Plus j’avalais les kilomètres me séparant de l’avenue Matignon, plus je maudissais la prison d’avoir été construite aussi loin de ce quartier de riche. Enfin tout bien réfléchi, ça me paraissait plutôt normal. On mélange pas les torchons et les serviettes. Les bourges d’un côté de la ville, les racailles de l’autre. BREF, j’avais les pieds en feu à force de marcher. Enfin marcher, c’était un bien petit mot vu la vitesse à laquelle j’progressais. Les gens s’écartaient sur mon passage. C’est vrai que j’devais faire foutrement peur. Mes yeux étaient bouffis par les larmes. Sur mon visage, c’était les chutes du niagara. J’étais rouge comme une pivoine à force de pleurer. J’pense que jamais je me remettrais de la mort de Sid. Ca faisait déjà trois jours qu’il avait quitté ce monde et j’arrivais pas à faire mon deuil. Me rendre chez JJ était certainement pas la meilleure solution. J’sais même pas pourquoi j’avais décidé de faire un détour pour aller lui rendre visite. Certainement parce que mon corps pourtant sevré réclamait plus que jamais sa dose de coke. Et parce que j’avais nulle part d’autre où aller, aussi. Parce que ouais, j’crois que je pourrais plus jamais remettre les pieds dans mon squat après y avoir découvert le cadavre de Sid. C’était au-dessus de mes forces. J’pouvais encaisser beaucoup de choses mais pas ça. J’espérais que JJ allait se montrer compatissant, pour une fois.

J’finis enfin par arriver à destination. Sans même prendre la peine de frapper, j’pénètre à l’intérieur de l’appartement, tremblante comme une feuille. L’endroit est désert. Il ne semble pas y avoir âme qui vive ici. Alors que je m’apprêtais à tourner les talons pour trouver un autre asile, j’tombe nez à nez avec un Jayden en serviette de bain. Gênée, je redresse la tête en faisant gaffe de pas laisser trainer mes yeux plus bas que son visage. J’voudrais pas qu’il aille s’imaginer que j’suis en admiration devant son corps de dieu ->. J’ouvre la bouche pour exprimer la raison de ma présence mais aucun son n’en sort. Tentative n°2.

« J’suis désolée d’être entrée comme ça. C’était juste pour te prévenir que la mort subite du nourrisson a emporté Sid y a trois jours de ça. Et pour te demander un service. » Je ferme les yeux pour ne pas me foutre à chialer. Déjà que j’ai du mal à me faire comprendre, faudrait pas que j’aie un hoquet de chagrin en plus de ça. « J’sais que c’est pas la maison du bon accueil mais … J’me demandais si tu pouvais pas rester chez toi le temps de trouver un autre logement. J’peux plus vivre dans le squat après ça, tu comprends … »

Ma voix est suppliante. Je m’autofais pitié à me comporter comme une victime de la vie. Si j’étais JJ, je m’enverrais chier.

La buée commence à emplir la pièce et fait grimper le taux d'humidité encore un peu plus haut. L'eau chaude coule lentement sur mes muscles qui à se détendre peu à peu. J'suis juste crever. Épuisé de cette chienne de vie. Si seulement on pouvait fonctionner avec elle comme un putain de lecteur dvd. J'aurais la télécommande, j'pourrais mettre sur pause, accélérer, effacer si l'envie m'en prenait. Tout l'monde sait que c'est pas aussi simple. On fait des erreurs, on doit les assumer. Quand on tombe sur une merde, on doit se relever et affronter. Ce qui ne te tue pas, te rends plus fort.Adage de merde que j'avais trop souvent expérimenté. Ouais ça te rends peut-être plus solide, mais à quel prix ?

Je sors sous la douche et enfile une serviette autour de ma taille sans prendre le temps de m'essuyer. Ce soir, j'prends le luxe de penser qu'à ma petite personne. Ella s'occupera de Jonah, et j'vais juste me glisser sous les couettes et pioncer jusqu'à midi demain. Je sursaute lorsque la porte d'entrée claque. L'information atteint directement mon cerveau. Il ne devrais y avoir PERSONNE ce soir. J'deviens totalement parano depuis que Jack a amené ces types chez moi, au point où j'me demande si j'ferais pas mieux de déménager. Trop d'emmerdes sur le cul pour prendre des risques. J'ouvre mon tiroir et y sort le flingue. J'le retrouve nez à nez devant Lecto et je le dévisage un instant en arquant un sourcil. " Ils sont plus haut mes yeux. Ma queue parle pas. Tu veux une preuve ? " Mon ton est froid mais une pointe de moquerie s'y installe. Bordel, c'est pas possible de rester une journée sans que rien ne me tombe sur la gueule. J'le vois à ses yeux. Un truc ne va pas. Jack lui aurait balancé qu'il était un taule à cause de moi ? Non.. Elle avait pas l'air de vouloir me tuer. Elle était plutôt....« J’suis désolée d’être entrée comme ça. C’était juste pour te prévenir que la mort subite du nourrisson a emporté Sid y a trois jours de ça. Et pour te demander un service. » Je relâche mon arme qui se fracasse sur le sol. Heureusement que j'ai pas ôter la sécurité. Bordel. J'comprends pas. J'veux pas comprendre. Les mots refusent de sortir, ils restent obstinément coincés dans ma gorge. Mon masque s'effrite, l'expression glaciale qu'il arbore généralement se transforme presque en un regard... Compatissant. J'étais père aussi. Je pouvais imaginer ce qu'on peut ressentir lorsqu'on perd son enfant. Je m'en relèverai pas. « J’sais que c’est pas la maison du bon accueil mais … J’me demandais si tu pouvais pas rester chez toi le temps de trouver un autre logement. J’peux plus vivre dans le squat après ça, tu comprends … » Ma main se glisse dans ses cheveux et je l'attire contre moi. Geste simplement amical. Mon autre main se glisse sur sa taille et je dépose un baiser sur son front. " Lecto... Tu peux rester. " Pas de, j'suis désolé. Toutes mes condoléances. J'ai toujours craché sur la pitié. Ces mots n'ont jamais réconforté personne. " Sache que, tu vas devoir remonter la pente. J'vais pas te laisser vivre éternellement ici. "Je lui souris avec tendresse. " Qu'on soit clair. J'le fais parce que de ma faute Jack en est incapable. N'y voit là aucun signe d'amitié quelconque. On sait tout les deux que c'est pas mon genre." Je la lâche enfin pour partir prendre un petit sachet de poudre dans ma poche. Je lui dépose dans la main. " Si ça peut te faire oublier rien qu'une nuit. Tu prendras la chambre d'à côté." Une autre question me brûle les lèvres. Je plonge mon regard dans le sien. " Il est au courant ? Il va bien ? " Comme un con, j'peux même pas m'empêcher d'être inquiet pour lui. J'suis bon à m'faire laver le cerveau.

