i just have to stay and face my mistakes but if i get stronger and wiser, i'll get through this

Épave était un mot tout à fait inapproprié pour décrire l'état actuel d'Hannah. Elle avait déjà touché le fond mais là, c'était vraiment quelque chose. Roman trouvait ça pathétique. Elle avait sans doute raison. Léo s'était peut-être retiré, disait-elle, mais elle, Hannah, restait là, toujours dans la course. Selon son agent, il fallait qu'elle se bouge, qu'elle fasse quelque chose pour sortir la tête de l'eau avant qu'on ne la raye définitivement du paysage musical français et international. La première étape de ce plan apparemment bien ficelé était de donner cette série d'interviews que, manifestement, on lui demandait. Il fallait qu'elle s'explique, qu'elle dise pourquoi Léo s'en était allé, pourquoi leur collaboration avait touché à sa fin et ce qu'elle comptait faire, à l'avenir. Mh. C'était particulièrement ambitieux, ça. Elle ignorait quoi dire et, surtout, elle ignorait quoi faire. Le groupe était à peu près toute son existence, la musique toute sa vie. Elle ne savait rien faire d'autre. Et donner ces interviews, maintenant, avec la gueule qu'elle tirait à longueurs de journées, vraiment ? Elle se demandait encore, lorsqu'on frappa à la porte de l'appartement qu'elle partageait autrefois avec son frère, pourquoi elle avait accepté. Surtout pour ce magazine. Ce serait bien sa veine si Jeanne, la Jeanne, sa Jeanne travaillait toujours là-bas.

Et bien entendu, comme le destin avait l'air d'apprécier de la mettre dans la merde, c'est bien la grande brune qu'elle trouva sur son perron lorsqu'elle ouvrit la porte. Avec un soupir, Hannah ramena les pans de son long gilet gris sur elle et croisa les bras. « Il fallait vraiment que ce soit toi qui vienne ? marmotta-t-elle avec mauvaise humeur. vas-y entre.. et ferme derrière toi » ajouta-t-elle en tournant le dos à la journaliste pour rallier le salon. Cette interview s'annonçait longue et difficile. Très difficile. Elle avait l'impression de n'avoir pas vu Jeanne depuis une éternité. A la réflexion, ouais, ça faisait un bail. Et elle n'était pas vraiment en position de force là. Bien au contraire. Résignée, elle se laissait tomber sur le vieux fauteuil qui trônait entre les deux sofas de cuir de la pièce, et attendit que sa vieille connaissance la rejoigne.

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Dingue comme l'avoir en face d'elle semblait naturel. Comme ça faisait longtemps et, merde, comme ça lui avait manqué. Hannah se serait bien gardée de le faire remarquer cependant ; Jeanne avait l'air tendue. Elle avait toujours plus ou moins eu le sarcasme facile ou, en tout cas, c'était ce que la petite brune avait cru remarquer au cours de leur, mh, relation passée. Faire ça pro. Tu parles. Hannah ne put s'empêcher d'esquisser un sourire mauvais. « Tu ne vas pas donc pas me sauter ensuite ? » fit-elle, ouvrant de grands yeux étonnés. Puis elle lâcha un petit soupir faussement déçu. « Quel dommage, Jeanne, ça fait tellement longtemps.. et puisque tu es là, autant que tu me réconfortes un peu avant d'aller écrire des saloperies dans ton torchon » Ça, ça n'était pas nécessaire. Jeanne était là pour son boulot, nul besoin de l'insulter. Elle n'avait probablement pas plus envie qu'Hannah de se trouver dans cette pièce, elle n'avait probablement rien demander à personne et avait suivit les ordres. Hannah aurait pu l'imiter, la jouer pro comme elle le disait. Remuer le passé était inutile, elle avait assez de problèmes comme ça. Seulement.. seulement, ouais, lorsqu'il y avait une connerie à faire, Hannah Woods courrait la faire les yeux fermés.

