Il était aux environs de vingt-deux heures, lorsqu’Ange se pointa dans la rue Caille. Il avait des comptes à régler, et c’était ce soir-là qu’il avait choisi pour le faire. Posté derrière un mur, il attendait maintenant depuis quinze minutes qu’un certain Tim daigne passer par là. Les yeux rouges et un couteau à la main, il scrutait le moindre pas, le moindre bruit en direction de la rue perpendiculaire.

Et soudain, la marseillaise retentit. Ange jeta un regard discret sur la rue, et aperçut Tim, tout content d’être là. Il attendait que celui-ci arrive à son niveau pour le prendre par surprise, et au dernier moment, rangea son couteau dans sa poche. Il n’avait pas envie de retourner immédiatement en prison, et préférait attendre un peu pour refaire de vraies conneries, comme par exemple tuer Tim. Nathaël plaqua Tim contre le mur, et le maintint avec son avant-bras. Il exerçait une pression assez importante pour lui faire mal, mais éviter toutefois l’étranglement.

« Tu t’souviens de moi poto ? »

Voyant la non-réaction de Tim, il esquissa un sourire faussement vrai.

« T’as besoin d’une piqure de rappel p’têtre. Tu sais, le mec que t’as abandonné comme un lâche ? »

Vingt-deux heures, Tim était allé acheter du pain. Enfin, il avait essayé. Il lui semblait qu'il existait une boulangerie de nuit, mais apparemment ces choses là ne se faisaient pas encore. Déçu, il commençait à rentrer bredouille quand il aperçut du coin de l'œil un sexshop. Ces lieux le faisaient toujours rire. Il était entré, avait dragué la vieille vendeuse qui lui avait presque mis un pain (et pas une baguette, poisson d'avril !) et avait dû acheter quelque chose pour calmer sa folie. Il avait donc un vibro étrange dans un sac rose et riait seul, comme un con, dans la rue sombre. Il s'était mis à fredonner la marseillaise en rentrant chez lui, ce pauvre deux pièces sous les toits. Sans rien comprendre de ce qui était en train de se passer, un monstre surgit des ténèbres en le plaquant contre le mur. Sans avoir eu le temps de voir qui avait pu être si entreprenant à son égard, il cria un : « REFRÈNE TES ARDEURS, SATAN ! ». Il s'arrêta avant de sortir une nouvelle connerie quand il remarqua de qui il s'agissait. Il le tenait fortement, le bougre, en lui demandant s'il se souvenait de lui. Il réprima une grimace. « T’as besoin d’une piqure de rappel p’têtre. Tu sais, le mec que t’as abandonné comme un lâche ? ». Un sourire qui mêlait amusement et douleur naissante se forma sur ses lèvres. « On peut pas plutôt aller faire ça dans une chambre, Ange ? C'est gênant là... »

Visiblement, Tim se souvenait de lui, puisqu’il venait d’esquisser une grimace qui voulait à la fois dire « aïe j’ai mal » et « aïe, c’est ange ». Nathaël hésita à sortir son couteau, mais songea que ce type n’en valait même pas la peine. Il accentua la pression qu’il exerçait sur le cou de Tim, avant de l’entendre articuler une phrase avec difficulté.

« On peut pas plutôt aller faire ça dans une chambre, Ange ? C'est gênant là... »

Ce mec se foutait royalement de sa gueule. Ange le regarda droit dans les yeux. Il avait clairement envie de lui en mettre une, mais se retenait grâce à une force qui venait de nulle part. Peut-être parce qu’au final, il n’avait pas envie de frapper son ancien, très ancien, très très ancien frère de sang.

« T’as raison ouais. »

Il lâcha alors Tim, et lui laissa quelques secondes pour se remettre de ses émotions. Seulement à ce moment-là, il se rappela de ce qu’il avait ressenti lorsque Tim l’avait abandonné comme un con. La putain de trahison dont il avait été victime lui laissait un gout amer dans la bouche. Il la voulait, sa vengeance. Alors, sans se contrôler et sans en avoir réellement conscience, il lui envoya son poing en pleine figure.