J’hausse un sourcil lorsque JJ pointe un flingue en ma direction en guise de toute réponse. J’en connais un qui dort pas sur ses deux oreilles. Du revers de la main, j’dévie le canon de son arme.

« Evite de pointer ça en ma direction, t’es gentil. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, j’suis venue en paix. »

L’hospitalité de Jéricho m’étonnera toujours. Pour accueillir ses (non) invités comme il se devait, il était le roi. Bref, il ne tarde pas à lâcher son arme sous le choc. J’pense que lui tout comme moi ne s’attendait pas à ce que Sid nous quitte de si tôt. C’est vrai, il était plutôt en bonne santé … Enfin soit, faut que j’arrête de penser à ça. Ca sert à rien de retourner le couteau dans la plaie. Ca va pas le ressuciter et ça fait que me détruire de l’intérieur. Je me raidis lorsque JJ m’attire contre lui. C’est pas que j’ai pas l’habitude d’avoir un quelconque contact physique avec lui mais c’est tout comme. Ca me choque presque venant de sa part, en fait. Faut croire qu’il est plus compatissant qu’il en a l’air. J’suis pas à bout de mes surprises on dirait. Après Jack c’est au tour de Jéricho de me serrer contre lui. Sauf que contrairement à quand je me trouvais avec le squelette, j’avais pas envie de prolonger ce moment. Je dégage sa main de ma taille et je m’exclame :

« Tiens ta serviette à deux mains, j’tiens pas à voir des horreurs. »

Mes lèvres se déforment en un sourire. Sourire qui ressemble plus à une grimace qu’autre chose, ceci dit. J’sais pas dans ma tête, sourire = joie et en ce moment, j’ai tout sauf envie d’être heureuse. « Lecto... Tu peux rester. » Aussitôt j’sonde son regard, flairant l’arnaque à plein nez. J’y peux rien, je peux pas m’empêcher d’être parano avec lui. Tout le monde sait que c’est the master of the coups de pute. Soit, il a l’air sérieux. J’lui fais un signe de tête en guise de remerciement. Ca m’arracherait trop la gueule de le remercier à voix haute. J’voulais pas lui être redevable. « Sache que, tu vas devoir remonter la pente. J'vais pas te laisser vivre éternellement ici. » Je hoche la tête pour lui faire comprendre que le message est bien passé.

« T’inquiète pas pour ça, c’est qu’une histoire de quelques jours. J’compte pas te déranger longtemps. »

« Qu'on soit clair. J'le fais parce que de ma faute Jack en est incapable. N'y voit là aucun signe d'amitié quelconque. On sait tout les deux que c'est pas mon genre.» A l’ouïe de ces paroles, mes yeux roulent dans leurs orbites. C’est fou ce que ce mec et sa fierté à toute épreuve peuvent m’exaspérer.

« Au pire, t’as pas à te justifier hein. Tant que j’ai un toit ça m’va, osef de tes raisons de le faire. » Cependant, j’peux pas m’empêcher de l’interroger. Encore une fois, il a réussi à piquer ma curiosité. « De ta faute ? Tu m’expliques ou j’vais devoir retourner le voir en taule pour aller lui demander ? » J’le suis des yeux lorsqu’il s’éloigne. J’me sens revivre quand j’le vois revenir avec un sachet de cocaïne à la main. Je m’étais pourtant promis de plus toucher à cette merde. Mais ça, c’était avant la mort de Sid. J’le gratifie d’un baiser sur la joue et j’peux pas m’empêcher de faire un p’tit commentaire supplémentaire. « La générosité bat son plein ici il m’semble. »

J’me retiens de justesse de rajouter un p’tit « je perdrais bien un fils plus souvent » mais je me doute que cette petite touche d’humour noir pour détendre l’atmosphère aurait pas été la bienvenue. Bref, c’est le sachet de coke à la main que j’vais m’agenouiller devant la table basse du salon pour m’faire un rail. Inutile de préciser que je m’en donne à cœur joie, j’suppose. Tellement qu’au final, il y a plus de coke sur mon nez que dans mes narines. « Il est au courant ? Il va bien ? » J’pouffe alors de rire comme pour dire ‘t’es sérieux là ? ‘ avant de me retourner vers lui. La réponse me parait tellement évidente que j’comprends même pas pourquoi je gaspille ma salive pour éclairer sa lanterne.

