Les jours suivant ma rencontre avec Jace furent plus qu'occupés. Combien de temps passais-je à travailler et étudier ? Une semaine et demi en tout et pour tout. Tout le monde me traitait comme la dernière des servantes au journal et j'étais reléguée à faire les cafés au lieu d'écrire des articles qui dénonceraient toutes sortes de choses à Paris et dans le monde. Je rêvais de partir en reportage dans les quartiers mal famés de Paris pour avoir un bon papier à écrire à mon retour. La saleté ne serait qu'une circonstance atténuante. Lorsqu'il s'agissait de mon travail, j'étais capable de tout faire. Seulement, lorsque mon patron m'effleura les fesses alors que je passais lui apporter un beignet que j'avais acheté le matin à sa demande, je lui fis clairement comprendre que je n'étais pas intéressée, et sèchement. Pourquoi les hommes étaient tous aussi obsédés ? Pas étonnant. Toutes ces filles avec leurs décolletés et leurs mini jupes devaient leur donner envie, et dès qu'ils trouvaient une fille respectable comme moi qui ne se dénudait pas, il fallait qu'ils soient attirés. J'étais sortie du travail plutôt tard ce soir là, ayant eu à prendre des notes pour le patron pervers jusqu'à pas d'heures. Je n'aimais pas spécialement rentrer chez moi lorsqu'il faisait nuit mais j'y étais bien obligée. Les lampadaires éclairaient mal, et pour rejoindre ma station de métro le plus vite possible, je devais prendre des petites rues. Je n'aimais pas perdre mon temps. J'aurais pu prendre les grandes avenues, mais non. Je ne jurais que par les raccourcis. Ainsi, je m'engouffrais dans les petites rues de la capitale, sans peur. J'étais persuadée que les histoires de vol, de meurtre, de viol n'arrivaient qu'aux autres et pas à moi. De toute façon, je savais me défendre. Et lorsque j'entendis des pas derrière moi, au début, cela ne m'inquiéta pas. Quelqu'un d'autre qui connaissait les raccourcis ce n'était pas un drame. Et au fur et à mesure de ma marche, j'entendis les pas s'accélérer, le bruit m'indiquer que la personne se rapprochait. Au bout d'un moment, on empoigna le sac que je tenais bien serré par la bretelle et son contenu se répandit au sol. Mon porte feuilles, mon désinfectant, mes notes, une copie de la cassette .. Non. Il ne fallait pas que je perde ça. Bien vite, je me précipitais à terre pour ramasser le plus important mais mon agresseur eut la même idée. Avant qu'il ne puisse partir avec mon porte feuilles, je lui donnais un coup de pied dans le dos avec mes talons ce qui dut lui faire plutôt mal. Il trébucha en avant et je me précipitais pour récupérer mes papiers. Je remis tout dans mon sac mais apparemment, le jeune homme qui avait voulu me voler mon argent était rancunier et s'approcha de moi avec la rage au visage. Superbe, je m'étais encore mis dans une situation improbable. Et j'avais en plus un rendez vous au restaurant avec un homme qui m'aiderait sûrement à utiliser cette cassette le mieux possible.

J'essaie d'aligner deux pensées cohérentes mais à chaque fois que je pense y parvenir tout ce qui était de sérieux dans mon esprit s'évapore telle une goutte d'eau au milieu du désert. Mon esprit s'évade, ma tête tourne et mon regard divague. Je ne sais même plus où je suis, où j'étais et puis où je vais. Seule certitude, on m'a mit à la porte. Enfin pas tout à fait, non. J'étais en compagnie d'un ami, soirée un peu trop arrosée, et puis une compagnie féminine s'est incrustée, ne tenant pas à tenir la chandelle je suis parti. Aussi simple que cela. Et me voilà errant en plein coeur de Paris, dans le sixième arrondissement. Je cherche mon chemin, mais avec la nuit tombée et l'alcool qui, faut bien le dire, n'arrange guère, je me demande si je vais parvenir à sortir de ce dédale de petites ruelles. Ce serait bête de tourner en rond pendant des heures alors qu'il ne me suffisait que de tourner à droite, ou à gauche pour déboucher sur une grande avenue passante. Je suis pris d'un fou rire, pour je ne sais quelle raison, mais je ris. Je souris à la nuit, tout me semble beau et drôle, il ne peut rien m'arriver, je me sens invincible. Tous mes soucis se sont évaporés, tiens prenons par exemple Miss Valmont. J'ai décidé de mettre un peu de distance entre elle et moi, qu'elle m'oublie, cela ne fera qu'ajouter de la surprise lorsqu'elle verra que je serai sa faucheuse depuis tout ce temps. Je l'observe de loin, j'ai repris mon rôle d'espion, accumulant toujours plus d'informations sur elle. Toute envie de lui parler face à face m'a désertée, elle est trop parano, elle risque de me démasquer et alors, pouf adieu le cash. Et adieu mes études. Et adieu Paris. Et retour en Californie. Aucune envie de revoir la mère, le beau-père et encore moins la sister.

