Maman, j’ai peur.
On m’avait fait subir une batterie de tests au cours des trois derniers jours. J’avais huit ans à l’époque. Les murs couleur pastel me donnaient envie de vomir. Ou était-ce l’ideur des produits antisceptiques qui me donnait cette sensation désagréable que j’allais m’étendre sur le plancher, laisser ma trace. J’étais nerveuse, il faut le dire alors ça n’aidait pas non plus. Je le sentais que quelque chose clochait chez moi. J’ai senti les bras de ma mère entourer mon frêle corps puis elle me serra tout contre elle. Les larmes coulaient, silencieuses, sur mes joues. J’entendais maman qui me murmurait tout bas que tout irait bien, que je n’avais pas à m’inquiéter. Pourtant, je sanglotais toujours. Je continue de penser qu’elle avait dit ces mots non seulement pour me rassurer, mais aussi pour se rassurer. J’entendis alors cette voix grave prononcer mon nom.
Athena Chevalier.
Maman a défait son étreinte et nous nous sommes levées. Elle m’a prise la main et nous avons suivi le docteur. Je tremblais comme une feuille. J’aurais voulu pouvoir serrer la main de papa… j’aurais tout donné pour qu’il soit là, avec nous. Mais même s’il ne voulait pas le montrer, on savait maman et moi qu’il ne voulait pas que je sois malade, que ça l’affectait. Je n’ai pas réalisé jusqu’à quel point c’était grave… jusqu’à ce que le verdict tombe.
Madame Chevalier, j’ai le regret de vous annoncer que votre fille a la sclérose en plaque.
Je me sentais exclue de la conversation. Le médecin parlait avec ses termes médicaux qui prennent une minute à dire, qu’on ne comprend pas. Il expliqua à ma mère en quoi consistait, en bref, la maladie. En gros, c’est une maladie neurologique auto-immune, donc créée par une hyperactivité de mon système humanitaire, chronique, qui persiste donc dans le temps, qui touche mon système nerveux. Après une explication qui me sembla interminable, on me dit que je devrais subir divers traitements. Je reçois des traitements de corticostéroïdes, je dois subir des IRM afin de voir les lésions que cause ma maladie, enfin tout un tas de trucs chouettes qui m’obligent à me rendre à l’hôpital. Donc, pendant mon enfance, j’ai du menquer plusieurs jours d’école pour cause de traitement. Heureusement, les gens étaient tous compréhensifs. Sauf papa. Ili est parti lorsque maman lui a dit ce que j’avais et il n’est jamais revenu. Je ne l’ai qu’entendu hurler : « Je ne veux pas que ma fille devienne un monstre. » Je ne sais pas ou il est allé cherché ça, mais bon. C’est peut-être mieux ainsi. Je me suis rapprochée de ma mère qui est devenue ma meilleure amie. Je ne lui raconte pas tout, tout, tout ce qui se passe dans ma vie, mais elle en sait la majorité. Je suis chanceuse, je le sais, d’avoir une mère comme elle.
Je sais, vous ne comprenez toujours pas comment je suis arrivée à Paris. J’y viens. Donc, pendant huit ans, j’ai vécu en Alaska. Nous avons déménager à New-York afin que je puisse être traitée convenablement, selon ma mère, et que nous bénifissions d’une meilleure qualité de vie. Pas que les médecins en Alaska sont incompétents, mais ma mère croyait qu’il n’étaient pas assez bien équipés pour répondre à mes besoins. Alors j’avais un peu plus de huit ans lorsque j’ai déménager. Ma vie n’a pas toujours été facile, mais je ne me suis jamais laissé abattre par la maladie. Je me suis fait de nouveaux amis, je me suis reconstruit une vie presque normale, hormis la maladie. Rien de palpitant à vous raconter pour être franche. Les visites à l’hôpital augmentèrent, quelques traitements ne fonctionnant plus aussi bien qu’avant, on me donne des médicaments plus forts et voilà, la situation est redevenue stable. Pourtant, à mes seize ans, j’ai fait une déclaration à ma mère.
Je veux aller en France.
Ma mère resta surprise. Nous mangions et moi je lui lançait ça, simplement.
Je veux voir la ville ou papa est né. Je.. attend avant de dire quoi que ce soit. Je sais que tu lui en veux, je lui en veux aussi. Tu as perdu ton mari, je sais, mais j’ai perdu mon père lorsqu’il a quitté la maison, je sais ce que tu ressens. Tu sais, j’ai fait des recherches et tu pourrais ouvrir ta propre pâtisserie là-bas aussi. Et j’ai entendu dire qu’ils ont d’excellentes écoles à pris abordables. Et je t’aiderai à la pâtisserie comme je le fais déjà ici et rien ne changera, sauf qu’on sera à Paris.
J’ai bien vu qu’elle prit du temps pour considérer la question. Elle finit par accepter, mais qu’il faudrait l’accord des médecins. Alors nous nous sommes rendus à l’hôpital, avons parlé à mon neurologue et il nous a donné son feu vert. Il a même dit qu’il allait s’ennuyer de moi. Je l’ai serré dans mes bras avant de partir, une larme au coin de l’œil. Il avait été si gentil, si humain. Puis, avec maman, nous sommes rentrées à la maison et avons fait nos valises après avoir acheter nos billets d’avions. Elle a contactée une de ses amie Française qui a accepté de nous héberger le temps que l’on puisse au moins payer notre appartement. Une fois les pieds posés sur le sol français, c’est chez Luce que nous sommes allés. Maman a, dès le lendemain, fait les démarches pour trouver un local sympa ou ouvrir sa pâtisserie. Avec l’aide de Luce, elles ont déniché une petite maison à l’abandon. Il y aurait quelques travaux à faire, mais les coûts, avaient-elles estimées, seraient moindres que payer un local à chaque mois et tout. Donc, maman est allée faire un emprunt à la banque afin de couvrir les frais de base de la pâtisserie et du matériel. Elle décida que nous pourrions occuper les chambres au deuxième étage, donc pas besoin de louer un autre logement. Nous faisions donc d’une pierre deux coups. Et voillà, nous avons déménager dans cette jolie maison et l’avons redécorer à notre goût, pour que la pâtisserie devienne un endroit magique et nous y habitons. Quant à moi, je vais au lycée, j’aide toujours maman, comme je le lui avais promis et j’ai bien refait ma vie. Je visite toujours l’hôpital aussi fréquement qu’avant, mais ça, c’est que la routine. Je survis plus que je ne vis, mais j’ai confiance qu’un jour, on trouvera un remède à ma maladie et que j’en guérirai. Je l’espère.