C’était pas prévu. Non, ça ne l’était vraiment pas. Un gosse c’est bien, deux ça fait famille parfaite et trois, c’est la grosse cata. Et la catastrophe dans la famille Zimmermman, portait le joli nom de Robin. Et cette catastrophe arriva un jour de mars. La veille du premier avril. Oui, le trente mars. A un jour près, l’on aurait pu croire à une plaisanterie de la part de ma famille. Mais non … Non, dans le sens où mes parents étaient loin d’avoir un quelconque humour. Et encore moins pour raconter une telle plaisanterie. Parce que vous pouvez me croire, ils n’ont vraiment pas rit le jour de l’accouchement. Premièrement, parce qu’un accouchement n’est jamais drôle. Mais ensuite, parce qu’un enfant non désiré, c’est encore pire, à n’en pas douter. Bref. Ma mère ne voulait tellement pas d’un troisième enfant, qu’elle a réussit à faire un déni de grossesse. Ce n’est qu’au septième mois, qu’elle a réalisé que quelque chose clochait vraiment. Petite prise de poids malgré son heure de sport quotidienne, faims et envies incontrôlables et d’autres choses du même genre, qu’elle n’avait pas en temps normal. Inquiète, elle a de suite prit rendez-vous chez le gynécologue. Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle a apprit qu’elle était enceinte de sept mois. Une fois le choc passé, il a fallut prendre une décision. Il était bien trop tard pour avorter. Quant à un éventuel abandon, c’était tout bonnement impossible dans une famille telle que la leur. D’un côté, une fille de bonne famille, anglaise, dont les parents possédaient une multinationale qui brassait des milliards. Et de l’autre, un homme qui, pour pouvoir épouser celle qu’il aimait et être accepté de sa belle famille, avait su faire prospérer son petit domaine d’immobilier, qui devint vite, une chaine complète. Au départ, propriétaire d’une petite agence d’immobilier il était tombé amoureux de ma mère, alors qu’elle était de passage dans la capitale française et sur le point de s’offrir le luxe d’un appartement dans la ville lumière. Grande amatrice de mode française, elle était d’abord passée par là pour assister à la fashion week et avait eut un coup de foudre pour la ville. Agés tous les deux d’une vingtaine d’années, le coup de foudre avait été immédiat, lorsqu’elle était entrée dans l’agence qu’il avait hérité de son père. Une brève aventure entre eux, succéda à cette rencontre marquante. Et au départ de celle qui devint par la suite ma mère, elle lui apprit sans détour, que rien ne serait possible entre eux, tant qu’il n’aurait pas la fortune adéquate. Il lui fit donc la promesse de faire grandir la, déjà bien jolie, somme d’argent présente sur son compte. Chose promise, chose faite. Un an plus tard, sa fortune avait doublée, grâce à l’acquisition de plusieurs maisons de vacances dans le sud de la France, qu’il décida de louer à des touristes de passage. Il se spécialisa donc en grande partie, dans le secteur vacancier, en songeant qu’il pourrait gagner davantage. Une année, encore, plus tard, il installait une telle agence, en plein cœur de Londres, pour pouvoir se rapprocher de sa belle. Il fallut deux autres années, avant qu’il ne se fasse vraiment un nom et commence à être connu et reconnu. A la première rencontre avec sa belle famille, il fut autorisé à fréquenter sa bien aimée. Mais pas à l’épouser. Non, surtout pas, il n’était pas encore assez riche au goût de son beau père. Mais deux années plus tard, ils ne laissèrent guère le choix audit père, quant à un mariage entre eux. En effet, une fois ma mère enceinte, le mariage était presque une obligation. Ce fut donc ainsi que démarra le mariage de mes parents. Pour épater son nouveau beau-père, mon père fit tout ce qui était en son pouvoir, pour faire agrandir sa fortune, tout au long des années qui suivirent. Bref, tout semblait être pour le mieux, dans le meilleur des mondes.