« A ton avis ? Disons que c’est pas le genre de nouvelle qu’on prend avec le sourire quoi. Imagine ce que tu ressentirais si tu venais à perdre Jonah, bah lui, c’est ce qu’il traverse en ce moment. »

« Tiens ta serviette à deux mains, j’tiens pas à voir des horreurs. » Je rire franc s'échappe de mes lèvres à sa connerie. Sa repartie digne d'une gamine de cinq ans me tuera de rire un jour. Je lève les yeux au ciel et du tac-au-tac j'réponds avec un ton hautain. " Don't worry, j'suis assez membrer pour que ça tombe pas sans y mettre les mains. Mais tu dois le savoir vu que t'y a même goûté. " Double sens. Sourire en coin. Pervers et provoquant. Je lui rappel volontairement la nuit qu'on avait passé avec Jack, sous cette tente. Le pire, c'est que je me souviens de peu de chose. Digne de toi Jéricho. J'observe son sourire. Un sourire sans joie, fade. Non je connaissait pas Alecto plus que ça, j'en avais d'ailleurs pas l'intention. Mais j'avais passé assez de temps en sa compagnie pour me demander si son sourire joyeux qu'elle arborait autrefois allait définitivement disparaître. Insouciante, c'était qu'une gamine qui se fichait pas mal de ce qu'on pouvait penser autour d'elle. Les conséquences lui passaient toujours au dessus. Aujourd'hui, elle semblait avoir grandit en peu de temps. « T’inquiète pas pour ça, c’est qu’une histoire de quelques jours. J’compte pas te déranger longtemps. » ça va lui arracher la gueule de dire merci ? Ce que les gens pouvaient être des ingrats. Son signe de tête, j'lui aurait bien foutu dans son cul. Mon regard noir en dit d'ailleurs long sur ce que je pense. Pour une fois, j'peux être sympa et passer l'éponge, elle est pas d'humeur et ça va pas m'arracher la gueule non plus de passer outre ce détail futile.

J'allume un joint avant de laisser mon corps retomber sur le canapé. La soirée détente venait de tomber en l'eau en une fraction de seconde. Comme d'habitude, les emmerdes arrivent toujours quand on s'y attend le moins. Sinon, ça serait pas drôle n'est-ce pas ? « De ta faute ? Tu m’expliques ou j’vais devoir retourner le voir en taule pour aller lui demander ? » Je tressaillis. Ce qui signifie chez moi, un haussement de sourcil. Je m'étais trahi tout seul, comme un putain de débutant à la con. J'veux pas qu'elle aille en taule le voir. C'était hors de question, sûrement mon côté possessif et jaloux qui ressort. " Je l'ai balancé aux flics." Je tente le ton détaché, comme si j'en avais rien à foutre. Comme si je regrettais pas chaque seconde qu'il ne soit pas auprès de moi. Après tout, qu'elle me déteste allait pas changer grand chose, si ce n'est se rajouter à une longue liste. Je tire sur mon joint en la dévisageant lorsqu'elle sniff le rail en s'en foutant partout ce qui m'arrache une grimace. " T'as une idée de combien m'a coûté cette merde putain ? Sois au moins foutu de la prendre correctement." Mais j'crois que, si qui m'fou encore un peu plus hors de moi, c'est sa putain d'hilarité qui lui prend. J'dois me faire violence pour pas la plaquer contre le mur et l'étrangler pour ensuite admirer sa peau passer d'une belle teinte bleutée. « A ton avis ? Disons que c’est pas le genre de nouvelle qu’on prend avec le sourire quoi. Imagine ce que tu ressentirais si tu venais à perdre Jonah, bah lui, c’est ce qu’il traverse en ce moment. » J'inspire profondément et relâche mes poings qui s'étaient contactés malgré moi. En temps ordinaire, j'étais déjà nerveux, mais en ce moment j'étais encore plus susceptible que d'habitude. Si j'avais des boobs, j'aurais certainement eu mes règles en ce moment. " Doucement gamine, il me semble avoir dit que je te tolérais ici, dépasse pas les limites." Je lui jette un regard noir comme pour lui faire passer le message. " Ton ironie, tu la ravales et tu la digère en silence." Je me relève et écrase mon joint. J'avais besoin de quelque chose de plus fort. Comme une dose d'héroïne qui traîne dans ma chambre. A peine cette pensée m'avait effleuré l'esprit que me retrouvais déjà en train d'enfoncer le seringue dans ma veine sans m'en être rendu compte. On est un déchet jusqu'au bout ou on l'est pas. " Je sais très bien qu'il va mal. J'suis le dernier des connards, pas des crétins." Je lâche un sourire amer. " J'te demandais par là, comment il avait réagi. On le connait tout les deux. Il fait son dur mais c'est qu'un masque. " Je repose la seringue sur la table basse. " J'irais le voir par moi-même." Ouais, là encore, fallait que je ravale ma fierté sur-dimensionnée et trouver le courage de le regarder en face. C'était pas gagné.

