convenances et de la politesse.

Mesdames et messieurs, ici votre agent de bord. Nous allons bientôt atterrir à Paris, aéroport Charles de Gaulle. Nous sommes présentement à 1102 mètres d'altitude et il fait actuellement 10 degrés sur la belle capitale. Nous vous demandons d'attendre la consigne des ceintures avant de vous détacher. L'avion devrait se déposer dans environ trente minutes, nous espérons que vous avez passé un beau voyage et merci d'avoir choisi Air France. Léa, toujours endormie, se réveilla tranquillement, réveillée par son voisin de siège qui la tapotait légèrement. « Miss, the plane is about to land... » La jeune femme cligna des yeux avant de se rendre compte qu'elle s'était assoupie sur l'épaule du passager. Elle se releva, gênée. « Oh heum... mucho sorry! » Elle tenta de se souvenir si elle avait ronflé. Elle remit ses chaussures dans ses pieds et commença à ranger ses affaires.

Ah, Paris. Elle en avait rêvé depuis cinq ans déjà. Léa avait passé les cinq dernières années à New-York où elle devait étudier en politique à Columbia. Les études devenant vite lassantes pour la jeune française, elle se trouva une nouvelle passion: l'art. Elle avait donc quitté la prestigieuse école pour se concentrer sur son art après sa première année d'études. Ce qui fut un échec. Personne n'achetait ses toiles ou ne visionnait ses courts-métrages. Son travail à temps partiel comme serveuse dans un café ne l'aidait pas à payer son loyer. Il lui restait peu d'argent en poche. Elle avait décidé de prendre ses dernières économies pour retourner dans sa ville natale et essayer de percer là-bas.

C'est donc après un long trajet de neuf heures d'avion qu'elle arriva en terre parisienne. Elle traversa la douane sans problème et récupéra sa seule et unique valise. Devant la porte de sortie, elle réalisa qu'elle n'avait nulle part où aller. Elle avait perdu contact avec tout le monde et n'avait plus aucun numéro de téléphone en sa possession. Trop honteuse pour appeler ses parents, elle prit le premier taxi de libre et se rendit dans un café pour penser à tout ça. Aussitôt arrivée, elle commanda un espresso et sortit son cahier de notes. Léa fit une liste de tous les noms possibles et les barra d'un trait de crayon par la suite. Un seul restait. Elle arrêta d'écrire, fixant sa feuille. La jeune femme termina son café d'un trait, rangea ses choses dans son sac et sortit à l'extérieur.

C'était écrit, elle avait fait ses recherches, c'était bien là. Bien sûr qu'il allait être content de la revoir, après toutes ces années! Il l'accueillerait à bras grands ouverts, il n'y avait pas de doute là-dessus. Elle tenait sa valise dans une main, son sac de voyage dans l'autre, le sourire aux lèvres. Elle cogna trois petits coups et attendit qu'on vienne lui ouvrir. Et s'il n'était pas là? Elle aurait peut-être du appeler avant? Mais ça allait gâcher la surprise...

Simon vint enfin lui ouvrir. Léa l'inspecta rapidement. Il avait grandi, il n'avait plus un seul bouton d'acné... il s'était embelli même s'il était assez beau garçon auparavant. Son sourire s'accentua. Elle déposa ses sacs et ouvrit ses doigts en les agitant. « Tadaaaa! » Simon n'avait pas l'air si ravi, si on s'en fiait à son regard. « Qu'est-ce que tu fais ici?». Léa croisa les bras en rigolant. « Franchement, Simon, je m'attendais à une meilleure réaction de ta part! » Elle lui fit la bise rapidement, prit ses valises et tenta de se frayer un chemin à l'intérieur de l'appartement. « Waouh! C'est magnifique ici! Depuis quand tu as emménagé? »

Léa, désinvolte et bien vivante, toujours égale à elle même se présentait devant lui, tout naturellement, comme si rien ne s'était passé. Il se souvenait parfaitement du jour où elle était partie. Elle avait quitté Paris du jour au lendemain pour se rendre à New York où une nouvelle vie l'attendait. Depuis ce jour là, il n'avait plus pris de nouvelle d'elle, trop vexé et blessé qu'elle ne soit pas resté pour lui, il avait décidé de l'oublier. Ca avait été une étape difficile mais il y était parvenu et il n'espérait pas la revoir un jour, pas même dans dix ans pour savoir ce qu'elle était devenue, il ne voulait absolument plus rien savoir d'elle. Il n'avait plus son numéro, il avait supprimé son compte Facebook de ses amis, ne désirant plus la voir du tout, et puis... Comme par magie, après quatre longues années, elle réapparaissait devant lui. Il se demandait s'il s'agissait d'une mauvaise blague et il ne se priva pas pour la dévisager alors qu'elle s'exclamait qu'elle attendait de lui un accueil plus chaleureux; il fronça légèrement les sourcils, encore un peu sonné par ce qui était entrain de se passer,et la suivie des yeux alors qu'elle passait devant lui pour pénétrer dans l'appartement; là, décidant de calmer un peu le jeu et de reprendre le contrôle de la situation il la retint par le coude alors qu'elle le complimentait sur son intérieur. Il la força à se retourner. « Léa. Tu peux pas débarquer comme ça. D'où tu viens ? » lui demanda-t-il. C'était étrange mais il avait besoin de savoir d'où elle venait, il voulait savoir pourquoi elle arrivait maintenant chez lui, après tout ce temps; il avait le sentiment que l'attitude un peu trop désinvolte de la jeune femme cachait quelque chose, il la connaissait encore très bien et si elle n'avait pas changé il était certain qu'elle était ici pour de très bonnes raisons, des raisons qu'il allait sans doute bientôt découvrir et il espérait qu'elle ne s'était pas fourrée dans une situation embêtante de laquelle il devrait la sortir. Il avait d'autres préoccupations actuellement que sauver une ex revenue de nul part. Ses traits se détendirent alors qu'il la regardait, qu'il observait ses traits et qu'il reprenait doucement son calme, se disant que peut être elle était simplement de retour à Paris et venait prendre des nouvelles... Après tout, il ne fallait pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué et il était préférable d'attendre des explications de la jeune femme elle même plutôt que de commencer à se faire des films. « Et si tu t'attendais à ce que je t'ouvres les bras avec plaisir je te rappelle que tu m'as lâchement laissé tomber pour partir faire dieu sait quoi à New York, alors.. désolé de te décevoir mais ta présence ne me ravie en aucun cas. J'attends tes explications cela dit. »