« Putain, ça fait du bien. »

Ange se mit à le fixer, et c'était clairement flippant. Les années qu'il avait passé en prison ne lui allait pas au teint, dis donc. Il lui avait connu meilleur mine. Un « t'as raison ouais » plus tard, et il libéra enfin son entreprise. Elle n'avait pas duré très longtemps, mais à cause de sa greffe Tim arrivait à être facilement essoufflé. Il porta rapidement une main à son cœur et inspira longuement. Il devrait prendre ses médicaments d'ici une demie-heure et ce n'était pas cet ex-taulard qui allait l'en empêcher. Ou peut-être que si, en fait. Alors qu'il allait lever les yeux vers lui, et s'excuser comme il aurait dû le faire depuis très longtemps, le poing d'Ange s'écrasa sur sa gueule. Mais cet homme était fou ! « Putain, ça fait du bien. » Ça faisait mal, c'était pas sympa, ça faisait gros castagneur de la rue et Tim n'était pas assez bodybuildé pour essayer de se battre. Sauf qu'il s'aimait trop pour laisser quelqu'un frapper ce visage divinement divin. De son sac rose qu'il avait toujours à la main, il en extrait le vibromasseur et d'un geste le mit en marche. Les différents morceaux se mirent à tourner dans différents sens, à différentes vitesses. « ARRIÈRE ! » Il avait tendu son engin vers lui. Ça, c'était la feinte ! Il grimaça, son nez lui faisait assez mal, en fait. Il lui lança donc le vibro tournoyant dans la gueule, aussi fort qu'il le pouvait. « Je vous ai dit non, monsieur, je ne suis pas intéressé ! ». Toujours le même, depuis ses 9 ans, Ange aurait dû être habitué.

Cette fois-ci, c’était Ange qui souffrait. Il avait peut-être une fracture de la main à cause de Tim ! Il se frotta le poing pour atténuer la douleur, tout en regardant Tim se remettre du coup qu’il venait de prendre. Il avait mal ? Eh bien tant mieux. Mais l’imbécile n’en resta pas là. Il prit son sac rose, en sortit un objet non-identifié, et non-identifiable.

« ARRIÈRE ! »

Il le pointa en sa direction. Non.. ce n’était quand même pas..

« Un sextoy ? T’es pas sér...»

Ange n’eut pas le temps de terminer sa phrase, puisqu’il venait de ce prendre le vibro dans la gueule.

« Je vous ai dit non, monsieur, je ne suis pas intéressé ! »

Ce connard n’avait pas changé, toujours avec ses idées de merde sorties de nulle part. S’il n’avait pas eu mal, alors peut-être qu’il aurait souri devant l’absurdité de Tim. Ange grimaça, puis ramassa le joujou de Tim par terre. Il regarda Tim, puis l’engin, puis Tim, puis à nouveau l’engin. Il avait envie de vomir. Parce que si l’on réfléchit bien au fond des choses.. Si, comme le pensait à ce moment-là Ange, ce truc avait été dans le trou du cul de Tim, et qu’il venait de toucher son visage, alors avec la relation de Chasles, le cul de Tim venait de toucher son visage. Pouah, dégueulasse.

« T’es gay ? »

« Un sextoy ? T’es pas sér...» L'effet de surprise avait réussi, le renard rusé qu'il était avait réussi à avoir le vieux loup sorti de prison qui se trouvait en face de lui ! C'était ça, sans doute, la beauté de la vie. Fier de son coup, il émit un sourire vainqueur qui s'arrêta rapidement, parce que trop bouger le visage lui provoquait une douleur. Cette lavette avait appris à bien frapper en taule, il était plus faible quand ils avaient cinq ans. Ange se décida à ramasser son précieux et Tim se retint d'exploser de rire. D'une parce qu'il allait lui péter la gueule, et de deux parce que je l'ai déjà dit, il avait trop mal à la joue pour ça. D'ailleurs, c'était quoi ces regards affolés qu'il lui jetait ? Il ne pensait tout de même pas que...? « T’es gay ? » Il avait osé ! Un expression outré s'afficha sur le visage de Tim. Est-ce qu'il avait l'air gay ? Est-ce que Heinkel Timcanpy Rosenbach avait l'air de ne pas aider les bigs pairs de boobs ? « C'était pour ta mère ! » cria-t-il d'un air courroucé, son honneur touché de plein fouet. « Mais je pourrais toujours faire une exception pour toi, tu le sais mon Ange. », il aurait voulu rajouter quelque chose sur le ramassage de savonnette en prison dans les douches, mais préféra sa vie à cette réplique qui aurait pu être parfaitement placée. Et puis, au fond, c'était en partie de sa faute qu'il avait été envoyé en taule alors...

