Ashley et moi étions des frère et sœur tout à fait banals. On passait notre temps à se chercher pour mieux se retrouver. On a toujours eu une très grande complicité. Mon frère m’a toujours protégé du monde environnant et, même si ça l’embêtait, il me gardait dans son cercle d’amis de sorte à pouvoir me surveiller. Mais notre relation s’est intensifiée lorsque notre famille est partie en vrille. Ashley a essayé tant bien que mal de maintenir notre navire hors de l’eau mais il n’avait que quinze ans, alors il ne pouvait pas faire de miracle.

Lorsque mon père a divorcé, ma mère, complètement dévastée et folle, nous avait dit qu’on devait dégager de chez elle à l’âge de dix-huit ans. Il est parti sur Paris, les larmes aux yeux, tandis que j’étais condamnée à rester seule dans cette maison vide de sens jusqu’à mes dix-huit ans. Les deux ans sans lui ont été très difficile, parce qu’il me manquait mon repaire, mon seul point d’attache pour ne pas perdre la raison. Mais, heureusement pour moi, les deux années de calvaire sont rapidement passées et je n’ai pas hésité une seconde à rejoindre mon frère, même si quitter mon Angleterre chérie me tuait. J’ai donc atterri à Paris. Comme avant, je trainais dans les pattes de mon frère, parce qu’il fallait bien que je prenne mes marques. Ça avait tendance à l’agacer, mais pas plus qu’avant… Mais sa copine elle, était plus que dérangée par ma présence. Je vivais chez mon frère mais ce n’était pas du gout de madame – qui n’habitait pas chez lui techniquement. Mais de crêpages de chignons en crêpage de chignons, mon frère en a eu assez et après une énorme dispute, il m’a en quelque sorte mise à la porte. Disons qu’il m’a très aimablement conseillé de trouver un chez moi. Ce que je fis parce qu’après tout, je ne lui demandais pas l’aumône. Depuis ce jour-là, nos relations ont commencé à se distendre de sorte à ce qu’aujourd’hui, les liens entre mon frère et moi soient définitivement rompus.

Lui, je crois que je le déteste autant que je l’adore. Et il me le rend bien - pour mon plus grand plaisir. Certains jours, j’ai envie de le frapper ; d’autres, j’ai envie de simplement le déshabiller pour lui faire voir les couleurs de l’arc-en-ciel - mais bon, parait qu’il est hétéro et maqué alors je reste à ma place. Un simple ami. Amitié très complexe d’ailleurs.
On s’est rencontré sur les bancs de la fac de médecine - banale rencontre de deux étudiants paumés et apeurés. On s’est découverts des points communs - on vient tous les deux de Londres - et Ashley m’a très vite entraîné dans des fêtes où l’alcool tombait à flot et où les filles finissaient à moitié nues. Il m’a décoincé, m’a fait voir autre chose que mes bouquins et mes feuilles de cours. On s’entendait bien, on déconnait toujours - même parfois pendant les cours. On s’est formé un petit groupe d’amis, toujours les mêmes, et on faisait presque les quatre cents coups ensemble. Puis j’ai rencontré sa sœur - sa pupille, sa protégée - avec qui j’ai aussi sympathisé. Ça a mis plus de temps mais Mely et moi on s’est rapproché aussi. Je crois qu’Ash’ n’a jamais vraiment bien vu cette entente d’un bon œil. Avait-il peur pour moi ou bien sa sœur ? J’étais pourtant un des seuls de la bande à ne pas l’avoir touchée ! Toujours est-il qu’il était toujours sensible dès qu’il s’agissait de sa petite sœur - ce que je pouvais comprendre parfaitement.

Puis les années ont passé. On était classé tous les parmi les meilleurs de notre promo et c’était devenu comme un jeu entre nous. À celui qui réussirait le mieux, à celui qui obtiendrait les meilleurs résultats. Seulement cette compétition d’abord anodine s’est bien vite changée en combat acharné et incisif. D’amis nous sommes passés à rivaux. Même si l’entente et la déconne restaient toujours là, on savait parfaitement tous les deux qu’il fallait que l’on réussisse et que l’on ne pouvait y arriver que si l’autre échouait. Ça ne me dérangeait pas outre mesure, du moment qu’on en venait pas à se haïr mutuellement à cause de ça. Parce que mine de rien, Ash’ est quelqu’un qui compte pour moi - même s’il a tendance à oublier le monde autour de lui dès que sa petite amie est dans les parages.
Et je pense qu’à cause de ça, je suis devenu presque plus proche de sa sœur que de lui. Je ne le regrette pas, j’adore Mely malgré son caractère merdique et ses vannes à deux balles. Je regrette seulement d’être en train de perdre un ami, c’est tout.