Malgré le fait que ma mère était déjà bien matérialiste avant son mariage, elle parvint à aller au-delà par la suite. En effet, elle devint une femme totalement superficielle qui entreprit de passer sur le billard, à seulement trente ans. Femme au foyer, sa vie était celle qu’elle avait toujours rêvée d’avoir. Lorsqu’elle eut un garçon, trois ans après la naissance de sa fille, elle se sentie totalement comblée. Non pas parce qu’elle avait des enfants qu’elle aimait par-dessus tout. Mais uniquement parce que c’était là une famille d’apparence parfaite et tellement in. Des parents, un garçon, une fille et de l’argent à ne plus savoir quoi en faire. Bref, tout semblait être pour le mieux. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était ma naissance. Et le jour même où elle apprit qu’elle était enceinte pour la troisième fois, elle me détesta comme jamais elle n’avait détesté qui que ce soit. Chose parfaitement logique dans le fond. Non, sincèrement. Vous ne pensez donc pas aux heures qu’elle allait encore devoir passer dans un bloc, pour se faire liposucer puis tirer la peau ? Pauvre d’elle. Encore aujourd’hui, je serais bien incapable de vous dire si je préférais la période de ma vie, durant laquelle ma mère faisait comme si je n’existais absolument pas, ou celle où elle faisait tout pour me faire bien sentir, qu’elle me détestait. Durant les cinq premières années de ma vie, lorsque j’ouvrais la bouche en présence de ma mère, je me trouvais confrontée à un mur. Le roi du silence vous connaissez ? Eh bien croyez moi, vous ne trouverez jamais quelqu’un d’aussi douée que pouvait l’être ma mère, à cette époque là. J’ai bien vite appris à rester muet, lorsqu’elle était dans les parages, d’ailleurs. Dès lors qu’elle entrait dans la pièce dans laquelle je me trouvais, je devais juste me taire et me faire petit, puis attendre qu’elle soit partie pour vivre à nouveau. Non décidément, ce n’était pas une vie. Et c’était pourtant la mienne, celle que je devais supporter. Je ne pouvais pas dire que j’avais un père bien plus présent, non plus. Mais dans son cas, je pouvais le comprendre. Il travaillait tant, qu’il rentrait lorsque ses enfants étaient couchés et partait avant leur réveil. Au final, j’ai été davantage élevé par ma nourrice, que par mes parents. Concernant mon frère et ma sœur, ils avaient l’avantage d’être aimés de notre mère. Autant dire qu’elle les couvait, les choyait et les câlinait à volonté. Quand elle n’était pas trop occupée à se maquiller, faire retoucher le portrait et autres subtilités. Bref, vie de femme riche et à qui il ne manquait strictement rien. Elle était constamment couverte de cadeaux en tous genres, de la part de son mari et avait tout ce que pouvait attendre une femme quelle qu’elle soit. Bref, que demander de plus ? Rien, bien entendu. Ainsi allait la vie dans notre immense manoir de style victorien, dans la banlieue londonienne. Mon père avait beau être un français de pure souche, il avait renoncé à sa vie française, pour se concentrer dans un premier temps, sur la capitale anglaise. Ce qui lui apportait un certain succès d’ailleurs. Concernant notre famille, même si la différence se creusait entre mon frère et ma sœur d’un côté et moi de l’autre, par rapport à notre mère, il n’en demeurait pas moins que nous étions très proches. Autant que pouvaient l’être des frères et sœurs. Ou peut être un peu plus dans le fond. J’étais le petit dernier et il y avait tout de même une bonne différence d’âge entre mes ainés et moi. Par conséquent, j’étais un peu leur petit protégé.
Cela se prouva davantage encore, lorsque j’entrai à l’école. Après moultes disputes entre mes parents, mon père avait fini par l’emporter sur ma mère, et permettre mon entrée dans une école privée. Selon lui, il n’était pas juste que je n’ai pas droit à cela, alors que c’était pourtant le cas de mes ainés. De son côté, ma mère trouvait cela d’une logique imparable, puisque selon elle, je ne valais pas le coup. Elle était persuadée que j’étais plus idiot que la normal et totalement inutile. Le tout, en ne me connaissant pas le moins du monde, pourtant. Au final, même si mon père remporta la victoire, ce ne fut pas en ayant tout gagné non plus. Ma mère refusait catégoriquement, que j’entre dans la même école que mes ainés. J’ignorais pourquoi, et mon père aussi, et pourtant c’était ainsi. Dans le fond, je ne doute pas que ma mère aimerait que je sois moins proche de mon frère et de ma sœur. Elle préférerait ne pas être la seule à me haïr à ce point et à me mener la vie dure. Malheureusement pour elle, c’est ainsi et personne ne semblait vouloir prendre