Tim semblait outré par la question d’Ange. Merde ! Il était quand même en droit de se poser ce genre de question. Un mec, dans une rue sombre, avec un sex-toy, dans une poche rose, c’était plutôt bizarre.

« C'était pour ta mère ! Mais je pourrais toujours faire une exception pour toi, tu le sais mon Ange. »

Oh, du calme ! « Mon Ange », et puis quoi encore ? Et puis qu’est-ce que la mère d’Ange venait faire dans cette putain d’histoire de gay. Il fronça ses sourcils, avant de rétorquer :

« La ferme Timcanpy ! »

Bam, bim boum. Bref, net et précis. Ange regarda autour de lui, et aperçut une poubelle à quelques mètres d’eux Il s’en approcha, l’ouvrit, puis jeta le vibro dedans. Il n’avait aucunement envie que quelqu’un le voit une minute de plus avec ça dans les mains. Il revint finalement vers Tim.

« Alors, c’était comment ? »

Il marqua un temps d’arrêt, puis poursuivit sa phrase, présageant que Tim allait lui répondre bien à côté de la plaque.

« J’parle de ta putain de vie, pendant que j’étais en taule ? »

Le regard d’Ange se posa sur Tim, et il se demandait franchement pourquoi il ne l’avait pas frappé une seconde fois, tellement la simple vue de ce mec le répugnait.

« La ferme Timcanpy ! » Oh, son nom entier comme ça, c'était dur... Timcanpy, ça faisait plutôt gros nounours que mec tatoué jusque sur la... Enfin, voilà, vous avez compris le genre. Beaucoup pensaient d'ailleurs que Timcanpy s'appelait Tim tout court, et ça lui faisait le plus grand bien. Alors qu'il réfléchissait sur ce fait, l'autre était en train de jeter ce putain de perfect vibro ! Bon d'un côté c'était pas une grosse perte, parce qu'il n'avait pas l'intention de l'utiliser... Quoi que pour effrayer certaines personnes, dans ces rues malfamées la nuit, pourquoi pas ! Ange en faisait parti d'ailleurs. « Alors, c’était comment ? » Alors qu'il allait lancer un « Cette fille était bandante, merci de t'en soucier. » Ange se reprit rapidement avant qu'il ne puisse placer sa phrase. « J’parle de ta putain de vie, pendant que j’étais en taule ? » Ah... D'accord, ok, il était comme ça lui ! « Bah écoute, j'ai acheté du pain, des vibros, et j'ai croisé madame Michelle hier. Et toi ? Paraît que la cantine est pas mauvaise ? ». Il se retenait franchement de sortir trop de conneries, parce qu'un autre poing ne lui ferait pas vraiment plaisir comme cadeau de retrouvailles... De toute façon, Tim avait une autre arme secrète qu'il serait prêt à utiliser...

Et ouais, Ange était comme ça ! Il connaissait suffisamment Tim pour prévoir sa vanne à deux balles. A vrai dire, il les voyait arriver à dix milles kilomètres – sauf celle du vibro, vraiment, celle-là était sortie de nulle part-.

« Bah écoute, j'ai acheté du pain, des vibros, et j'ai croisé madame Michelle hier. Et toi ? Paraît que la cantine est pas mauvaise ? »

Ange haussa un sourcil. Ce mec était vraiment bizarre… Il lui aurait presque fait de la peine. Il savait que le sérieux et lui, ça faisait environ trente-six, mais à ce point-là, ça en devenait limite flippant. Comme quoi son humour s’aggravait avec le temps -enfin si on pouvait parler d’humour..- Il se dessina sur le visage d’Ange un rictus de sourire forcé.

« On s’y fait. »

Ange prit alors appuie sur l’une des poubelles, et vint s’assoir dessus. Il n’avait pas peur d’être en mode gros pouilleux puisque de toute façon, il en était déjà un. Il esperait juste que Tim n’avait pas une autre arme secrète tel que son vibro, parce qu’il n’était pas franchement en position d’attaque, vautré sur sa poubelle.

« Tu me f’ras pas croire que Madame Michelle est encore en vie ? »

Madame Michelle -dites Mimiche belles-miches-, vieille dame, soixante-dix ans, pas d’enfants, pas de mari, pas de famille, et que des chats pour l’accompagner dans sa solitude. Du moins, c’est le souvenir qu’en avait gardé Ange.