Ce doit être la deuxième, ou peut-être même la troisième, fois que je passe par là, bah, tout ce ressemble ici. Des pâtés de maisons, d'appartements, des lampadaires qui éclairent faiblement, oh il y a quelqu'un là-bas. Et si je plisse des yeux je distingue une autre personne mouvante un peu plus loin. Peut-être qu'en le suivant je finirai par tomber sur un endroit familier ? Je lui emboîte le pas, de loin, qu'il ne prenne pas peur en se disant que je suis en train de le suivre. Enfin c'est le cas, mais sans aucune mauvaise intention, alors bon. Je me rapproche, et je distingue une stature d'homme, bien bâti et pas très vieux. Il marche avec détermination, et je remarque qu'il ne quitte pas des yeux la personne devant lui. Alors je reporte mon attention sur celle-ci. Une femme, chaussures à talons qui clac et brisent le silence de la nuit, chignon serré et relevé, démarche rapide et d'ailleurs pas très sereine, visiblement pas à l'aise seule dans le noir. Elle a raison.

Soudain, tout se passe rapidement. L'homme que je suivais se met à courir et empoigne le sac à main de la jeune femme. Son contenu s'éparpille dans la rue, et la pensée la plus sensée que tout individu devrait avoir c'est, s'enfuir. Mais non, cette femme ne doit pas être normalement constituée, elle se rue pour récupérer un objet tombé du sac. À la distance où je me trouve, je ne peux voir ce que c'est, je ne peux que supposer que c'est quelque chose d'important. Je pèse le pour et le contre, assister à une agression, vol, viol, meurtre quoique ce soit et être témoin dans une affaire -qu'il y aura surement, ou faire demi tour et oublier ce que j'ai vu -ce qui ne devrait pas être compliqué au vu du taux d'alcool que j'ai dans le sang, ou enfin venir en aide à la fille mais ce qui impliquerait que je tape un peu le gars alors que je ne suis pas certain de tenir debout si un gamin de cinq ans me bouscule ? Dilemme.

L'adrénaline se fait ressentir. Je cours jusqu'à eux. La fille a eu le temps de planter le talon de son escarpin dans le dos de son assaillant, mais il en faut bien plus pour ébranler la détermination du type et celui-ci se relève et se tourne vers elle. Oh oh, c'est mauvais pour elle ça. Heureusement que je me suis transformé en super héros le temps d'un soir. J'ai le temps de noter qu'elle est bien habillée, aucun pli ne dépasse et le fer à repasser paraît être l'arme absolue qu'elle maîtrise le mieux. Je suis tout près désormais, le gars se tient debout face à elle et je me glisse dans son dos. Je lui tapote l'épaule pour lui signaler ma présence. Il se retourne. Mon poing droit part se ficher dans son menton, avant même que je n'ai le temps de le demander à mon cerveau. Et tout à coup je réalise : la fille que je suis en train de sauver, c'est Elizabeth. Et merde...

Pendant que le type appuie sur son nez pour étancher le sang -j'ai surement visé plus haut que je ne le pensais- et reprend ses esprits, j'empoigne le bras d'Elizabeth et tire pour qu'elle se relève et me suive en courant. « Vite, venez. Dépêchez-vous. » Et nous courrons, loin.

