« Queen se tenait à côté de la poussette au garde à vous. Elle posa un regard attendri sur l'enfant qui gazouillait de plaisir en essayant d'attraper un papillon. A quelques mètres des deux enfants, les parents se tenaient enlacés, un appareil photographique à la main, essayant de cadrer au mieux la jolie photo de famille. Un flash apparut et pendant quelques secondes l'enfant de la poussette garda un regard béat ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer. »

June a un an. Puis deux. Puis trois. Les années passent, filent et ne se ressemblent pas. La petite June est née à New York City, de l'autre côté de l'océan Atlantique. Elle y a vécu ses premières années, les toutes premières expériences de sa vie. Ses parents, respectivement comédienne de théâtre et architecte, étaient alors mariés depuis dix ans. Ils avaient eu au préalable une autre petite fille, prénommée Queen, de quatre ans l'aînée de la petite June. Si la mère de June était américaine jusqu'au bout des doigts, son père lui était né d'une mère française et d'un mère américain. La famille vivait à New York suite au souhait de la mère. A l'âge de cinq ans, June commençait déjà à baragouiner le français, ce que sa mère ne pouvait pas supporter, celle-ci ayant toujours refusé que le français soit parlé dans leur maison. Queen et June étaient toujours fourrées ensemble, même si Queen détestait prêter ses jouets à sa sœur. A l'âge de 7 ans, June se vit contraindre à monter dans un avion et à s'envoler au dessus de l'océan Atlantique. C'est ainsi qu'elle mit les pieds en France quelques heures plus tard. Son père avait réussi à trouver un nouvel emploi à Paris et comptait s'y installait. June était aux yeux de ses parents trop jeune pour comprendre, mais elle comprit assez rapidement que ses parents ne vivraient plus ensemble. Queen était restée à New-York pour finir le collège tandis que June avait été placée dans les mains de son père. La situation n'était pas aussi critique qu'elle en avait l'air, leurs parents, certes en désaccord complet sur le mode de vie, entretenaient toujours de bonnes relations. Ainsi les allers-retours entre les Etats-Unis et la France étaient fréquents. June rentra alors dans une école primaire française, même si son niveau de français n'était pas aussi bon que son père l'avait espéré. Elle reprit également dès cette année là des cours de danse classique et des leçons de piano. Sa mère refusait de voir son talent gâché dans ce déménagement. June et Queen vécurent donc séparément, l'une en Amérique et l'autre en France. Lors des vacances la famille se recomposait en un seul morceau et profitait du mieux qu'elle pouvait de cette réunification. Néanmoins, assez rapidement, les deux fillettes montrèrent des caractères respectifs très forts, chacune étant habituée à être fille unique avec des manières différentes. Si June se devait d'avoir une éducation correcte à la française, Queen, elle, était trimbalée par sa mère à des représentations et des galas. Elles n'avaient donc plus du tout la même vie. Queen révéla par la suite son talent artistique, suivant les traces de sa mère dans le théâtre.

« June lança un long regard à son père qui se tenait à côté d'elle, une main sur son épaule. La jeune fille avait les cheveux noués en chignon serré et semblait si frêle dans son justaucorps. Son père lui rendit un sourire bienveillant et lui embrassa le dessus du crâne en lui chuchotant quelques mots pour la rassurer. Face à eux se dressait un grand bâtiment, à l'architecture assez original. Le Conservatoire Supérieur National de musique et de danse de Paris. »

June n'avait alors que 15 ans. C'était son rêve d'entrer au conservatoire. Elle ne pouvait plus entrer à celui de New-York, habitant à Paris depuis plusieurs années et souhaitant y rester avec son père. A l'âge de 14 ans, ses parents avaient fini par divorcer. Les relations franco-américaines furent plus rares, June ne s'entendant pas du tout avec sa sœur Queen, celle-ci ayant commencé sa carrière dans le cinéma. June était une élève disciplinée, et soucieuse de bien faire. Elle n'était pas la meilleure mais tendait toujours à voir ses résultats progresser vers le haut. Elle réussit néanmoins à décrocher des rôles importants dans plusieurs ballets et faire ainsi la fierté de son père. Elle était devenue une véritable fille unique, Queen ayant cessé de son côté tout contact avec eux. Sa mère se remaria aux Etats Unis et son père connut plusieurs aventures avant de se poser de nouveau avec une française, divorcée depuis plusieurs années. June, elle, vivait la moitié du temps dans une résidence près du Conservatoire, allant au lycée Georges Brassens pour finir son bac, et l'autre moitié du temps dans l'appartement de son père. Elle ne se mit à sortir réellement le soir qu'à l'âge de 18 ans, quand elle eut la majorité française. Au fil du temps elle avait peu à peu perdu son fort accent américain, mais elle était toujours considérée comme une étrangère. A vingt ans, elle reçut son diplôme de DNSP. Alors qu'elle s'apprêtait à s'engager dans sa dernière année avant d'entrer dans un grand ballet, sa mère lui fit une proposition plus qu'intéressante. Elle partit donc vivre aux Etats-Unis pour plusieurs mois, sa mère ayant réussi à l'insérer dans un des ballets joués par le théâtre dans lequel elle faisait ses plus grandes représentations. June du de nouveau s'intégrer à une nouvelle vie, et reprendre sa langue maternelle, l'américain. Pensant ne rester que deux ou trois mois aux Etats-Unis, elle ne put néanmoins pas refuser de partir en tournée avec la troupe du ballet. Sa vie américaine ressemblait à des vacances, certes épuisantes mais la danse étant sa passion elle ne pouvait s'en plaindre. Sa mère la traitait comme une princesse, même si l'une et l'autre n'était autre que des inconnues.

« June ne pouvait détacher son regard du sien. Si profond, si envoûtant. Il avait toute emprise sur elle, n'étant plus maîtresse de son corps et encore moins de ses émotions. Transportée. Subjuguée. Amoureuse. »

Les histoires d'amour finissent mal en général. C'est un fait. June en a payé le prix. Lui, américain, beau, intelligent, bien éduqué, le parfait prince charmant. Elle, danseuse, gracieuse, séductrice, accrochée à lui et jalouse. Une histoire à l'eau de rose qui commençait bien et se finirait mal. Une histoire d'amour comme tant d'autre. Une histoire entre deux personnes ne vivant pas dans le même monde. Le contenu est banal, la finalité fait mal. Coup de foudre ou pas, peu importe, June et Kael sont tombés l'un dans les bras de l'autre. Assez épique, leur relation passionnée fut tenue secrète plusieurs semaines avant d'être établie au grand jour. Lui, héritier d'une entreprise de hautes technologies et elle, danseuse prometteuse. C'était mignon, ça sentait l'amour, ça faisait rêver. Néanmoins si le cœur de June s'accrocha à celui de son Kael, ce dernier était encore épris d'une autre. Malgré l'annonce des fiançailles, au bout de huit mois de vie commune, la chute fut rude. Kael renonça. Il fit marche arrière, laissant le cœur de June en miette. Avril 2011, triste mois. June quitta les Etats-Unis le cœur lourd, une bague si enchanteresse et prometteuse enfouie sous des vêtements. Le rêve américain ne lui était pas destiné, elle devait retenter sa chance en France. Néanmoins niveau carrière professionnelle, ce fut un franc succès, mais la jeune femme s'enfuit de son pays natal. Elle retourna dans son cocon familial français, épuisée, malheureuse et toujours éperdument amoureuse.