Spoiler:

« J'te promets que Gros Robert l'a kéni l'autre jour, j'ai entendu à travers le trou qu'on avait fait dans le mur de la salle de bain. Hardcore. J'ai réussi à en faire une petite vidéo, j'hésite à la foutre sur Youporn... »

Urg, répugnant. Dans un rictus de dégout, Ange hocha la tête pour oublier la sale image qu’il avait dans son cerveau ! Ah ouais, elle était comme ça elle ? A kéni tout ce qui bouge ? Eh bien Ange était heureux de l’apprendre !

« Fais-le, elle deviendra célèbre cette catin. »

La perfection, et le mot était faible pour parler de cette madame au cœur plus gros que l’univers et à la cuisse bien hospitalière.

« Tu peux toujours aller la voir, elle sera v'la content ».

Ange tourna la tête. Ça, il n’en doutait pas une seule seconde, mais il avait une bien meilleure idée.

« La flemme. C’est elle qui va venir à moi. »

Le français descendit alors de la poubelle sur laquelle il s’était auparavant installé, et la balança à terre. Il était visiblement bien excité le petit fanfaron, ce soir. Il prit alors la plus forte de ses voix. Pour qu’elle descende de son petit appartement miteux, alors rien de mieux que d’attirer son attention par la plus extravagante des situations.

« OWIIIIIIII, TIM, CONTINUE !!!! MON ETALON, PREND MOI !!!! PLUS FORT !!! TIIIIIIIIM !! OWIIII !!! »

Il donnait des coups de pieds par intervalles réguliers dans la poubelle au sol. Il trouvait ça marrant, Tim un peu moins. Et soudain, Grosse Miche fit son apparition…

« Fais-le, elle deviendra célèbre cette catin. » Aussitôt dit, aussitôt fait. En passant sa langue sur ses lèvres, Tim sortit son portable, l'arme qui détenait la dite vidéo, et la publia en ligne sur le site qui se trouvait dans ses favoris. Il marqua diverses choses en tag, comme « Dictionnaire, Catin, Céline Dion, Tracteur » et appuya sur entrée. Le tour était joué, il ne lui restait plus qu'à aller vérifier le nombre de vus d'ici quelques heures qui devrait être à son maximum. Pas comme son échec avec une vidéo de Passe-Partout et de Bellatrix dansant la samba... « La flemme. C’est elle qui va venir à moi. » Tim haussa un sourcil, le filou avait son numéro personnel et ne l'avait même pas fait tourner ? Il l'observa descendre de la poubelle, la renverser, donner des coups dedans et... « OWIIIIIIII, TIM, CONTINUE !!!! MON ETALON, PREND MOI !!!! PLUS FORT !!! TIIIIIIIIM !! OWIIII !!! » Tim haussa les sourcils, mais c'était qu'il le faisait bien le bougre, il avait dû s'en passer des choses en prison ! Même sans avoir à le toucher, c'était Tim le plus bon ! D'un côté ça l'arrangeait bien, parce que tout le quartier savait maintenant que Tim était le plus parfait des coups. « J'espère que tu ne pensais pas à moi de cette façon en prison, tu ne toucheras à mon corps que dans tes rêves ! » répondit-il en passant une main sur son torse. Et soudain, Michou la grosse cuisse arriva... Elle ouvrit sa fenêtre d'un coup sec et sa tête sortit vivement. Tim hurla alors qu'elle faisait son apparition. « MAIS MIKELINE, QU'AVEZ-VOUS FAIT A VOTRE DIVIN VISAGE ? » En effet, elle était apparemment en train de tester quelque chose avec son maquillage, et il y avait comme un problème avec ses yeux... « Ah le r'vala l'aut' salopio ! » fut la seule réponse qu'il obtenue à son interrogation, alors qu'elle fixait Ange étrangement...

Soumis. Aussitôt dit, Tim prit son portable pour publier la vidéo. Ange savait qu’il avait déjà fait un gros flop avec une vidéo de Bellatrix et Passe-Partout dansant la samba. Le fifrelin n’avait donc plus rien à perdre ! Une poubelle renversée, et quelques cris plus tard, Ange esquissa un sourire intérieur devant la réaction de petit enfant violé de Tim.