la même voie qu’elle. Je ne doutais pas qu’elle le vivait mal. Et je ne doutais pas non plus que plus d’une personne était aussi au courant de ce fait. Mais c’était ainsi et j’osais espérer que ça demeurerait de la sorte. Bref, ce fut donc la raison pour laquelle j’entrai dans une école privée mais pas celle de mon frère et de ma sœur. Et le fait d’être ainsi séparé d’eux, suffit à développer fortement, leurs instincts protecteurs. Bien que ma mère ait demandé à notre chauffeur personnel, de ne récupérer que mon frère et ma sœur à l’école, ceux-ci étaient parvenus à en discuter avec notre père, pour qu’il se charge de demander au chauffeur, de me récupérer moi aussi. Au final, bien des choses se passaient dans le dos de ma mère. Tout le monde était bien conscient du fait qu’elle ne m’aimait vraiment pas comme elle l’aurait du. Malheureusement, personne ne pouvait vraiment faire quoi que ce soit, pour changer cela. Certes, mon père rendait ma vie bien plus supportable. Mais ce n’était pas encore ça toutefois. Il en aurait fallut tellement plus, pour la rendre réellement très correct. Toutefois, cela me permis de devenir autre chose qu’un gamin pourri gâté et capricieux, comme pouvaient l’être tous les gosses de riches. Tout au contraire, je devenais quelqu’un de discret, sérieux et presque timide et renfermé. Je ne l’étais pas à ce point, mais presque tout de même. Ainsi, j’évoluais dans une atmosphère assez tendue mais qui restait tout de même tout à fait supportable. Et ce, jusqu’à mon entrée au collège, où ma mère décida que le mieux pour moi, serait d’entrer dans un pensionnat a trois cent kilomètres de chez nous. Cette fois ci, rien ni personne ne put la faire changer d’avis. Ni mon père qui perdait peu à peu tout ses droits de père face à son épouse trop autoritaire. Ni même mon frère et ma sœur, que ma mère n’écoutait plus du tout, lorsque ça me concernait. Dans le fond, ce que j’ignorais même à cette époque là, où je pris cela comme une punition, c’était que finalement ça n’en serait pas tant une que cela. Etre loin de celle qui m’avait mit au monde, ne pourrait que m’être bénéfique. Je n’aurais plus à subir ses silences éloquents et ses quelques gifles injustifiées. Parce que oui, dès lors que j’osais parler en sa présence où être non loin d’elle lorsqu’elle était énervée, je méritais une claque. Selon elle bien entendu. Elle était bien la seule à penser que ces quelques gifles étaient justifiées. Mais personne ne cherchait véritablement à la faire cesser. Dans le fond, que peut-on faire contre une mère qui met des gifles à son enfant ? Tant qu’il ne s’agit pas de francs coups, rien. Malheureusement pour moi et tant mieux pour elle. Bref, de toute façon, elle n’avait pas besoin de cela pour me punir. Le simple fait de pouvoir constater par moi-même, la différence qu’il y avait entre mes ainés et moi, suffisait à me punir. Deux chambres remplies en jouets divers et consoles de jeux, d’un côté. Et de l’autre, une chambre avec juste ce qu’il fallait de meubles, et des livres. C’était à peu près tout ce à quoi j’avais droit.
Ce fut donc à l’âge de onze ans, que je quittai plus ou moins, le domicile familial. Un internat loin du manoir, m’obligeais à ne rentrer qu’une fois par mois, puis de moins en moins. Plus le temps passait et moins je rentrais chez nous. Soit c’était ma mère qui en décidait ainsi, soit c’était moi, tout simplement. Parce que je commençais à préférer l’ambiance qu’il y avait à l’internat, que celle qu’il y avait chez nous. Sans être le gars le plus populaire et le plus sociable qui soit, j’étais tout de même parvenu à me créer une bonne bande d’amis, avec lesquels je passais pas mal de temps. Autant dans les couloirs de l’école, qu’en dehors lorsque nous sortions le week-end. En gros, j’aimais tout de même sacrément, ma nouvelle vie. Plus que l’ancienne en tout cas. Comment aurait-il pu en aller autrement, de toute façon ? Ainsi, dans ma nouvelle vie, en plus d’être un élève studieux et exemplaire qui devint bien vite quadrilingue, j’appris à jouer de la guitare et du piano, grâce à mes nouveaux amis, qui savaient en jouer à la perfection. J’ai aussi eus ma première petite amie dont j’ai à présent oublié le prénom. Brève et première relation qui ne dura que quelques petites semaines et qui se termina comme elle avait commencé. Sans encombres. Bref, ma vie s’avéra tout à fait facile et tranquille, loin de ma famille qui avait tendance, soit à trop m’étouffer comme le faisait mes ainés, soit à trop m’éloigner, comme le faisait ma mère. Ma vie fut aussi simple et dénuée du moindre réel problème, de mes onze ans à ma majorité. A