« Don't worry, j'suis assez membré pour que ça tombe pas sans y mettre les mains. Mais tu dois le savoir vu que t'y a même goûté. » J’sais pas pourquoi, j’étais persuadée qu’il fallait faire allusion à cette nuit-là. Nuit dont je n’ai aucune souvenirs, par ailleurs. J’me souviens juste m’être réveillée dans ma tenue d’Eve entre les deux zigotos avec un mal de cul pas possible. J’crois que tout bien réfléchi, j’préfère pas savoir ce qu’il s’est passé dans cette tente. J’vis pas plus mal comme ça. A l’ouïe de sa réflexion, je me contente d’hausser les épaules.

« Faut croire que ça m’a pas marqué plus que ça. »

C’est toujours comme ça que ça se passe lorsque JJ et moi on se retrouve dans la même pièce. On s’balance des piques acides à la gueule et la victoire revient à celui qui sera le plus con. Mais même si j’fais genre qu’il m’insupporte, au fond, je l’aime bien, sinon j’serais pas là à lui demander le droit d’asile à l’heure qu’il est. J’faisais confiance à peu de monde. Aux mauvaises personnes, souvent. JJ en était la preuve vivante. Bref, j’le regarde s’affaler dans le fauteuil, bouffant son joint du regard avec envie. Maintenant que j’avais à nouveau goûté aux plaisirs de la drogue, j’risquais de lui faire vivre un calvaire rien que pour avoir ma dose. Ouais, quand on m’donnait la main, il me fallait le bras. « Je l'ai balancé aux flics. » A ces mots, j’me retourne brusquement vers lui. J’ai tellement du mal à y croire que j’pense d’abord avoir compris de travers. Mais vu l’expression qu’il arbore, j’me rends rapidement compte qu’il rigole pas. Une irrésistible envie de le baffer s’empare alors de moi. C’est pas nouveau, tout ce qui touche à Jack à tendance à me foutre hors de moi. Non sans peine, je parviens tout de même à réfréner mes instincts de sauvage. De un parce que c’est pas mes affaires, de deux parce que j’faisais pas le poids face à JJ et que s’il décidait de m’en foutre une en retour, ma tête pivoterait à 360° avant de retrouver sa position initiale.

« Pourquoi t’as fait ça ? » J’l’agresse presque en lui posant ma question. Je respire une grande bouffée d’air avant d’exposer mes hypothèses. « Laisse-moi deviner … Vengeance personnelle, c’est ça ? Encore un de ces petits jeux débiles entre vous ? Tu crois pas que ça va un peu loin tout ça, non ? »

Ouais, j’pouvais pas m’empêcher de lui faire la morale alors que j’savais même pas ce qu’il s’était passé, c’était plus fort que moi. « T'as une idée de combien m'a coûté cette merde putain ? Sois au moins foutu de la prendre correctement. » Il me faisait rire lui. Plus facile à dire qu’à faire. C’est que c’est pas aisé de sniffer un rail sans ‘paille’ convenable.

« Arrête de chicaner, de la merde comme ça, t’as qu’à claquer des doigts pour en avoir. C’pas comme si t’étais concerné par la crise économique. »

Uniquement dans le but de le narguer, je racle jusqu’au dernier grain de poudre avant de tout sniffer d’une traite. Irritable ? Moi ? Non. J’savais qu’il fallait que je me calme histoire de conserver la bonne entente qui régnait plus ou moins entre nous depuis un moment. J’étais consciente que jouer avec ses nerfs était la dernière chose à faire, mais que voulez-vous, j’kiffais prendre des risques. D’ailleurs, le premier avertissement ne tarde pas à fuser hors de sa bouche. « Doucement gamine, il me semble avoir dit que je te tolérais ici, dépasse pas les limites. » J’réprime un sourire. Je déteste être rappelée à l’ordre, mais y a un moment où il est préférable de l’écraser. « Ton ironie, tu la ravales et tu la digère en silence. » J’porte deux doigts à ma tempe droite et je les décolle de mon crâne comme font les soldats pour saluer leur supérieur. C’ma façon à moi de lui signifier que j’ai bien compris qu’il était pas d’humeur à tenir tête à une adolescente en deuil. Quand j’le vois se ramener avec une seringue à la main, j’peux pas m’empêcher de détailler le moindre de ses mouvements. Une fois que l’aiguille ressort du creux de son bras, j’pointe la seringue du doigt.

« J’peux en avoir aussi ? Au moins avec ça, aucun risque que j’en foute partout. » J’me sens obligée d’argumenter en ma faveur, histoire qu’il cède plus facilement. « T’as même pas besoin de changer d’aiguille, j’suis clean, aucune maladie, garantie sans vice caché ! » J’ai à peine sniffer un rail que je me fous déjà à raconter de la merde. Ca promet. « J’dis même le mot magique si ça peut aider : s’il te plait JJ. »

Je sais très bien qu'il va mal. J'suis le dernier des connards, pas des crétins." Changement de sujet. C’est déjà un peu plus sérieux. « J'te demandais par là, comment il avait réagi. On le connait tout les deux. Il fait son dur mais c'est qu'un masque. » J’acquiesce.

« C’est exactement comme tu l’as décrit. J’crois que ça le touche plus qu’il ne le laisse paraitre. Et j'pense pas que la prison soit l'endroit approprié pour faire son deuil, entre nous. »

« Faut croire que ça m’a pas marqué plus que ça. » Aussitôt je tourne mon regard vers elle. On pouvais y lire à la fois un peu de reproche et d'amusement. Si celui-ci pouvait parler, il dirait certainement : Normal, vu la dose que t'as consommée, mais j'peux toujours de rafraîchir la mémoire si c'est qu'ça. Mais j'me tais, parce que elle comme moi, nous savions que se retrouver dans le même pieu était juste impensable. Pour des tas de raison. C'était qu'une gamine prépubaire, qui me tapais sur les nerfs. Y'a ce putain de fossé entre nous. J'éprouve et j'éprouverai toujours cette jalousie envers elle pour avoir eu Jack avant moi. Sans parler des coups de pute que j'ai pu lui faire.