« J'espère que tu ne pensais pas à moi de cette façon en prison, tu ne toucheras à mon corps que dans tes rêves ! »

Ange se demandait si ce mec était vraiment comme ça naturellement, ou bien s’il se forçait. Mais il avait de lui-même la réponse. Tim était un cas désespéré, irrattrapable dans sa connerie.

« Essaye même pas d’imaginer c’que je pensais de toi dans mes quatre m². Tu partirais en courant. »

Et puis Michelle vint rompre le silence de mort qui s’était installé. Sacré Mikeline, toujours là où on l’attend pas ! Tim tenta une petite apparition désespérée. Enfin, il fallait bien avouer que ses yeux étaient comme animés par un esprit maléfique ! Une sorte de mélange entre le blanc, le noir, le bleu. Tout ça avait triplé de volume, et elle semblait, avec ses aires de vieilles ménagères des années soixante, tout droit sortie d’un dessin animé pour gamin de six ans. .

« Ah le r'vala l'aut' salopio ! »

Ange fronça les sourcils. Alors c’était comme ça qu’on accueillait un Lacroix ? Il haussa à son tour le ton pour que grosse cuisse l’entende.

« Azy, descends si t’es une femme, viens te battre la vieille ! »

Michelle ferma finalement la fenêtre sans un mot, mais son visage –ou plutôt ses yeux- semblaient avoir viré au rouge de colère. Elle était énervée ? Eh bien ça tombait bien, Ange aussi ! La porte de l’immeuble s’ouvrit. Mais ce n’est pas Michelle qui en sortit…

Philou, trente-six ans, employés de bureau à La Poste, en robe de chambre rose fit son apparition. Il était visiblement dans le même lit que Mikeline lorsque celle-ci avait ouvert la fenêtre, et rien que de les imaginer tous les deux, c’était carrément dégueulasse. Et puis il commença à parler..

« Non mais vous vous croyez où les mecs ? On parle pas à une femme comme ça. C’est méchant.. »

Voix aigüe.. beaucoup trop aigüe… beaucoup, beaucoup trop aigüe… Ange manqua d’avaler de travers sa salive. Un petit rigolo le Philou !

« Essaye même pas d’imaginer c’que je pensais de toi dans mes quatre m². Tu partirais en courant. » Tim haussa les épaules, le pauvre avait bien le droit de penser à sa divine personne en son absence. C'est vrai qu'il avait dû beaucoup lui manquer, alors s'il avait pu se consoler comme ça... Tant mieux pour lui. Ça lui filait quelques frissons tout de même, mais c'était ça, être un ami, laisser son pote fantasmer sur lui... Bref Mikeline était arrivée avec ses dessins sataniques sur les paupières. Le principe était de sortir tout droit d'un manga ou d'effrayer les petits enfants...? Le but mystique de cette réalisation laissait Tim perplexe. « Azy, descends si t’es une femme, viens te battre la vieille ! » Quel roublard, quel hardiesse ! Oser s'en prendre à Michou la grosse cuisse, ça, c'était du courage ! Alors que le blond s'attendait à la voir débarquer en petite tenue, un autre homme surgit. Elle en avait mis, dans son lit ! Après gros robert, c'était Philou le postier... « Non mais vous vous croyez où les mecs ? On parle pas à une femme comme ça. C’est méchant.. » Heu, c'était quoi cette erreur de la nature ? Peut-être qu'il s'agissait en fait d'une femme, parce que cette voix là, génétiquement c'était impossible de l'avoir pour un mec qui a des cojones ! « Miche' t'les a mordu avant que tu descendes ou quoi ? » « Je ne suis pas pour la vulgarité... » « Beh quand même Philou, fais péter ta virilité j'sais pas ! » « Je suis plutôt romantique, doux, courtois et galant... ». Tim avait devant les yeux l'homme le plus étrange qu'il n'ait jamais vu. En plus de se croire sur meetic, ça, c'était un vrai bonhomme, un vrai gaillard !

Philou était énervé ! Grrr. Ange en aurait presque frémi tellement il avait les jetons. En réalité, il se marrait bien intérieurement. Ce mec le faisait triper avec sa voix de tapette toute droit sortie du corps d’une femme.

« Miche' t'les a mordu avant que tu descendes ou quoi ? »

Ptêtre qu’elle les lui avait mordu avec ses yeux, qui sait… un battement de cils, et pouf, plus de coucounâtes le Philou ! Il répondit non sans mal qu’il n’était pas pour la vulgarité, et Ange songea qu’ils n’ avaient visiblement pas la même opinion puisque lui en lançait toutes les cinq secondes.