Tout semblait se passer si vite. N'étais-je pas dans mon lit, chez moi, au chaud en train de bouquiner un quelconque ouvrage de Stephen King ? Non. J'étais au milieu d'une ruelle sombre, en train de me faire agresser par un inconnu. Je n'avais jamais compris les intentions de ce genre de personnes. S'ils avaient besoin d'argent, ils n'avaient qu'à travailler. Aucun besoin de bousiller la journée de quelqu'un d'autre avec une frasque qui amènerait bien d'autres conséquences. Je n'étais pas décidée à laisser partir l'inconnu, ayant le courage pour me battre. J'avais l'avantage d'avoir suivi des cours d'art martiaux durant de nombreuses années, mais jamais je n'avais pensé que mes techniques de combat pourraient être utiles dans la rue. Et le fait était qu'elles ne l'étaient pas : habillée comme j'étais, il m'était impossible de faire plus que le petit coup de pied que je fis dans le dos de mon assaillant. Le plus important était de protéger la cassette, et je me trouvais soudain bien stupide de l'avoir transportée avec moi. Si quelqu'un la trouvait par hasard et voulait voir ce qu'il y avait dessus .. C'était un de ces moments où je ne me trouvais pas aussi parfaite que d'habitude, c'était tout ce que je pouvais vous dire.

J'avais récupéré la majorité de mes affaires et pensais que cela s'arrêterait là, mais ce ne semblait pas être de l'avis du jeune homme qui avait eu la merveilleuse idée de me voler. Alors que je me préparais à déchirer ma jupe à la façon d'une drôle de dame pour pouvoir me battre, un homme sembla vouloir venir à ma rescousse. Ce n'était pas trop tôt! Je fus un peu vexée que quiconque puisse penser que je ne pouvais pas me défendre toute seule, mais accueillais quand même cette aide les bras à demi ouverts. Je n'eus pas le temps de voir son visage : tout se passait tellement vite. Tout ce que je pus voir, fut le poing qu'il envoya dans la figure de mon assaillant. Je sentis la peur couler peu à peu en moi et prendre part de mes membres, tendant mes muscles et me faisant trembler. Cette peur qui n'était pas mon amie, et que je ne rencontrais que tellement peu souvent. La sensation était désagréable.

On m'empoigna le bras et on me tira. Que faire, à part suivre ? Je n'aimais pas fuir, je détestais ça, mais n'y étais-je pas obligée ? Mes escarpins claquèrent contre le pavé et je m'éloignais de l'endroit du crime. Je vérifiais rapidement dans mon sac que la cassette était toujours là, et elle y était. « Vite, venez. Dépêchez-vous. » Je tournais soudainement la tête vers mon sauveur. Jace ? Jace. Je ne savais pas s'il m'avait donné son vrai prénom cette dernière fois au pont, mais il fallait bien que je l'appelle d'une façon ou d'une autre. Il était donc Jace. Et il était en train de me tirer dans un dédale de ruelles, si bien que je me sentis bientôt perdue, n'ayant absolument aucune idée de l'endroit où j'étais. « Arrêtez ! » Je me libérais de l'emprise du jeune homme et m'arrêtais subitement. Il ne sembla pas se rendre compte que je n'étais plus là et continua à courir un petit moment avant de se retourner et de me voir au milieu de cette rue au milieu de nulle part.

« Cette fois, j'en suis sûre. Vous me suivez ! Il faut apprendre à reconnaître quand des rencontres sont des coïncidences, et quand elles ne le sont pas ! Attendez, laissez moi réfléchir .. Vous avez tout organisé, c'est ça ? Un de vos amis, le voleur ? Et maintenant, vous voulez vous faire passer pour le sauveur pour que .. Quoi ? Vous ayez votre baiser de récompense ? De l'argent ? Vous voulez de l'argent ? Car je n'en ai pas ! Laissez moi tranquille ! » Sans plus attendre, je lui tournais le dos et partais dans la direction opposée.