l’âge de dix huit ans, après avoir aussi passé mes années de lycée dans cet internat, je le quittai avec le bac en poche, mention très bien. Et après cela, comme bien des futurs étudiants anglo-saxons, j’entrepris de partir pour un tour du monde. Un voyage qui dura onze longs mois et qui me permis de découvrir bien des choses, bien des univers, bien des cultures et bien des gens. J’aurais bien des anecdotes a raconter sur ce voyage d’ailleurs. Chose que je fis dès mon retour, lorsque je retrouvai mon frère et ma sœur, qui semblaient ravis et tout ouïe, de tout savoir au plus vite. Je ne me privai donc pas pour tout leur raconter, dans les moindres détails et sans me priver. Ils semblaient vivre cela, par mes dires et ce que j’en racontais. En ce qui concerne ma mère, je ne pris pas la peine de lui raconter tout ça. Il était évident qu’elle ne prêterait jamais attention à moi. Pas plus que tout ce qu’elle avait pu m’accorder dans le passé. Pourquoi est-ce que ça changerait d’ailleurs ? Je ne voyais pas de raison pour que cela change. Elle semblait plus dépitée qu’autre chose, de voir que mon père et mes ainés, étaient si ravis de me voir revenir après tout ce temps. Et je ne pris pas la peine de lui prêter attention non plus. Moi-même, j’étais mieux sans elle. Quoi qu’il en soit, je terminai mon année parmi eux puis fis mon entrer à la fac, pour démarrer des études de droit que je comptais terminer par d’autres, plus spécialisées dans l’immobilier. Je comptais, bien évidemment, aider mon père dans son entreprise qu’il avait su faire grandir au fil du temps. Même s’il était évident que ce n’était pas moi qui la reprendrait par la suite. C’était évident, si l’on considérait que j’avais un frère ainé pour faire cela et que cedit frère, était le petit préféré de notre mère. Mère qui possédait désormais la moitié de l’entreprise familiale et qui comptait bien tout faire pour me mettre des bâtons dans les roues. Fort heureusement, je n’avais pas pour ambition de diriger tout ce beau monde. Mon frère semblait bien plus ambitieux de ce point de vu là et c’était tant mieux, puisqu’il était celui qui la reprendrait.
Je suivis donc des études que je pris très à cœur et qui me permirent de me préparer une place importante dès le départ, au sein de l’entreprise familiale. Mon frère n’avait en aucun cas suivit des études comme moi j’avais pu le faire mais aurait quand même cette entreprise. Je ne doutais pas qu’il n’avait pas prit cette peine là, justement parce que tout lui était acquit par avance. Alors que j’étais bien conscient du fait que, pour ma part, j’avais plutôt intérêt à faire mes preuves, si je voulais bosser là dedans. Sans quoi, je n’aurais plus qu’à me trouver un boulot dans mon coin. Ce qui ne serait pas non plus une chose bien difficile, au vu de mes diplômes. Quoi qu’il en soit, durant tout le temps que durèrent mes études, je ne pris pas vraiment le temps de m’inquiéter de tout ça. Je comptais attendre d’avoir terminé tout ça, pour vraiment prendre le temps de m’en soucier. Ainsi, je sortis de la fac avec diplôme sur diplôme et partis en quête d’un emploi censé me revenir de droit. Mais je me heurtai à un mur lorsque me rendis dans les locaux où se trouvait le siège social de l’entreprise. Si mon père fut heureux de me voir venir quémander un emploi alors que je n’avais que très peu montré d’intérêt pour l’entreprise, depuis toujours, il en alla tout autrement pour ma mère. A l’instant même où elle me vit débarquer, fraichement diplômé et près à travailler, elle se ferma et eut le temps de souffler quelques mots à l’adresse de mon père, avant que je n’entre dans le bureau qu’ils partageaient. Pas de place pour moi, trop de licenciements économiques à cette période là justement. C’était étrange d’apprendre cela, alors que mon frère m’avait affirmé tout le contraire, quelques jours plus tôt. Il avait démarré au sein de l’entreprise, quelques années plus tôt et apprenait tout, en allant. Bref, lorsque nous nous étions retrouvés pour une soirée, pour fêter la fin de mes études, il m’avait affirmé qu’ils recherchaient justement du personnel qui était disposé à se déplacer dans toute l’Europe, dans le cadre de son emploi. J’étais parfaitement apte à assumer un tel poste. Ma langue maternelle était l’anglais, je parlais le français avec à peine un accent et je m’étais penché sur le japonais et le chinois. Je parlais ces deux langues, sans pour autant être capable de les écrire. Mais c’était bien suffisant pour procéder à divers négociations. Quoi qu’il en soit, on ne voulait pas de moi dans l’entreprise familiale. Fort heureusement, j’étais