« Pourquoi t’as fait ça ? » Dans ses yeux, je peux y voir un flot de sentiments passer. De la haine à l'incompréhension. Comme si j'me sentais pas assez coupable sans qu'elle ajouter sa touche. Je hausse les épaules, un sourire de connard sur les lèvres pour dissimuler l’amertume que je ressens à ce moment là. Jamais, ô grand jamais, je vais craquer devant cette fille. Et si j'dois passer une nouvelle pour un connard, c'était pas vraiment un souci. " C'est pas ici que tu vas obtenir des réponses. C'est pas tes affaires. Tente avec le squelette, il sera peut-être plus bavard. Ce qui m'étonnerai cela dit." Aussi froid et tranchant qu'un iceberg. C'était inutile d'insister, elle obtiendrait pas de réponse avec moi. « Laisse-moi deviner … Vengeance personnelle, c’est ça ? Encore un de ces petits jeux débiles entre vous ? Tu crois pas que ça va un peu loin tout ça, non ? » J'éclate de rire. Touché. La réponse était aussi évidente que ça ? Je hausse les épaules avec dédain. Au fond, j'sais très bien que ça a été beaucoup de trop loin. Qu'elle avait raison et que un de nous deux devait mettre un terme à ses conneries. Plus facile à dire qu'à faire. C'était trop tard. J'avais trop joué avec le feu, Josh. Maddox. Les flics. J'lui avais juste prouvé que j'en avais rien à foutre de sa gueule. J'me suis menti à moi-même et j'en paye les conséquences.

« Arrête de chicaner, de la merde comme ça, t’as qu’à claquer des doigts pour en avoir. C’pas comme si t’étais concerné par la crise économique. » J'observe le poudre sur son nez d'un regard noir. Bah ouais, bien sûr, JJ chie pas du fric non plus. Un énième geste de provocation, elle fini la coke jusqu'au dernier grain de poudre. " J'ai pas un compte en banque illimité non plus. Et ton ex m'a piqué du fric. Donc, vas-y doucement où on va se retrouver en manque tous les deux. J'ose même pas imaginer le massacre. " J'esquisse d'un sourire carnassier pour faire passer le message. Si j'ai pas ma drogue de ta faute, j'te promets de te faire pire que la mort. J'éclate de rire une nouvelle fois lorsqu'elle fait le salut militaire. J'avais beau me dire que je détestais Alecto, elle était pourtant la seule à pouvoir me redonner le sourire quand je l'ai oublié. Mes muscles s'assouplissent. La drogue et son humour à la con m'avait détendu plus que je ne l'aurais pensé.

« J’peux en avoir aussi ? Au moins avec ça, aucun risque que j’en foute partout. » Et c'était reparti pour un tour. Je lève les yeux au ciel, faussement exaspéré par le junkie à mes côtés. " Coke et héroïne. J'tiens pas à ce que tu tombes raide d'une overdose chez moi. J'ai déjà assez d'emmerdes avec la justice comme ça." En compensation, j'lui file le joint que j'avais pas terminé. Si au moins ça pouvait tenir ses caprices quelques temps. « T’as même pas besoin de changer d’aiguille, j’suis clean, aucune maladie, garantie sans vice caché ! » C'est ça ouais. J'ai aucune envie de chopper un MST, j'tiens encore à pouvoir baiser sans capote si l'envie m'en prenait. " Crève, j'ai aucune confiance aux mecs qui sont passé dans ton cul. " Dixit le type qui s'était très certainement tapé les même connards qu'elle. « J’dis même le mot magique si ça peut aider : s’il te plait JJ. » Hahahahaha, voilà qu'elle se montre polie maintenant. Qu'est-ce qu'on ferait pas pour avoir une dose. J'pourrais vendre le sépulture de ma mère sans le moindre remord. D'un geste puéril, j'lève mon majeur en sa direction pour lui faire capter qu'elle obtiendra rien de plus même si elle me taillais une pipe.

« C’est exactement comme tu l’as décrit. J’crois que ça le touche plus qu’il ne le laisse paraitre. Et j'pense pas que la prison soit l'endroit approprié pour faire son deuil, entre nous. » Comme si j'étais assez con pour pas me rendre compte que la taule est pas le meilleur moyen pour faire son deuil. . J'peux ressentir d'ici sa haine envers moi. JJ le responsable du fait qu'il a pas pu assister à l'enterrement de son fils, est une étiquette qui me colle au front. J'encaisse sans broncher. Lasse, je m'allonge sur la canapé et pose ma tête sur les genoux de la blonde. " Putain, faut que tu penses à faire régime. T'en prends une foutue place. " Juste une manière d'esquiver le sujet. J'voulais juste savoir comment il allait, et pas discuter du sujet avec elle. Je ferme un long moment les yeux, silencieux. J'peux sentir l'héroïne prendre ses droits sur mon corps. J'me sens ailleurs avec elle. Dans un autre monde où j'ai pas à assumer chaque matin les conneries que j'ai pu faire. Où j'en ai rien à battre des responsabilités. Ouais, c'est comme un mirage de liberté qui t'enlaces doucement. Mais ça te bousilles aussi. " T'sais. Si t'as besoin de quoi que se soit... " Je marque une pause et lui souris légèrement. " J'suis là." Je sais déjà à quoi elle pense. J'anticipe et j'ajoute. " Je demande rien en échange. Dis toi juste que j'suis de bonne humeur. "