Nous courrons le temps de dépasser quelques petites ruelles et de façon à s'éloigner suffisamment du type qui l'a agressée. Tu sembles réaliser tout à coup que l'inconnu qui vient de te venir en aide n'est autre que... moi. Ta réaction est immédiate, tu n'es pas ravie que je t'ai secourue. Tu es vraiment une femme agaçante, je te sauve -peut-être pas la vie mais du moins- ton argent ou un objet que tu gardes précieusement dans tonsac, et tout ce à quoi tu penses c'est l'identité de ton sauveur. Devrais-je te rappeler que tu n'avais pas vraiment le choix ? Tu devrais t'estimer heureuse que j'ai eu assez de pitié pour toi pour me salir les mains ainsi. Ton ordre claque « Arrêtez ! », je m'apprête à te demander de ne pas faire l'enfant mais j'attends que tes plaintes et râlements arrivent avant. Je continue de courir. Soudain, je me rends compte que tu ne me suis plus. Je m'arrête et je regarde par dessus mon épaule. Tu me fais face, tu fais face à la nuit, seule. Je me retourne, lentement, tout en secouant la tête d'un air qui se veut désespéré. J'attends ce que tu t'apprêtes à me chuchoter, dire, crier, hurler... « Cette fois, j'en suis sûre. Vous me suivez ! Il faut apprendre à reconnaître quand des rencontres sont des coïncidences, et quand elles ne le sont pas ! » Quoi ? Pardon, QUOI ?! J'avais raison, j'aurais du te laisser dans les bras de l'autre type. C'est la seconde fois que nos chemins se croisent sans que je le décide, qu'est-ce que j'y peux, Elizabeth, si qui que ce soit tout là-haut dans le ciel, fait en sorte que nous nous rencontrions ? Cette fois, c'est le pur hasard. J'étais loin de toi, à faire la fête, boire, tout oublier. T'oublier, toi. Mais il a fallut que tu te fourres dans cet embuscade, que tu te balades de nuit, seule avec quelque chose de valeur dans le sac à main. « Attendez, laissez moi réfléchir .. Vous avez tout organisé, c'est ça ? Un de vos amis, le voleur ? » Quelle imagination débordante tu as... Tu me tiens en si peu d'estime, que ça ne t'étonnerais pas que je puisse te faire un coup pareil ? J'agis en solo. Je n'ai besoin de personne. Si j'avais voulu t'agresser et te voler tes biens, j'aurais enfilé une cagoule et tu n'y aurais vu que du feu. J'aurais eu ce que je voulais, tu n'aurais jamais rien su. « Et maintenant, vous voulez vous faire passer pour le sauveur pour que .. Quoi ? Vous ayez votre baiser de récompense ? De l'argent ? Vous voulez de l'argent ? Car je n'en ai pas ! Laissez moi tranquille ! » Je ne suis pas le sauveur. Et je ne le serai jamais. Je suis le méchant, toujours. Tu fais bien de te méfier de moi, mais j'aurais espéré que le jour d'aujourd'hui où ce serait le cas, soit dans un peu plus longtemps. Non je ne veux pas de baiser de récompense. De l'argent ? Oui j'en veux mais pas de cette façon. J'explose de rire, et sans doute l'alcool que je croyais s'être dissipé dans mon sang revient à la charge et n'aide pas à garder mon sang-froid. « Je n'ai jamais rien entendu d'aussi fou ! Vous venez de vous faire piéger et presque volée, et tout ce que vous faîtes c'est accuser la personne qui vous a secouru ? Vous pensez réellement que je n'ai rien d'autres à faire que vous espionnez, vous suivre ? Cette rencontre, comme toutes celles précédentes, est née du pur hasard. Je suis aussi étonné que vous, et je commence à regretter sérieusement de m'être abîmée les phalanges pour vous aider. » Je ne sais pas si tu m'écoutes, si tu m'entends. Tu t'éloignes, tu me tournes le dos, tu mets le plus de distance entre toi et moi. Sache que je ne m'abaisserai pas à faire le premier pas, je croise les bras sur mon torse. J'attends. J'imagine les différentes réactions qui tourbillonnent dans ta tête. Partir en courant. T'enfuir ne paraît pas être ton style. Te retourner et venir me frapper ? Ah, je fais une moue moqueuse, ça serait plus toi, affronter l'ennemi directement en face à face. Fondre en larme ? Absolument pas ton genre. La réponse est à toi.