plein de ressources et je ne comptais en rien, me laisser abattre. J’avais plutôt tendance à être un battant, plutôt qu’à me laisser couler et sombrer au fond du trou. Ainsi, plutôt que de laisser les choses en l’état, je quittai l’Angleterre. Non seulement j’avais l’envie et le besoin de m’éloigner de ma famille. Mais aussi et surtout, j’avais besoin de renouveau, de voir autre chose et je n’étais pas du genre à pouvoir rester sur place trop longtemps. Mon tour du monde le prouvait d’ailleurs bien. Ainsi, je partis donc pour New-York où je désirais m’établir quelques temps pour débuter ma carrière. En raison de mes nombreux diplômes et des langues que je parlais, je trouvai rapidement une place en tant qu’expert immobilier qui me permettait un salaire tout à fait confortable et d’exercer un métier qui me plaisait réellement. Evaluer des biens immobiliers et en faire un compte rendu. C’était quelque chose qui me passionnait réellement et j’étais presque heureux que ma mère ait tout fait pour m’empêcher d’entrer dans l’entreprise familiale.
Pendant les années suivantes, je ne fis que gravir les échelons. Jusqu’à l’année à laquelle je rachetai des parts de l’entreprise dans laquelle je travaillais, pour lui éviter la faillite et lui faire remonter la pente. Au final, nous parvînmes à notre but et la fîmes prospérer encore et encore, jusqu’à l’internationaliser et la faire s’installer dans divers pays américains et européens. Je n’avais alors que vingt six ans. Autant dire que j’étais très jeune pour occuper un poste aussi important. Mais cela semblait prouver le fait que j’étais fais pour ce genre d’emploi à grandes responsabilités, selon moi. Mais à peine avais-je permis à cette entreprise de se faire un nom dans tous les Etats-Unis, que l’envie de renouveau se fit ressentir. Ainsi, je revendis mes parts dans l’entreprise et quitta les Etats-Unis … Pour le Japon. Pays que j’avais visité durant mon tour du monde, entre autres, et que j’avais grandement apprécié. Entre autres, leur culture me plaisait. Tout autant que leur langue qui faisait partie de celles que je maitrisais. Quoi qu’il en soit, je démarrai alors une carrière en tant que décorateur d’intérieur. A la fois ça avait un rapport direct avec ma véritable carrière et à la fois, c’était assez différent. Je n’avais pas été formé pour cela mais ça me plaisait bien aussi. Et puis certains japonais étaient friands du style de décoration des demeures anglaises et américaines. Autant dire que je connus bien vite, un certain petit succès. Il était tout de même assez étrange de décorer des appartements au style anglo-saxon, alors que mon propre logement, n’avait rien à envier aux véritables logements de style japonais. J’aimais vraiment beaucoup ce genre là et ne voyais donc pas de raison de ne pas m’en accommoder. Bref, ainsi alla ma nouvelle vie. Depuis mon départ quelques années plus tôt, je n’étais pas rentré une seule fois au bercail pour revoir ma famille. En revanche, mon frère et ma sœur m’avaient rendus quelques visites, du temps où j’étais à New-York. Ainsi, nous ne nous étions aucunement perdus de vu, contrairement à ma relation avec mes parents, qui avait tout bonnement disparu. Je savais, de par mon frère, que mon père regrettait de ne pas m’avoir embauché. Quant à ma mère, elle était plus blasée et déçue qu’autre chose, de constater que ma vie professionnelle, était au beau fixe. Peut-être même était-elle plus épanouissante que si j’avais travaillé au sein de l’entreprise familiale, dans le fond. Au moins là, j’avais évolué et vu bien des choses. J’avais découvert divers univers, relevé des challenges divers et variés et changé plusieurs fois de postes, pour toucher à tout. Non vraiment, ma vie était sans doute mieux de la sorte. D’un côté, je pouvais remercier ma mère pour cela. Mais il ne fallait pas trop m’en demander non plus. Malheureusement, l’on dit que les meilleures choses ont une fin. Et cette partie si merveilleuse en elle-même, de ma vie, prit bel et bien fin elle aussi. Et ce, de façon choquante, brutale et violente. De la façon la plus inattendue et douloureuse qui soit. De celles que l’on ne souhaiterait pas même à son pire ennemi. Bref, il s’agissait purement et simplement, de la perte d’un être cher …