«Tente avec le squelette, il sera peut-être plus bavard. Ce qui m'étonnerai cela dit. » Il était sérieux là ? J’avais autre chose à foutre qu’aller emmerder Jack avec ça alors que je venais de lui annoncer la mort de son fils. Puis toute façon, c’était sans importance. J’supposais que si le squelette avait atterri en taule, c’est qu’il y avait une bonne raison. Les flics ont beau être con, ils le sont pas au point d’arrêter des innocents. Fin j’crois. Lorsque Jéricho éclate de rire, j’comprends que j’ai mis le doigt sur la raison du séjour de Jack en taule. Enfin soit, comme il l’a si bien dit, c’est pas mes oignons. J’suis juste contente qu’il a pris conscience d’avoir dépassé les limites, ça prouve qu’il est pas si irrécupérable qu’il en a l’air. «J'ai pas un compte en banque illimité non plus. Et ton ex m'a piqué du fric. » Je secoue la tête de gauche à droite. Pourquoi ça ne m’étonne pas venant de la part d’un klepto aguerri comme Jack ? Il aurait détroussé une mémé dans la rue quitte à se faire assommer à coups de sac à main si ça aurait pu lui permettre de pouvoir se payer sa dose.

« Si tu lui avais donné, il aurait pas eu à te le voler. C’est ta faute, cqfd. » Je l’écoute alors se plaindre en soupirant. Genre c’était UNE dose qui allait le foutre en faillite. Mais bien sûr. JJ avait légèrement tendance à l’exagération. J’le prends alors par l’épaule, l’air désolé pour ses problèmes financiers imaginaires. « Mais j’peux te rembourser s’il faut vraiment. J’ai quelques billets de monopoly qui doivent encore trainer quelque part chez moi. »

J’pouffe alors de rire comme une débile. Quand j’suis sous l’emprise de la drogue, j’ai sérieusement l’impression que mon quotient intellectuel se retrouve réduit de moitié, c’est déstabilisant. « Donc, vas-y doucement où on va se retrouver en manque tous les deux. J'ose même pas imaginer le massacre. » J’pose mon regard dans le sien. Une lueur de défi y brille. J’ai envie de vider ses stocks de drogue sous son nez juste pour aller à l’encontre de ce qu’il vient de me dire. J’suis suicidaire, je sais.

« Un massacre ? Tu m’dis quand j’dois rire hein. » Parce que ouais dans ma tête de tox’, j’restais persuadée que JJ m’ferait pas de mal même pour de la drogue. Aah, naïveté, quand tu nous tiens. « Puis viens pas me faire croire que tu te soucies de la justice maintenant. Dis tout de suite que t’es radin, ça ira plus vite. » J’ai à peine le temps de finir ma phrase que JJ me fourgue un pétard dans les mains. J’arbore un sourire angélique avant de rajouter. « Ouais non, j’retire ce que j’ai dit. »

« Crève, j'ai aucune confiance aux mecs qui sont passé dans ton cul. » Ca, c’est carrément me tendre une perche. Bon d’accord, je m’étais promise de plus jamais faire allusion à cette maudite nuit mais maintenant que l’occasion s’en présentait, j’pouvais pas résister à la tentation.

« Ah ouais ? T’as pas confiance en toi ? C’triste. On peut en parler si tu veux. » J’tire alors une grosse taffe sur mon joint avant de lui recracher toute la fumée à la gueule. J’suis d’humeur particulièrement chieuse aujourd’hui. Ca doit être les hormones relâchées par le choc post traumatique nerveux qui font ça, ou un truc du genre. Lorsque le brun pose sa tête sur mes genoux, j’peux pas m’empêcher de passer ma main dans ses cheveux. J’avais pris cette habitude quand je tenais Sid dans mes bras. Bref, c’était pas le moment de penser à ça. Quand il se met à parler régime, j’souris comme une débile. « J’veux pas risquer de perdre en os. Puis avoue que t’utilises mes cuisses dodues comme oreiller uniquement pour mieux pouvoir mater mes boobs. Y a pas de honte à ça. » OUAIS, j’suis plate comme une planche à repasser, et alors ? J’ai beaucoup de mal à garder mon sérieux. A vrai dire, ça fait plusieurs minutes que je me mords l’intérieur des joues pour pas éclater de rire et perdre toute ma crédibilité. Continuant alone dans mon délire, j’attrape alors le premier coussin qui me tombe sur la main et j’lui fous sur la gueule. Armure anti-voyeur. « Voilàààà, c’est beaucoup mieux comme ça. »

« T'sais. Si t'as besoin de quoi que ce soit … Je suis là. » J’sais pas pourquoi, venant de sa part, ça me fait plus d’effet que venant de quelqu’un d’autre. Soit c’est parce que j’ai pas l’habitude d’un tel traitement venant de lui, soit parce que j’suis défoncée jusqu’à la moelle et que mon ressenti est complétement détraqué.