« Beh quand même Philou, fais péter ta virilité j'sais pas ! »

Ange fronça les sourcils. Ce mec n’était pas viril, point. Erreur de la nature, mal formation des cordes vocales, des testicules, mue de la voix défectueuse, ou bien production inexistante de testostérone. Bref, irrécupérable. Mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ?

« Tim veut voir c’que t’as dans l’pantalon bonhomme ! »

Il regarda alors Philou le loup partir en direction du hall, et revenir avec une chaine hifi déplaçable. Il l’alluma, se plaça au milieu de la rue, et commença à danser-chanter-se dandiner.

« CAPITAINE FLAAAAAAAAAAAAAM ! TU – N’ES – PAAAAAAAAAAS, DE NOTR-EEEEEEEE GALAXIEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE ! »

Ange le regarda, dubitatif. Et puis Michelle descendit rejoindre son amante. Ils dansaient au milieu de la rue, faisaient l’avion, puis explosaient au moment du refrain. Ambiance de ouf ! Ange se permit un sourire, ouuuuh, exceptionnel ! Il se demanda si ce qu’il avait sous les yeux n’était pas de la pure fiction due à la drogue. Puis il se résigna. Il était tellement accro que les hallucinations n’apparaissaient désormais que très rarement.

« MAIS DU FOND DE LA NUIIIIIIIIIIIIIIIIIT !!! »

Ahah, trop drôle.

« Tim veut voir c’que t’as dans l’pantalon bonhomme ! » Non, non il ne voulait pas. Tim se cache immédiatement les yeux et commença à crier, avant de se rendre compte que Philou était parti. Il revint néanmoins rapidement avec une chaine hifi sur l'épaule, en mode gangsta. Il voulait peut-être faire un battle de danse ! Bg le Phiphi. « CAPITAINE FLAAAAAAAAAAAAAM ! TU – N’ES – PAAAAAAAAAAS, DE NOTR-EEEEEEEE GALAXIEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE ! » Non, ce n'était pas une battle, c'était carrément une ambiance boîte de nuit de folie ! Ange faisait la gueule, Tim leva les bras au ciel et profitait du son. Ça envoyait tellement du lourd que Michou les rejoint pour danser comme des fifrelins ! Mais la fête ne dura pas longtemps. Un policier surgit d'un coup de l'angle de la rue et se précipita vers eux. Tim ne calcula tout d'abord pas, il voulait peut-être danser. « Je vous arrête pour tapage nocturne ! » Ah bon ? Philou leva les mains en l'air et s'écria « mais on a rien fait ! » de sa voix aiguë, qui avait grimpé d'un octave. « Vous n'avez rien fait ? Vous savez à qui ça me fait penser ? A tout ces délinquants que je hais, que j'ai déjà arrêté ! EXEMPLE ! CHARLOTTE BEAUVAIT, NADIA HEBERT, LILI BLANCHARD, LUCIE COLMA ! Mais je vais rester discret, et indiscret ! » Quel homme. Mais soudain, il fut pris d'un excès de violence. Et alors que le policier levait une matraque vers Philou, le regard de l'homme-femme croisa celui de Tim. La scène se déroula au ralenti. Avec un fond sonore sorti de la chaîne hifi, leurs regards restaient incrustés l'un dans l'autre. Jusqu'à ce que le premier coup fracasse le crâne de Philou et qu'il s'écroule par terre. « Ah putain d'merde ! ». Ce flic était complètement taré ! Un hurlement sans fin sorti du gosier de Michou, il fallait fuir, fuir tout de suite ! Tim ne comprenait plus rien mais son instinct de survie le lui intimait au plus profond de son être...

Cet homme était fou ! Seulement Ange n’avait encore rien vu. Tim semblait apprécier cette musique sortie de nulle part, ce qui n’était pas franchement le cas pour lui. Fallait pas déconner non plus. Et soudain, quelqu’un sembla entendre l’appel d’Ange, puisqu’un homme, que dis-je, un police man surgit d’une ruelle sombre. Il voulait les arrêter pour tapage nocturne, et puis quoi encore ? Ange n’avait rien à faire dans cette histoire, et il était juste venu pour casser la gueule à Tim, et il était prêt à le balancer à sa place sans aucune hésitation !

