Mon année d’études avait beau s’être achevée il y a de cela des mois, j’étais tout de même resté dans mon appartement plutôt que de rentrer dans le cocon familial. Non que la solitude me plaise particulièrement, ni ne me déplaise forcément lorsqu’elle est dosée raisonnablement, mais j’aime m’y prélasser. Le calme, le ciel parisien y envoie ses éclats de lumière, me rendant rêveur. Chaque chose dans cet appartement me reflétait un souvenir. La chambre, avec Cheshire, le salon avec Alee, la cuisine avec Ella. Ma petite Ella. Elle en avait vu de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres comme on dit. Le petit Jonah était né, fruit d’un amour contrebalancé et compliqué avec Jéricho. Elle chérissait l’un comme l’autre, pourtant Jéricho s’était envolé vers des horizons inconnus et mystérieux que j’avais manqué de voir quelques fois. Ella était loin d’avoir une vie facile, la mienne n’était pas tellement mieux organisée, ni même plus joyeuse. Je me sentais désespérément seul. Ma relation avec Alee, avec qui j’avais placé tous mes espoirs de renouveau, tout espoir de rebâtir une vie sur des bases saines, s’était brisée en mille morceaux. J’étais décidé à m’isoler, je ne voulais plus vivre ce genre d’histoires qui nous bercent d’illusions avant de nous détruire de fonds en comble. Jéricho était mort, l’histoire d’amour d’Ella s’était si brutalement achevée. A croire que l’amour n’est jamais fait pour durer. Je ne pouvais cesser d’être pessimiste à ce sujet, je croyais avoir perdu foi en ce qu’on n’appelait l’amour. Peut-être même n’était-ce qu’une simple illusion, un rêve que formule l’humanité entière. Peut-être les gens qui croient s’aimer ne s’aiment-ils peut-être pas. Quoi qu’il en soit, je n’avais pas été là pour Ella lorsqu’elle avait eu besoin de moi. J’étais faible, et la fréquenter ne l’aurait rendu que davantage frêle et fragile. Elle devait se reconstruire, tout comme je le devais. Un handicapé de l’amour, j’en devenais presque de marbre. Etais-je encore capable d’aimer ou bien la destruction de cet espoir m’avait-il rendu de pierre ? Une autre question me traversait l’esprit : avais-je le droit d’être aimé ? Le méritais-je réellement ? Il était clair dans ma tête que je n’avais jamais réellement rien fait d’assez mal pour mériter toutes les peines du monde, pourtant j’étais convaincu que l’on voulait m’en infliger. Pourquoi alors ? Parce qu’il faut un bouc émissaire qui prendrait pour tous les autres ? Devrais-je me laisser souffrir seul pendant que les autres filent un parfait bonheur et vivent éloignés de tous tracas ?

Etalé sur mon lit, je fixe le plafond, pensif. Ça se passe toujours comme ça, ou alors je passe mon temps à observer l’extérieur depuis ma fenêtre. Je viens à me demander si je ne suis pas devenu dépressif. La sonnette me sort de mon état pensif. Cela faisait longtemps que quelqu’un n’était pas venu me voir, peut-être n’était-ce que le facteur après tout. Lorsque j’ouvris la porte, je découvrais Ella juste devant moi. Cela faisait un sacré bail. Un faible sourire se dessina sur mon visage, il n’était en aucun cas forcé, mais je n’avais pas le pouvoir de le rendre plus large. Finalement je m’en veux tellement de ne pas avoir été là pour elle. Elle ressasse les souvenirs en à peine deux secondes. Il s’en était passé des choses, on en avait fait des conneries l’un avec l’autre. Ces temps de manquaient réellement. « Rentre Ella, tu es chez toi. Tu le seras toujours. Tu m’as manqué ma puce. » lui dis-je tendrement et sincèrement.