J’avais vingt huit ans et ma vie était parfaite à mes yeux. J’avais déjà une longue carrière des plus parfaite derrière moi et je bossais encore dans un truc qui me plaisait. Je m’étais donc spécialisé dans la décoration d’intérieur, en plus de tout ce que je maitrisais déjà. Autant dire que ça ne pourrait qu’être un plus, pour tout ce que j’aurais l’envie de faire par la suite. J’avançais ainsi, faisant mon propre petit bonhomme de chemin, loin de cette mère qui m’avait longtemps pourri l’existence. Mais cette perte qui vint tout chambouler, allait me forcer à rentrer au plus vite. J’avais eus droit à une vie de rêve, j’avais eus ce que j’avais toujours désiré et ce que tout le monde rêverait d’avoir. Bref, j’avais été longtemps heureux mais apparemment il était temps de tout rendre à la vie. J’abandonnai donc mon job parfait et mon appartement chic derrière moi, pour revenir auprès de ma famille. J’avais beau prendre la direction de l’Angleterre, ma terre natale, en sachant parfaitement que mon frère venait de mourir et que je ne l’y trouverais donc pas, le choc resta tout de même entier, violent et brutal. Le temps pour moi d’effectuer le voyage en avion et il était déjà temps d’enterrer mon frère. Fauché par un chauffard ivre alors qu’il traversait la route un soir, alors qu’il sortait d’une soirée. Pas même un gramme d’alcool dans le sang. Il avait été sage mais apparemment, c’était bien le seul. Quoi qu’il en soit, il était mort sur le coup. Pas même eut le temps de souffrir ou de comprendre qu’il allait mourir. J’ignorais si c’était une bonne chose ou non. Tout ce que je savais, c’était qu’il était mort et ne nous reviendrait jamais. Et ça, c’était loin d’être une bonne chose … L’enterrement fut la première étape très difficile. Lutter contre les larmes pour paraître fort devant ces gens froids qui gardaient toute leur dignité même alors qu’ils disaient adieux à un proche, était une chose difficile. Tout comme moi, Aline, ma sœur, qui se trouvait à mes côtés, luttait contre les larmes. Elle aussi avait bien compris que nous passerions pour des gens faibles ou étranges, si nous nous laissions aller à quelques larmes. Ça ne correspondait pas à des personnes de notre rang apparemment. Nous ravalâmes donc nos larmes pour de bons et écoutâmes les nombreuses condoléances, en gardant la tête haute. Par la suite, il nous fallut vider l’appartement de notre frère. Ce fut là la seconde étape difficile. Plier et ranger ses affaires, sans savoir quoi en faire. Notre mère voulut les récupérer, ce qui ne m’étonna pas tant que cela dans le fond. Nous lui apportâmes donc le tout et lui laissâmes sans rien dire à ce sujet. Durant les premiers temps de mon retour dans ma famille, je logeai chez Aline. Mais cela ne pouvait qu’être provisoire, car elle était mariée depuis quelques années déjà. Je ne voulais évidemment pas déranger le couple. Je demeurai donc quelques temps dans un hôtel chic de la ville, avant que mon père ne me contacte pour me proposer de venir chez eux quelques temps. A cette proposition, je ne pu m’empêcher de rire et de lui faire remarquer que ma mère préférerait sans doute vouloir mourir que de m’avoir sous son toit. Mais bien vite, je réalisai que je me trompais, lorsqu’elle me fit elle-même la demande. Songeant qu’elle était peut être revenue à de meilleurs sentiments après toutes ces années, je finis par accepter. Six mois. C’est le temps que dura cette cohabitation tout à fait surprenante. Et le temps qu’il me fallut pour me prendre la plus grosse gifle mentale, de toute ma vie. Je quittai la maison avec perte et fracas, lorsque je réalisai pourquoi j’avais trouvé une telle place chez eux. Ma mère voyait Ryan, mon frère ainé, en moi. Il était vrai que je lui ressemblais et que tout comme lui, j’avais de grandes ambitions professionnelles. Mais ça s’arrêtait là au niveau des ressemblances. J’avais beau avoir toujours adoré mon frère, je n’étais pas comme lui. Je n’étais pas égoïste, imbus de ma personne, surfait, menteur, manipulateur et si superficiel, comme pouvait l’être tout le reste de ma famille. Non, je n’étais pas eux. J’étais même loin de l’être. Et ça, ma mère ne l’acceptait pas. Sans même réaliser que c’était justement de sa faute, si j’étais ainsi, si j’avais pris un tout autre chemin. Pour en revenir à la raison de ma présence chez eux, ça allait plus loin. Les ambitions de mon frère avaient toujours été celles de mes parents avant tout. Ils avaient toujours vu en lui, un excellent moyen de faire prospérer encore et toujours leur entreprise. Mais maintenant qu’il n’était plus là, il leur fallait un autre jeune prometteur. Et j’étais tout désigné pour être celui là. Non seulement j’étais leur fils et donc, je pourrais prendre les rênes à la mort de mon père. Mais aussi et surtout, au vu de mon parcours et de mes diplômes, j’étais même capable de faire mieux que mon père. Bref, ils ne pouvaient rêver mieux. Durant les six mois suivant, je me pris un appartement. Petit mais chic et luxueux.