Le policier s’enflamma, et sortit un mcbaguette de sa poche. Et soudain… AH mon DIEU !!!!!!! TE AMO TE AMO TE AMOOOOOOOO !!! Ange ne rêvait pas ! Tim venait de tomber amoureux de Philou, et Philou venait de tomber amoureux de Tim ! C’était à la fois un moment magique, de grâce, et de volupté comme il en avait rarement vu dans sa vie. Et puis le mcbaguette finit par terminer sa chute dans la face de Philou, comme ça, boum. Ange resta sans bouger. Ouh, c’était quoi ça ? Pourquoi Philou venait-il de s’écrouler par terre alors que ce mec venait de lui mettre un coup de ma.. matraque ? Chiasse !

« Ah putain d'merde ! »

Alors Ange et Tim se mirent à courir aussi vite que leurs jambes le leurs permettaient. Le flic était désormais accompagné de deux autres hommes, et tous trois les poursuivaient, lâchant quelques balles au passage. Quelques secondes plus tard, Ange fut touché par une balle à l’épaule gauche, non loin du cœur. Connard, ça faisait mal ! Il porta sa main sur sa blessure, et commença à marcher de moins en moins vite, jusqu’à finir par s’arrêter complètement dans une ruelle. Il s’écroula derrière une poubelle, entre deux sacs d’ordure. Et encore une fois, il était sûr d’une chose : Tim allait le laisser crever là, comme un chien. Du moment qu’il pouvait sauver sa peau, ce fils de pute allait le faire.

« Putain t'es toujours là pour faire ton intéressant ! »

« J'vais te toucher, alors tu vas devoir calmer tes pulsions à mon égard ! »

Aïe. Ange avait mal, très mal, très très mal. Il porta sa main à sa blessure, essayant de faire coaguler le sang au maximum. Seulement plus il tentait d’appuyer sur sa plaie, et moins il avait de force. Il devait se résigner. Le gout de la liberté retrouvée avait été à la fois court, intense et merveilleux. Il tenait à remercier son coéquipier de cellule, Robert, qui l’avait accompagné durant toute la durée de sa peine. Il tenait également à dire merci à son chat, trouvé un soir de pleine lune, et qui lui avait tenu compagnie. Voilà, maintenant que c’était fait, il pouvait mourir en paix avec lui-même, et avec les autres. Il ferma les yeux. C’était fini, il était mort.

« Putain t'es toujours là pour faire ton intéressant ! »

Ange rouvrit les yeux. Ah, non, il n’était pas mort. Il vit Tim, se tenant au-dessus de lui. Sa vision était trouble, et il voyait des feuilles de marie-jeanne qui tournaient autour de Tim. C’était assez drôle, mais la situation ne prêtait vraiment pas à rire. Il allait sûrement mourir, et à côté d’une poubelle, qui plus est. Ange se fit redresser par Tim. C’était quoi cette approche très paternelle du docteur Mamour qui va sauver son patient ? Ange fronça les sourcils, mais se laisser faire.

« J'vais te toucher, alors tu vas devoir calmer tes pulsions à mon égard ! »

De toute façon, il n’était pas vraiment en position pour dire non. Il entendit lui aussi les policiers passer à côté d’eux, mais n’y prêta même pas attention. Sa blessure lui faisait horriblement mal, et il commençait à se sentir légèrement partir. Ange regarda Tim, non sans hésitation. Ce mec allait toucher à sa blessure, et ça, c’était plutôt flippant.

« J’ai le choix ? »

Son souffle était faible, et il commençait à perdre pas mal de sang. Mais cette fois-ci, heureusement –ou malheureusement- pour lui, Tim était là pour l'aider.

« La ferme, je sais qu't'en jouiras plus tard !»

Euuuh, non ? Ange ne prêta pas attention à la nouvelle connerie de Tim, et se laissa faire. A vrai dire, la seule chose qu’il pouvait faire pour l’aider, ou plutôt s’aider lui-même, c’était de ne pas montrer de réticence au fait que Tim le prenne en main.

« Faut que j'te bouge ! »

Et puis quoi encore ? Ange était très bien là, affalé sur tous ces déchets. Le français se laissa malgré tout trainer vers une maison non loin de là. Il n’essaya même pas de comprendre l’échange beaucoup trop spirituel entre Tim et la nipponne bridée.