Son rire me parut effrayant. J'avais l'impression d'être en face d'un fou furieux qui avait vraisemblablement monté toute cette supercherie. Ce Jace ne m'inspirait pas de confiance, oh non, il m'inspirait bien tout le contraire. J'avais envie de m'approcher de lui et de le taper de mes petits poings, mais j'étais tout de même consciente du peu de mal que je lui ferais comme ça. Je ne savais rien de lui mais il semblait tout savoir de moi. Cette sensation était frustrante. J'avais envie de le prendre à son propre jeu, mais comment ? Jace n'était probablement pas son vrai prénom, je ne connaissais pas son nom de famille. Je n'avais pas accès à des fichiers importants et ne pourrais pas vraiment en apprendre beaucoup sur lui. J'étais définitivement perdante sur ce point. Et j'eus soudain peur. Peur qu'il me prenne dans un coin sombre pour me voler mon sac à son tour, avant de me rappeler que j'étais tout à fait capable de me défendre. « Je n'ai jamais rien entendu d'aussi fou ! Vous venez de vous faire piéger et presque volée, et tout ce que vous faîtes c'est accuser la personne qui vous a secouru ? Vous pensez réellement que je n'ai rien d'autres à faire que vous espionnez, vous suivre ? Cette rencontre, comme toutes celles précédentes, est née du pur hasard. Je suis aussi étonné que vous, et je commence à regretter sérieusement de m'être abîmée les phalanges pour vous aider. » Je restais muette, l'écoutant débiter un flot impressionnant de paroles. Oui. J'étais ingrate, mais cela ne me dérangeait pas. Je ne pensais pas avoir à le remercier puisque ces coïncidences me paraissaient si .. louches. Et je ne croyais pas au destin, non. Et s'il n'était pas venu pour me sauver, que serait-il arrivé ? J'aurais probablement perdu mon argent, mes papiers, et ma cassette. Peut-être que je devrais le remercier après tout, il n'avait pas à frapper l'autre type pour mes jolis yeux. Je m'arrêtais donc subitement. Et revenais dans sa direction, rapidement. Je me plantais à un mètre de lui et le défiais du regard. « Je suppose que je devrais vous remercier. » Pendant un moment, je restais silencieuse à simplement le regarder. Mais au bout d'un moment, je commençais à parler à nouveau. « Eh bien, je ne le ferai pas. J'aurais très bien pu me défendre toute seule. J'ai fait des arts martiaux vous savez. » Pas bien Elizabeth, tu viens encore de révéler une facette de ta personnalité qui lui servirait encore à te rabaisser. J'avais envie de le frapper. Oui, l'envie montait en moi, la fureur, la colère, la peur, tout ça mélangé pour faire un bon cocktail. J'avais envie de monter mon poing et de l'envoyer contre son visage de joli cœur. Mais je n'en fis rien. J'étais bien trop distinguée pour faire une telle chose, et contrôler ses sentiments était quelque chose de pri-mor-dial. « Vous avez sérieusement de la chance, d'être face à moi. Si j'avais été une autre fille, une fille qui ne prêtait pas attention à son allure et à la manière dont elle serait perçue, une fille qui n'avait pas le même self-control que le mien, je vous aurais frappé. Juste ici. » fis-je en lui touchant le nez. Comme surprise par mon propre acte, je me reculais légèrement en approchant la main qui venait de le toucher vers ma poitrine. Je détestais toucher les gens, je haïssais que les gens me touchent. Il fallait que je m'en rappelle.

