toi et moi c'est tellement déjà.

Le soleil se couche tout doucement. Les toits de Paris semblent la proie des flammes. C'est plutôt joli et ça mériterait une peinture, mais j'ai pas vraiment la tête à ça. J'en suis plutôt à réfléchir à ce qui se passe dans ma petite vie en ce moment. Ma grossesse d'un côté – six mois déjà, un ventre qui ressemble de plus en plus à un ballon de football, la confirmation que bébé est une petite fille, la sentir bouger tous les jours un peu plus vigoureusement... Tout ça a quelque chose de plutôt magique qui me rend un peu trop impatiente de la voir naître, de pouvoir la serrer dans mes bras et la voir grandir. Je souris en caressant doucement ce ventre rond qu'est le mien par-dessus le large débardeur que je porte. Hé, chérie, c'est maman, tu le sais ça ?

Il n'y a pas que ça. Certes ma grossesse me remplit la tête plus que les autres choses qui se passent autour de moi mais il y a bien un dossier qui menace de lui faire concurrence, et ce dossier c'est Cesar Winslet. Ca fait maintenant une semaine que je sais qu'il n'est pas mort, cet espèce d'abruti. Une semaine que je passe le plus de temps possible dans ses bras, parce que merde, je l'aime cet idiot. Plus que tout. L'annonce de sa mort m'avait laissée sous le choc, encore plus après avoir lu son journal – gracieusement donné par son cousin – et dire que je me sentais coupable serait un euphémisme. J'avais bien conscience que cette « mort » n'était pas due à un accident... Responsable, j'étais largement responsable dans tout ça et ça m'a laissé une blessure sanglante qui a encore un peu de mal à cicatriser.

Bref. Cesar. Cesar qui est actuellement en train de prendre sa douche, je peux entendre le bruit de l'eau depuis le salon. Ca me réconforte, bizarrement. Il est arrivé en début d'après-midi, qu'on a passé quasiment non stop dans les bras l'un de l'autre. Autant dire que ça m'a fait du bien après la monstrueuse engueulade qu'on s'est prise... hier ? Avant-hier ? Je ne sais même plus. Au sujet de JJ, encore, mais bref. Le temps que je sorte de mes pensées, le bruit de la douche s'est arrêté. Je me concentre pour l'entendre. Il y a un bruit de tissu plutôt étouffé. Finalement, je me lève et je me dirige vers la salle de bains, silencieusement.

Il est toujours bien là, presque nu, avec juste une serviette autour de la taille. Le plus discrètement possible, je me rapproche et je me presse contre son dos, les bras autour de sa taille et la joue pressée entre ses omoplates. J'aime sentir sa peau contre la mienne. « Cesar... » Je redresse un peu la tête, l'embrasse dans la nuque. La petite bouge au creux de mon ventre, comme un écho à mes mouvements. « Bébé, je veux qu'on soit un couple. Pour de bon. » Et voilà. C'est dit.

Notre histoire s'écroule, à cause d'un cailloux dans ta botte

L'eau coule, emportant un peu de la douleur lancinante qui danse sur mes épaules. Cette douleur qui ne me quitte pas, jamais, pas depuis sa trahison. Elle, elle ne se rend pas compte de l'impact du poison qu'elle m'a injectée. Il coule en moi, détruisant tout. Sa direction est maudite et bien sûr évidente. C'est de ça, que parle les livres, de la douleur sourde causé par un amour véritable, un amour plein de bonheur, mais aussi d'une lourde tromperie. Son chemin, c'est un coeur de pierre emprisonnée d'épines tranchante, chaque battement le déchire un peu plus. Chaque battement me le déchire un peu plus. L'eau s'arrête, le temps de pause est terminé. Le temps où le masque tombe est fini, la peur, la souffrance dans mes yeux doivent s'effacer pour seulement laisser place à une indifférence totale. Le masque est important, sans lui, les gens te pisse à la gueule. Un masque de connard fini, d'un pauvre type ne créant que souffrance auprès de ses proches. La salle de bain est pleine de buée et mon corps rougit par l'eau chaude. Je suis encore perdu dans mes pensées tandis que je me sèche avec une serviette. « Cesar... » Un corps se presse contre le mien, son corps. Mon coeur s'affole, les ronces s'enfonçant plus encore. Un flot d'image tirée de mon imagination se balance dans mon esprit, chantant une mélodie écoeurante. La douleur danse, de plus en vite, me prenant la tête d'une manière incroyable. Je dois rester maître de moi, surtout en sa présence. Sa joue se colle contre mon dos et je soupire de bien être, c'est fou comme mon esprit et mon corps sont opposés. L'un me crie de partir, l'autre de rester. « Bébé, je veux qu'on soit un couple. Pour de bon. » Je serre légèrement des dents me dégageant doucement pour enfiler une chemise et un boxer. « Pourquoi pas. Mais... » Je cherche mes mots en vain, comment lui faire comprendre que je n'ai pas confiance sans la froisser, sans la blesser ? « Je... J'ai plus confiance Albane, je trouve ça trop rapidement pour une mise en couple aussi... sérieux. » Je soupire, craignant sa réaction.