Finalement, un an après mon retour à Londres et année durant laquelle je refusais d’exercer un quelconque emploi, je pris une nouvelle décision pour ma vie. Je refusais que mes parents puissent me dicter ce que j’étais censé faire. Ainsi, je décidai de quitter Londres, pour Paris. L’entreprise de mon père s’étendait amplement jusque là et ça m’allait très bien. La France, encore un pays que j’avais pu visiter tout à loisir et qui me plaisait bien. Mon père cru à une plaisanterie lorsque je lui appris que je comptais bien diriger l’agence qui était implantée dans cette ville. Mais il du se faire à l’idée que non, lorsque je m’y rendis moi-même. En moins de deux mois, je m’étais installé dans un luxueux appartement, du sixième arrondissement. Le genre qui se trouve tout en haut de l’immeuble et qui a droit à son propre ascenseur, en plus d’avoir une vue parfaite sur une grande partie de la ville. Je pris quelques semaines pour tout décorer et refaire à ma sauce. Je décorai mon appartement avec chic et sobriété, dans des teintes grises et eus recours à quelques objets de décoration américains et japonais, pour donner une douche en plus et personnelle. Une fois bien installé, je pris le temps de connaître toutes les personnes qui travaillaient dans l’agence qui appartenait à mon père de façon indirecte. Peu désireux de passer pour le type qui va prendre la place de qui que ce soit, je commençai par me faire petit. Mais bien vite et de façon tout à fait naturelle, j’en arrivai à diriger tout ce beau monde et à reprendre toutes les affaires en main. Je devins patron en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire mais rendais tout de même des compte à mon père, qui ne semblait pas franchement apprécier le fait que je me contentais d’un « si petit » job. A ses yeux, je n’étais pas censé faire si peu. A mes yeux c’était bien assez. Mais je n’étais pas encore conscient du fait que mes parents étaient vraiment de très bons manipulateurs et qu’ils étaient prêts à tout, vraiment tout, pour parvenir à leurs fins. Je vivais encore un peu dans mon monde. J’avais tendance à être naïf. J’étais si peu machiavélique comme eux-mêmes pouvaient l’être, que je ne pouvais pas croire une seule petite seconde, que des gens puissent l’être à ce point. C’était tout de même assez étrange et surprenant, je ne pouvais pas le nier. Tout au contraire même. Bref, je vivais ma vie sans trop me soucier de mes parents. Désireuse de recréer des liens avec son dernier frère, Aline quitta Londres pour Paris et me rejoignis donc. Nous cohabitâmes quelques mois, le temps pour elle de divorcer d’avec son époux qui n’était pas assez ambitieux pour elle. Oui, dans notre monde, c’était une cause de divorce tout à fait acceptable et normale. Une fois bien posée, elle se prit un appartement en ville et retrouva un emploi sans trop de mal alors que de mon côté, je continuais ma petite vie, sans rien vouloir à personne et sans me faire remarquer le moins du monde. J’étais plutôt heureux ainsi. Même si mon emploi ne me permettait pas de m’épanoui pleinement tant il me semblait bateau et répété. Même si mon abruti de frère me manquait. Même si mon appartement au Japon me manquait. Même si le Japon lui-même et ses habitants, me manquait. Bref, tout ce que j’avais pu vivre avant d’être coupé par la mort brutale et douloureuse, de mon frère, pour être plus exacte. Ou plus vaste, ça restait à voir encore. Bref, au moins ma vie ressemblait à quelque chose et c’était bien assez. Je n’en demandais pas plus.