Comme je le supposais, tu ne peux tout simplement pas t'enfuir comme une voleuse. Tu te sens obligée de revenir sur tes pas et te reposter devant moi. Tu as besoin d'avoir le dernier mot, tu es faîtes ainsi, mais ça risque d'être compliqué car tu ne sais pas avec qui tu joues. Ta petite taille t'impose à lever la tête pour soutenir mon regard, tu me jettes un regard de défi et je hausse les sourcils comme pour me foutre de toi. « Je suppose que je devrais vous remercier. » Je te laisse continuer, aurais-je gagné une bataille ? Des excuses venant de toi ? Ce doit être un miracle, ces mots semblent être arrachés de ta gorge. Tu laisses le silence s'installer entre nous, tu m'observes et je soutiens tes jolis yeux méfiants. Je me demande quelles sombres pensées agitent ton esprit si ordonné, à quoi penses-tu lorsque tu me regardes ainsi ? Le verbe regarder n'est même pas exact, je dirais plutôt que tu m'examines. Tu me détailles, des pieds à la tête. Puis tu reprends la parole. « Eh bien, je ne le ferai pas. J'aurais très bien pu me défendre toute seule. J'ai fait des arts martiaux vous savez. » Ce retournement de situation ne devrait m'étonner guère venant de toi. Sans même réfléchir, ma main droite vient caresser ma barbe naissante et je dissimule un sourire derrière. Un sourire surpris pour ta belle répartie, un sourire amusé devant ton besoin d'indépendance, non jamais Elizabeth tu n'as eu besoin d'aide. Vas-tu me dire que tu maîtrisais parfaitement la situation ? Et un dernier sourire à l'idée de t'imaginer prenant des cours d'arts martiaux. Je te vois essayer de ne rien laisser paraître de tes sentiments, en règle générale, comme moi, tu as un self-contrôle impressionnant sur les troubles qui s'agitent dans ton esprit. Bizarrement, en ce moment-même je peux lire à livre ouvert que tu es agacée. Plus que ça, énervée. Il semble qu'à chaque fois que nous nous croisons je fais naître en toi des sentiments qui ne te sont pas familiers. Tandis que je garde mon sourire sarcastique, moqueur et indifférent à tout. Le destin l'a voulu. Rien de cette soirée n'était prémédité. Tu t'es faite agressée, il a fallu que je sois dans les parages un verre de trop dans le sang, et que mon côté super héros sorte de l'ombre pour te venir en aide. Mal m'a pris, je ne récolterai même pas un merci. Quelle ingrate tu es. « Vous avez sérieusement de la chance, d'être face à moi. Si j'avais été une autre fille, une fille qui ne prêtait pas attention à son allure et à la manière dont elle serait perçue, une fille qui n'avait pas le même self-control que le mien, je vous aurais frappé. Juste ici. » Et ton doigt vient se poser sur mon nez. Je remarque ton dérangement face à ce contact physique, et je ne peux m'empêcher d'imaginer ton petit poing venir essayer de me cogner. Je dis bien essayer. Je te rétorque aussitôt en reprenant tes mots. « Si j'avais été en face d'une autre fille que vous, une fille qui ne prête pas attention à la manière dont elle est perçue, j'aurais eu droit à des remerciements et à un sourire. » J'enchaîne sans attendre que tu répliques en me rapprochant d'un pas. Je mets mes mains dans les poches négligemment et je penche légèrement la tête de côté, un air amusé. « Au lieu de quoi, vous m'avouez mourir d'envie secrètement de me casser le nez. De me balancer votre petit poing, juste, ici. » Avec mon index je touche le bout de mon nez, là où quelques secondes auparavant ton doigt reposait. Je décide de jouer encore un peu avec tes nerfs. Bah, tu t'en remettras. « J'aurais espéré une réaction un peu plus distinguée de votre part Elizabeth. Franchement, même si vous n'avez pas cédé à la tentation, le mal est là, vous êtes à deux doigts de céder et de me frapper. » J'en rajoute encore plus et je tends mon bras, paume ouverte face à toi. « Allez-y, frappez. » Je ne sais pas ce qui me prend, j'essaie de te pousser à bout, que tu libères tes émotions, que ton visage affiche enfin une expression différente de cette sorte de calme et contrôle d'elle-même. Tout le monde mérite de se lâcher un jour non ? Eh bien c'est ton jour Miss Valmont. Il y a une chose que je ne t'ai pas dite, je t'ai également sauvée parce que je veux être le seul à t'embêter. Mon sourire est toujours esquissé sur mes lèvres, j'étudie tes réactions sachant que tu vas encore m'étonner.

