Où suis-je ? Qu'ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ? Ce vide qui m'accueille, ce silence si profond, cette désolation putride qui me qualifie si bien. On m'a baisé et on me baisera toujours. Pourquoi ? Parce que je ne suis pas. Ou seulement un bout de papier blanc ou rien n'est encore écrit, car tout reste trouble. Un mensonge sous un masque malade au grand sourire. Qui suis-je ? Que devrais-je faire encore ? Si ma vie était un film muet, on verrait passé des images sans queue ni tête. La télévision, la solitude, le téléphone, la tristesse, la célébrité... Quand la vie vous baise, elle aussi, que reste-t-il à part cette différence que l'on veut cacher à tout prix, cher journal ? Ce dégout envers moi-même est-il le même que celui de mes parents ? Ou juste un écho au leur ? Pourquoi me plaindre ? Pourquoi ne pas le faire ? Dois-je me résoudre au bonheur fade de ma naissance ? Remercier ciel et terre malgré l'horreur que je suis ? Quel douce symphonie dois-je écouter pour m'en sortir ? Ce cercle vicieux de perversion, où ce que tu finis par cacher le plus est-ce que tu désires le plus aussi. Donner un sens à ma vie, cher journal cela aurait été comme jouer une magnifique mélodie avec les ongles sur un tableau comme seul instrument. Lesbienne, en voilà un beau d'instrument. Comme diriger sa vie, avec un mot pareil, un mot qui ne veut rien dire du tout. Je ne sais pas, je ne sais plus cher journal où donner de la tête. Je suis perdue, dois-je continuer à quémander ma vie ?
« Papa ? » un silence, un seul...« Papa ? » un silence, encore. « Papa ! » et encore un autre.. ah non ! Un soupire, un long soupire. « Désolé, Gordon, la petite. » enfin il éloigne le téléphone « Quoi ? » je lui lance un sourire ironique, premier mot de la journée, j'ai presque cru que je n'aurais le droit à rien aujourd'hui. « J'aimerais te parler de moi » il lève les yeux au ciel, comment lui expliquer. « Comme d'habitude, c'est vraiment pour ça que tu me déranges ? Allo ? Gor..» « Papa ! J'ai quelqu'un dans ma vie. » il raccroche, sourit. C'est étrange comme sensation, d'habitude il sourit seulement quand on parle d'argent enfin.. quand il gagne de l'argent. « Juste une dialectique conflictuelle sur l'état du cœur alors. J'en suis ravi ! Qui est-ce ? De bonne famille bien sûr ? » Ah oui.. si, l'argent. « Dialectique conflictuelle.. On dit aussi conversation non ? Papa, c'est.. délicat. C'est une fille. » Le silence qui accueille ma déclaration est effrayant, son visage devient blanc et sa voix prend une octave « Comment ? » je deviens à mon tour blanche, la honte et la peur me submerge, est-ce une bonne idée ? Suis-je folle ? « C'est une fille.. riche bien sûr.. » J'essaye plus ou moins de gagner des points pourtant je sens que je suis morte et enterrée d'avance. Sa main tremble légèrement alors qu'il range son téléphone dans son veston « Tu as un concours, un concours dans deux mois. Alors, ne le rate pas sinon moi je ne te raterais pas ! Ce n'est pas le moment de déchainé les foules et de dire de pareils sottises ! » Je n'ose plus bougé, plus respirer, j'attends la sentence. « Ma fille, la chaire de ma chaire, mon sang ! Non et non ! Tu ne seras pas comme la vermine, comme ces catins qui courent les rues ! Non ! Tu deviens folle ma fille, tais toi et retourne travaillez ! Si j'entends encore une seule fois parler de ce genre de frasque et je te mets dehors ! Comment oses-tu ! Sous mon toit ! » Je fonds en larmes « D'accord, père, je vous promets de plus recommencer. »