Mais lorsque mes parents m’annoncèrent quelques mois plus tard, qu’ils désiraient venir s’installer en Fance, je crus à une plaisanterie. Mais je déchantai bien vite, lorsque je réalisai que non, ce n’était pas le moins du monde une blague. Dans le fond, j’aurais du me douter que mes parents n’étaient absolument pas le genre de personnes à faire des plaisanteries quelconques. Ainsi, à l’annonce de leur décision, je n’en cru pas mes oreilles et je fus encore plus choqué, le jour où ils vinrent frapper à ma porte, pour m’apprendre qu’ils vivaient désormais à Paris. J’allais donc devoir faire avec de toute évidence. Sans compter qu’ils étaient en train de faire déménager le siège social de leur entreprise, pour l’installer sur Paris, justement. Je ne doutais plus, à présent, que leur but était bel et bien de me faire changer d’avis, pour que je prête davantage de mon temps et de mes compétences, pour l’entreprise justement. Il fallait bien un fils pour reprendre le flambeau, sinon comment survivrait-elle par la suite ? Sans compter qu’à présent, ils étaient bien conscients du fait que je pourrais la faire prospérer sans trop de mal. Tout simplement parce que l’entreprise que j’avais aidé aux Etats-Unis avait grandement fait parler d’elle pendant et après mon passage et que mes parents en avait beaucoup entendu parler eux aussi. Bref, ils comptaient sur moi. Et contre toute attente, je ne leur fis pas faux bond. Tout au contraire même. J’acceptai de les aider et d’étendre l’entreprise sur de plus grands marchés. Je devins même celui qui acceptait de se déplacer sur de longues distances, pour acquérir de nouveaux biens immobiliers, les retravailler et redécorer lorsque besoin était, puis de les faire visiter et ainsi de suite. Ainsi, nous parvînmes rapidement à étendre l’entreprise, à toute l’Europe. L’idée de garder certains logements pour en faire des locations de vacances, fut de moi. Ainsi, la course aux meilleurs logements, débuta, de mon propre fait. Débuta alors une vie à laquelle je ne m’étais pas franchement attendu, je ne pouvais pas le nier. Devenir le petit fils chéri de ses parents et trop chouchouté … Ce n’était vraiment pas une chose à laquelle j’avais pensé avoir droit un jour. Evidemment, je restais lucide et savais parfaitement que ce n’était pas pour moi que la mère se comportait de la sorte mais parce qu’elle n’avait pas son fils tant aimé et parce qu’elle avait besoin d’un autre fils pour l’entreprise. Ca n’allait pas au-delà. Ce n’était pas moi pour moi … Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de vouloir y croire un minimum pour en profiter un tant soit peu. Après tout, j’avais manqué de parents, durant toute mon enfance et mon adolescence. Il me semblait donc tout naturel de vouloir en profiter un minimum. Même en sachant ce qu’il en était véritablement. Dans le fond, nous avions tous quelque chose à gagner là dedans, alors je ne pouvais pas vraiment m’en plaindre. Même si ce n’était pas sur le même plan, évidemment. J’avais au moins la sensation d’exister pour mes parents et c’était une chose que je ne pouvais pas négliger. Je ne me doutais pas encore du fait qu’ils avaient encore d’autres projets pour moi. Quelque chose comme un mariage par exemple. En effet, ce fut lors d’un diner parmi tant d’autres, que ma mère me fit remarquer qu’à trente deux ans, il était plus que temps que j’épouse une femme. Femme qui se devait d’être du même rang que moi bien entendu. Comment aurait-il pu en aller autrement d’ailleurs ? Bref, dès mon premier refus d’obéir, mon père me fit la promesse de me trouver l’épouse parfaite. J’étais si amusé à l’idée qu’ils puissent être aussi idiots que cela, que je ne parvenais pas à les prendre au sérieux. Mais le jour où ils me présentèrent une jeune femme que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, je compris que c’était loin d’être une plaisanterie. Raison pour laquelle je promis d’épouser une femme. Mais ce serait celle que je choisirais moi-même. Je n’étais pas encore assez crétin ou je ne sais trop quoi, pour épouser la femme choisie par mes parents. J’étais bien décidé à trouver une femme qui serait à mon goût et en route pour aller à un rendez vous professionnel très important … Lorsque ma voiture eut la bonne idée de tomber en panne dans un quartier plutôt chaud. Pour un type tel que moi, ce n’était vraiment pas le bon endroit pour ça. Génial …