« La mission, si vous l'acceptez, et d'essayer de sauver cette personne sans déchiqueter son bras ! Vous avez une demi-heure. »

Ange leva les yeux au ciel. Ce mec pouvait vraiment être con quand il le voulait. Lui souffrait toujours le martyre, et même la drogue qu’il avait préalablement prise de l’aidait pas.

« J’accepte ! Maintenant dépêche-toi papillon et crustacé ! »

Tim entreprit alors de sortir tout un tas d’accessoires dont Ange ne voyait pas vraiment l’utilité première. Une casserole, une bassine, de l’alcool, et un couteau. UN COUTEAU. Et là, ce fut le drame. Voilà, il allait mourir une seconde fois, tué parce que Tim ne savait pas enlever correctement une balle. Pourquoi prendre un objet tranchant pour enlever un petit objet métallique ? Une pince à cornichon, une petite cuillère à la limite, mais pas un couteau ! Non, il n’allait pas faire ça… pitié.

« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH EEEEEEENCUUUUUUUUUUUUUULE !!!! »

Il avait serré ses poings gauche aussi fort que possible. Tim venait de lui arracher l’épaule, ou quoi ? Ses yeux était désormais crispés, et il avait peur de ressembler à la chinoise qui leur servait d’hôte de maison. Il tourna la tête vers Tim tout en rouvrant les yeux.

« La bouteille d’alcool. »

Tim ne semblait pas vraiment comprendre, ou du moins, faisait mine de ne pas comprendre, ce qui avait le don d’agacer le brun.

« Passe-moi la bouteille putain ! »

Il avait besoin de se changer les idées, et pour ça, rien de mieux qu’une bonne bouteille de vodka. Il la saisit, et en but quelques gorgés. Il allait déjà un peu mieux, mais ça n’effaçait que partiellement la douleur.

« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH EEEEEEENCUUUUUUUUUUUUUULE !!!! »

« Pour le coup de poing bro. »

La douleur s’était désormais propagée dans tous ses muscles. Tim n’y avait pas été de main morte, et la lame aiguisée avait suffi à lui provoquer une douleur vive.

« Pour le coup de poing bro. »

Ange ne crut pas utile de répondre à cette remarque. Le coup de poing était amplement mérité, et il n’avait même pas envie de revenir là-dessus tellement la satisfaction avait été grande lorsque sa main avait frappée la tronche de Tim. Le bougre continua son opération chirurgicale avec minutie, tandis qu’Ange souffrait toujours autant. Il entendit d’une oreille que Tehé avait été éliminé, et eut envie de montrer sa joie. Au pire, tant pis hein. Il avait un peu trop mal pour ça, alors autant ne pas gâcher son énergie pour quelques égarements de la télé-réalité française. Tim le maintenait tant bien que mal pour que le brun ne s’agite pas trop, et lui aussi, semblait galérer un peu dans sa tâche. Tout ça pour Philou et un flic un peu trop porté sur la défensive. La vie était mal faite.

La bouteille venait de glisser dans les mains de Tim. Il devait désinfecter sa plaie, et Ange ne rechigna pas à cette idée. Il n’avait pas envie de se retrouver avec une blessure faite de pue et champignons. Le sang sortait abondement de son bras, et envahissait la table de la petite chinoise. Bientôt, Ange allait pouvoir nager dans son sang. Il reprit la bouteille dans sa main droite, et continua à la boire. Il préférait sentir la douleur dans sa tête, plutôt que dans ce putain de bras. Il regarda sa blessure, puis la balle, posée sur l’évier en face de lui. C’était quand même bien dégueulasse. Ange finit par se relever, pensant que l’opération était arrvée à son terme.

« Bon viens, on se casse. »

La bouteille à la main, il voulut sortir de la cuisine, mais fut bien vite rattrapé par son état –et par Tim, aussi-. La balle, la drogue, l’alcool avaient réussis à venir partiellement à bout ’dAnge. Il s’appuya contre le mur. Non, il n’était pas vraiment en état pour ‘’se casser ‘’.

« Bon viens, on se casse. »

« T'as cru t'allais te barrer avec ma vodka ? »

« Si ça te tente aussi, on peut aller aux urgences avant que tu te fasses une infection, avec du pue dégueulasse. T'es déjà assez moche comme ça pour commencer à pourrir ! »