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D'accord, faire ce genre de remarques n'était pas utile. Ni nécessaire. Mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle se sentait idiote, face à Jeanne et balancer ce genre de phrases était un excellent moyen, selon elle, de se protéger, de ne pas passer pour la pauvre fille de service qui n'avait pas assumé et s'était tirée. Ça avait été plus facile, plus simple à l'époque. Les choses avaient.. les choses avaient changé. Soupirant, agacée, elle se leva. « Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-elle en ralliant la cuisine. Dulcibella avait fait coulé du café, un peu plus tôt. Il devait en rester. Elle revint finalement, une tasse dans chaque main. Le moment était peut-être venu de grandir un peu, de mettre les choses à plat, même si elle détestait franchement l'idée de devoir présenter des excuses. « Écoute Jeanne, d'accord, j'ai merdé. Et j'en suis désolée. Seulement, tu es.. tu étais.. wow, tu fais peur aux gens tu sais. Enfin, à moi. Tu m'as fait peur » Sans grande élégance, elle se laissa tomber sur le canapé après avoir déposé les deux tasses sur la table basse. « J'aurai aimé que ça se passe autrement mais.. ça s'est passé. C'est tout. On ne va pas revenir dessus. Donc vas-y, pose-les tes questions, qu'on puisse en finir, je suis fatiguée » conclut-elle, avec la mine d'une gamine boudeuse. Parce que c'était ce qu'elle était, face à Jeanne. Rien qu'une môme, une gamine. C'était l'impression qu'elle avait, en tout cas.

nota bene désolée pour le retard, beaucoup de boulot cette semaine ♡

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Muette, interdite, elle écoutait Jeanne lui balancer ses erreurs et ses impairs en plein visage sans même réagir. Elle s'était repliée sur elle-même, rabattant les genoux contre sa poitrine, tasse de café en main. Ses doigts tremblaient légèrement mais elle s'efforçait de le maîtriser. Ce n'était pas le moment de flancher. Admettre qu'elle avait eu tort, qu'elle avait été égoïste et, appelons un chat un chat, une véritable petite garce n'était pas chose facile. Elle n'admettait jamais ses torts, jamais. Quel besoin de le faire ? Regarder en arrière était pour les faibles filles et Hannah voulait être quelqu'un de fort, d'indépendant, quelqu'un qu'on regarderait en étant impressionné et intimidé. Mais à trop vouloir être grande, on finit par se perdre. Et c'était ça. Elle avait perdu pied avec la réalité, elle s'était oubliée dans sa carrière, dans les paillettes et les albums, dans les hurlements des fans et l'adrénaline de la scène. Elle s'était enfermée dans cette bulle-là, était devenue esclave des attentes de son public, avait refusé de changer, d'être celle qu'elle voulait vraiment être. Et lorsqu'enfin, elle avait voulu essayer de mûrir, de grandir, ses vieux démons l'avaient rattrapée. Logan le lui avait douloureusement rappelé, le gentil bonhomme . Par réflexe, elle se pinça l'arrête du nez et, sursautant, elle grimaça. C'était encore un peu douloureux. A peine but still.

Un profond soupir lui échappa. Elle frissonna. Les larmes n'étaient pas loin. Great. La dernière chose qu'il lui fallait, c'était chialer devant Jeanne. « Tu as raison, murmura-t-elle, s-sur certains points, précisa-t-elle après avoir déposé sa tasse sur la table basse, coudes sur les genoux, menton dans les paumes de main, priant mentalement pour ne pas laisser ces fichus pleurs la submerger, j'ai.. j'ai vécu dans un univers qui n'était pas réel, j'ai.. je croyais que c'était réel, que c'était ça, ma vie, que je devais m'y conformer, que je devais être ce que les gens, ce que mon agent, mes producteurs, mes fans, même mon frère, attendaient de moi. C'était plus simple que de.. d'être moi, vraiment moi, que d'assumer mes défauts. J'ai toujours eu peur que les gens ne m'apprécient pas si ils me connaissaient vraiment. Sortie de scène, je ne suis pas.. je n'ai rien de.. je ne suis rien sans ma musique, sans mon groupe, sans mes fans. Quand les projecteurs ne sont pas braqués sur moi, je panique. JE N'AI RIEN D'EXCEPTIONNEL JEANNE ! » Hannah avait hurlé sans vraiment le vouloir. Des larmes coulaient déjà sur ses joues et tout ça, c'était la faute de Jeanne. Quel besoin avait-elle eu de venir, hein ? La jeune femme se leva, tournant ostensiblement le dos à la journaliste. Il ne fallait pas qu'elle la voie pleurer. « Et t-t-toi, t-tu étais là et tu.. tu étais tellement à l'aise avec toi-même, comme si tout était simple, reprit-elle avec hargne, comme si tu n'avais rien besoin de faire pour que les gens te remarquent, qu'ils t'aiment. Je.. je.. merde » cracha-t-elle avant de faire volte face. Franchissant l'espace qui les séparait, elle vint se planter juste en face de Jeanne. « Et tu veux savoir le fin mot de l'histoire ? Là, maintenant, tout de suite, je te déteste vraiment profondément. Et je t'emmerde » Sur ce, elle se pencha et écrasa les lèvres de Jeanne des siennes.