« Tout ce dont j’ai besoin là, c’est de mon fils. T’as beau être super JJ, à moins de pouvoir réveiller les morts, tu peux rien faire pour m’aider. » J’vire le coussin et j’me penche par-dessus lui. « T’as déjà assez fait pour moi. Merci quand même. » Je m’affale un peu plus dans le canapé. « Puis t’façon le prochain dans ma liste des gens à aller faire chier, c’est Josh. Chacun son tour. »

« Si tu lui avais donné, il aurait pas eu à te le voler. C’est ta faute, cqfd. » Comme si j'allais entretenir aussi une poule de luxe comme lui. La drogue c'est un putain de gouffre financier. Qu'il bouger son cul de flemmard et trouver un boulot. Ou le garder déjà ça serait un bon point. J'vais pas me lever tout les matins, partir bosser pour qu'il claque ma thune dans ses merdes. " Pourquoi me prendre la tête à lui donner si il sait se servir. En revanche, essaye pas de le faire. Il me le rend en nature, je doute que tu le fasse." Un lueur espiègle traverse mon regard. Juste une énième provocation de plus qui n'a d'autre effet de jouer au plus con. « Mais j’peux te rembourser s’il faut vraiment. J’ai quelques billets de monopoly qui doivent encore trainer quelque part chez moi. » Mon rire se mélange au sien. La situation devient de plus en plus étrange. J'étais censé détester cette gamine et pourtant, j'avais envie de passer encore un peu plus de temps en sa présence. Le fait qu'on rit ensemble prouve qu'on pouvait bien s'entendre -dans la limite du raisonnable-. J'aurais jamais cru penser ça un jour. " Garde ta thune va, j'voudrais pas dépouiller une sdf, ma conscience aurait dû mal à l'accepter. " Un sourire moqueur prend place sur mes lèvres. On savait très bien que j'avais pas vraiment de conscience. Enfin si, maybe, mais j'allais pas le crier haut et fort. « Un massacre ? Tu m’dis quand j’dois rire hein. » J'lui aurais bien pris sa gorge entre mes doigts une nouvelle fois et la regarder chercher sa respiration en paniquant. Mais je m’abstiens en voyant ma main s'approcher de sa gorge. Un grognement frustré s'échappe de mes lèvres. J'allais la tuer avant qu'elle et abréger ses souffrances. Ou pas. Peut-être plus tard si j'continuais à voir cet air malicieux et provoquant dans son regard. Juste histoire de lui faire passer ses envies suicidaires. Bah ouais, j'prends soin d'elle. « Puis viens pas me faire croire que tu te soucies de la justice maintenant. Dis tout de suite que t’es radin, ça ira plus vite. » Ouais bon, elle marque un point. J'ai un côté radin et je l'assume totalement. " Comme tu dis, j'suis radin. Et la justice ça coûte cher pour les corrompent." Il me faut une autre dose. C'est jamais assez. Plus j'en ai. Plus mon corps en réclame. Cercle vicieux. Cette fois-ci, oubliant ce que j'venais de dire à Lecto, j'me fais un rail de coke et le sniff jusqu'au dernier grain de poudre magique. J'en refais un second. D'un geste du menton, je désigne la coke à Lecto. Aller, fais toi plaisir.

« Ah ouais ? T’as pas confiance en toi ? C’triste. On peut en parler si tu veux. » Je reste de marbre lorsqu'elle recrache sa fumée de ma gueule avant de lui jeter un regard qui tue. J'arque un sourcil lorsqu'elle passe sa main dans cheveux. C'est pas que j'étais surpris venant d'elle mais c'était tout comme. « J’veux pas risquer de perdre en os. Puis avoue que t’utilises mes cuisses dodues comme oreiller uniquement pour mieux pouvoir mater mes boobs. Y a pas de honte à ça. » Aussitôt je pose mes yeux sur ses "seins", et j'suis secoué d'un rire moqueur, au point de quasiment m'étouffer. J'réponds enfin une fois ma crise d'hilarité passée. " Tu t'sens pas un peu ridicule là ? T'as autant de seins que de matière grise. " Okay, c'était bas. Petit et mesquin. Digne de toi ça. J'me prends un coussin alors que j'recommence à éclater de rire, ce qui n'a pour effet que d'accentuer encore un peu mon fou rire. La drogue commence peu à peu son emprise. J'en zappe même ce qu'elle dit. « Puis t’façon le prochain dans ma liste des gens à aller faire chier, c’est Josh. Chacun son tour. » La réalité me frappe de plein fouet. Je me relève vivement et pose mon regard sur le sol. Pourquoi est-ce qu'il fallait qu'elle parle de lui. Dans la logique des choses j'devais fermer ma gueule. Ouais, elle m'aime pas et on peut se cacher devant des faux sourires, je sais très bien qu'elle va pas hésiter à me balancer. Tant pis, je l'aurais bien mérité de toute façon. " ça m'étonnerait ça. Comme tu dis, je réveille pas les morts." J'accompagne mes paroles dénué de sentiment par un haussement d'épaules.

J'le vois dans son regard. Elle comprends pas ce que j'dis. En même temps, j'la comprend. A la fois, elle me sur-estime et me sous-estime. J'vois bien qu'elle aime bien me chercher, me taquiner, tester mes limites. Elle croit peut-être que j'vais juste lui balancer des menaces en l'air et que j'lui ferais jamais de mal. " Ouais, c'est ce qu'il a cru aussi avant que j'le tue." Voilà que j'me fou à penser tout haut. Fuck.

« Pourquoi me prendre la tête à lui donner si il sait se servir. En revanche, essaye pas de le faire. Il me le rend en nature, je doute que tu le fasses.» J’arque un sourcil. Il serait étonné de voir tout ce que je pourrais faire juste pour pas passer pour une dégonflée. S’il a bien un truc que je détestais, c’était ça. J’étais plutôt du genre à accepter tous les défis qu’on me lançait, même les plus tordus. Sourire en coin.