Il m'énervait. Au plus haut point. Il me faisait agir comme quelqu'un que je n'étais pas, me faisait dire des choses que je ne pensais pas. Et le pire, il me faisait ressentir. Je n'avais pas envie de m'embarrasser d'une chose telle que les sentiments, bien qu'ils ne soient pour l'instant que strictement négatifs. Je ne comprenais pas leur utilité et ne la comprendrait sûrement jamais : c'était mieux ainsi. J'avais alors fait quelque chose qui m'avait surpris : je l'avais touché. Et même si c'était du bout du doigt et pendant une milliseconde, je gardais cette empreinte fantôme qui me déconcertait. Mais je ne le frapperais jamais. Tout simplement parce que cela impliquerait encore plus de toucher, et que j'en avais eu assez pour une soirée. Tout ce que je souhaitais à présent, c'était rentrer chez moi et me mettre dans mon lit .. Peut-être travailler un peu avant. Je préparais une multitude d'articles qui ne seraient probablement jamais utilisés. Mais il le fallait. Tout simplement parce que, sans travail, je devenais folle. « Si j'avais été en face d'une autre fille que vous, une fille qui ne prête pas attention à la manière dont elle est perçue, j'aurais eu droit à des remerciements et à un sourire. » Mes sourcils se froncèrent légèrement. Oui. Je n'étais pas normale et à défaut de poser cela comme un problème, j'en étais fière. J'étais l'espèce évoluée, celle à qui les humains laisseraient bientôt place. Tout était plus simple quand on était une Elizabeth. Il n'y avait pas à s'embarrasser de l'amour, de l'amitié, des sentiments en général. Des relations humaines. Tout ce qui créait des problèmes, des erreurs dans cette suite quasiment parfaite. Alors que j'étais en train de penser, il s'avança d'un pas et je relevais la tête à nouveau pour l'observer. Il avait cet air amusé que je haïssais chez lui. « Au lieu de quoi, vous m'avouez mourir d'envie secrètement de me casser le nez. De me balancer votre petit poing, juste, ici. » Il se toucha le nez et mes sourcils se froncèrent encore plus, en réaction à son imitation de moi même plutôt pathétique. Il pensait que je n'étais pas capable de le faire. Que c'était trop pour moi ? Que je ne m'abaisserais pas à un tel besoin primaire de violence? Il avait tout à fait raison. Mais j'avais envie de le surprendre, de lui montrer que je n'étais pas seulement cette enfant parfaite en tous points. Ma mâchoire se serrait, mes dents grinçaient. «Allez-y, frappez. » Je le regardais tendre sa main pour une raison que j'ignorais. Je ne le frapperais pas là. Et si j'avais vraiment envie de lui faire mal, ce ne serait même pas le nez que je viserais. Seulement, au lieu de m'énerver et de lui montrer ce qu'il avait envie de voir, mon visage revint dans sa neutralité. J'ajustais ma jupe aussi naturellement que possible (c'était à dire comme un robot, pour moi) et soupirais. « Si vous croyez vraiment que je m'abaisserais à une telle chose, vous me connaissez mal. » Je serrais mon sac près de moi, encore un peu effrayée de me le faire voler, et restais silencieuse. Après une petite minute, je trouvais quelque chose à redire. « De toute façon, vous ne me connaissez pas du tout. Vous avez eu de la chance, et clairement, vous avez encore des progrès à faire. Il ne sert à rien de me provoquer .. » Je battais des cils et me rapprochais de lui sans intentions cachées. Je souhaitais lui prouver que même la proximité ne me faisait rien ce qui était évidemment faux. Je paniquais intérieurement, mais ne montrais rien à l'extérieur. « Vous vous croyez si fort. Si supérieur à moi. Je peux le sentir, je peux le voir. Car vous pensez que vivre comme moi est passer à côté de ce que vivre veut dire. Mais vous n'en savez rien. Pas tant que vous n'avez pas essayé. » Je me rapprochais encore, jusqu'à ce que ma poitrine soit à un cm de son torse. Que nos deux corps se touchent presque, mais pas vraiment. « Vous êtes l'homme le plus ignorant que j'ai jamais rencontré. Je parie que vous ne faites rien de votre vie. Que votre travail ne mène à rien. Que vous ne tirez plus satisfaction depuis longtemps et que vous ne faites que rechercher. Rechercher ces sensations qui vous manquent. Sans jamais arriver à les toucher du doigt. »