« J’doute surtout que t’acceptes ce genre de payement venant de ma part. »

Parce que ouais, j’suis persuadée que JJ préférerait passer la fin de sa vie seul avec sa main droite plutôt que coucher avec moi. D’ailleurs, j’étais sûre à 200% qu’il allait me sortir que j’étais de l’argent sale, une connerie du genre. Digne de lui, quoi. « Garde ta thune va, j'voudrais pas dépouiller une sdf, ma conscience aurait dû mal à l'accepter. » J’peux pas m’empêcher de rire de plus belle lorsqu’il me balance ça. JJ, avoir une conscience ? C’est la blague la plus drôle que j’ai entendue de toute ma vie.

« Ta bonté te perdra :’). J'suis touchée, vraiment. »

Ironie, encore et toujours. Tout le monde sait que la bonté sera la dernière chose à mener Jéricho à sa perte. Bref, lorsque ce dernier me désigne le rail de cocaïne qu’il vient d’étaler sur la table du menton, j’me jette dessus comme un chien affamé qui a plus rien bouffé depuis des jours et des jours. C’était un peu ça, en fait. La toxico en manque qui sommeillait au fond de mon être venait de se réveiller. Et inutile de préciser que son appétit était insatiable, je suppose. « Tu t'sens pas un peu ridicule là ? T'as autant de seins que de matière grise. » Ok ok, s’il cherchait à me frustrer, c’était réussi. Susceptible que j’étais, je ne supportais pas qu’on dise du mal de mes boobs ee. Il pouvait s’attaquer à mon cerveau s’il voulait mais pas à mes boobs adorés. So, comme si ça allait y changer quelque chose, j’fais mine de bouder, tout ça en sachant pertinemment bien que je pouvais danser sur ma tête pour avoir des excuses. « ça m'étonnerait ça. Comme tu dis, je réveille pas les morts. » J’quitte instantanément ma bouderie. C’était quoi ce délire ? J’étais pas sûre de tout comprendre. Je l’interroge alors du regard. Ce n’est que lorsqu’il lâche les quelques mots suivants que ma lanterne s’éclaire. Ouais, c'est ce qu'il a cru aussi avant que j'le tue. Mon cœur loupe un battement. Le haut de mon corps vient se coller brutalement contre le dossier du canapé, tellement que j’en perds le souffle. J’espère de toute mon âme que j’ai rêvé ce qu’il de me dire. Que ce n’est qu’une putain d’hallucination, que j’suis juste en train de bad triper. Josh peut pas être mort. C’est impossible. J’y crois pas une seule seconde.

« Are you fucking kidding me ? »

J’vois bien que toute once d’hilarité a quitté son visage mais ça m’empêche pas de poser la question. En fait, j’lui donne même pas l’occasion de répondre que déjà, je lui retourne une claque digne de ce nom. Evidemment, j’profite de son état second pour me lever d’un bond et pas lui laisser le temps de riposter. J’suis peut-être inconsciente mais pas suicidaire. C’est le moment que choisit la migraine pour me vriller le crâne. Les larmes ne tardent pas à inonder mes joues. J’savais que j’aurais jamais dû venir. Les mauvaises nouvelles ne viennent jamais seules, j’aurais dû m’en douter. Complétement perdue et ne sachant pas quoi faire, je plonge mon visage entre mes mains et je pivote plusieurs fois sur moi-même. J’ai envie de débarrasser le plancher, de sprinter en direction de la sortie mais en même temps, y a de la coke ici. C’est tout ce qui me retient. J’finis par laisser mes bras retomber le long de mon corps. Ceux-ci pendent mollement dans le vide. J’ai plus aucune force. J’peux sentir mes poings se serrer et la rage s’insinuer dans la moindre parcelle de mon corps. Ah, douce cocaïne. Plutôt que de me foutre à frapper JJ et gagner un aller simple pour les urgences, j’me mets à cogner dans le mur comme une malade mentale. En même temps que mes poings s’abattent sur le béton, j’pousse des cris non identifiés. C’ma façon à moi d’extérioriser ma haine, ma douleur. J’suis en train de péter les plombs. J’ai l’impression d’étouffer, comme si le poids de la peine écrasait mes poumons. Alors que je laissais libre cours aux émotions qui me submergeaient par torrents, je stoppe brusquement toute activité. Je me rends alors compte que j’avais oublié la raison pour laquelle je m’étais foutue dans cet état. J’ai beau chercher, ça me revient pas. Mémoire à court terme, vous dites ? Non, juste mémoire réduite par la surconsommation de drogue dure. J’me retourne alors vers JJ, complétement à l’ouest. J’ai même oublié le fait que j’viens de le claquer et qu’il va certainement pas m’accueillir à bras ouverts. J’me traine jusqu’à lui, trébuchant plusieurs fois sur le trajet et j’me laisse tomber sur ses genoux comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. J’me remets alors à pleurer dans ses bras. Retour à la case départ. Si j'avais été dans mon état normal, la première chose que j'aurais fait aurait probablement été de me ruer sur le téléphone pour le donner aux flics. Quoique ça m'aurait sans doute paru anormal qu'il me lâche ça d'un coup en sachant pertinemment bien que j'allais le dénoncer. Peut-être qu'il voulait rejoindre Jack, qui sait ? En tout cas j'allais pas lui offrir ce plaisir. Pas maintenant.