Celui qui a dit: "je préfère la chance au talent" avait un regard pénétrant sur la vie. Les gens n'osent pas admettre à quel point leur vie dépend de la chance. Ca fait peur de penser que tant de choses échappent à notre contrôle. ▬ Match Point


«- Papa ? Regarde, j'ai fais comme toi, j'ai dessiné , regarde !
- Pas maintenant Alee, papa est occupé, va faire un tour ailleurs .. »

Le visage triste, je m'en allais. Je quittais cette immense pièce lumineuse que mon père appelait "atelier". De grandes baies vitrées formaient trois des murs de la pièces et une verrière remplissait un toit ordinaire. Chaque rayon du soleil entrait dans cette pièce, éclairant de milles feus les centaines d’œuvres que mon père, peintre et sculpteur, avait élaboré dans l'année. C'était un artiste et je rêvais d'être comme lui. Il état mon modèle, mais un modèle absent, bien trop absorbé par son art, comme ailleurs, sur une autre planète. Après avoir quitté mon père, je parcourais le couloir de notre maison, beaucoup plus sombre cette fois ci. Ce chemin menait au salon, l'endroit qui devrait être familiale, s'était transformer en cabane privée de ma mère. La pauvre femme, dévastée par le licenciement, avait sombré dans l'alcool et les antidépresseurs. Il y avait des mois que la communication entre mon père et ma mère avaient cessé. Ils n'avaient plus rien en commun mais étaient trop pauvre pour envisager un divorce et l'achat d'un appartement pour chacun d'entre eux. Alors ils restaient là, sous ce même toit, à se croiser de temps en temps, sans se regarder. Pour ma part, je faisais la navette entre les deux pièces totalement différentes. Le repère de ma mère était sombre, sentait le tabac froid et de nombreuses bouteilles d'alcool jonchaient le sol. J'admirais mon père et je soutenais ma mère. Ce n'était pas un rôle pour une fille de neuf ans, mais c'était ainsi et je m'étais fais une raison. Plus jamais mes parents ne seraient amoureux, et j'avais deux envies, épater mon père et sauver ma mère. Entrant dans le salon, je découvrais ma mère, à moitié endormie, un cigarette se consommant entre ses doigts. Attrapant le mégot, je l'écrasais et relevais ensuite ma mère dans le canapé. Je lui tendais un verre d'eau ainsi qu'une tartine de beurre que j'avais au préalable grillée. Voilà où j'en étais rendu à neuf ans, je dessinais durant mon temps libre, je cherchais à obtenir l'attention de mon père et je m'occupais de ma mère dépressive. On peut rêver mieux, mais comme je l'ai toujours dit, il y a pire que nous, quoi qu'il arrive.



Les jours ont passés, ils se ressemblaient tous, c'était comme une boucle sans fin. Ma mère semblait s'être figé dans le temps et mon père était toujours ailleurs, loin de moi. Il n'y avait que moi de réellement vivante ici, je sortais souvent, j'allais a lycée bien sûr, mais je m'étais aussi constituer une vie en dehors de chez moi. J'avais appris à connaître les autres mais bien souvent, la réalité me rattrapait. Je faisais pas mal de conneries, j'apprenais mes limites. J'ai rencontré un gars, à l'âge de 16 ans, nous étions Bonnie and Clyde, nous deux, contre le reste du monde. Il était beau, il était fort et je me sentais vivante avec lui. C'est à ce moment là que j'ai compris que plus rien ne me retiendrait jamais ici. Alors, du jour au lendemain, j'ai pris mes affaires et j'ai tout envoyé valser. Ma mère et mon père n'ont presque pas réagit, ma mère m'a seulement glisser une boite de comprimer dans la main et mon père m'a dit de ne pas rentrer trop tard. Mais je ne suis jamais rentrée. Je suis parti, avec ce type, à l'autre bout de la Grande Bretagne, nous voulions conquérir Londres. Sur la route, à bord d'une vieille chevrolet, nous piquions à manger dans les stations essences et nous dormions dans des grandes de foin. Cet aventure était tout bonnement incroyable, mais une fois arrivée à Londres, les problèmes ont commencé à arriver. Nous n'avions ni argent, ni métier, ni domicile. Mais sans jamais baisser les bras, nous avons réussit à nous en sortir. Avant de partir, j'avais piqué le meilleur reflex de mon père et ainsi, je m'improvisais photographe dans un petit local que nous louions £20 la semaine. Petit à petit, des clients venaient photographier leurs bambins endimanchés mais peut importe, ça me rapportait des sous. Et puis, un jour, enfin, toute cette vie de galère fut récompensée.



Alors que je prenais des photos à Piccadilly Circus, un homme est venu me proposer quelque chose d'incroyable. Il avait visiblement flashé sur ma façon de prendre des photos et jetant un coup d'oeil à l'appareil il avait apprécié la beauté de mes clichés.

«- Ecoute, je suis Parisien, j'ai une galerie à Montmartre, passe y faire un tour, avec quelques clichés et je pourrais éventuellement te proposer de t'exposer et ensuite de travailler pour moi.»

Il m'avait laissé sa carte de visite. J'hésitais puis encore une fois, je quittais mon Clyde, dans le silence de la nuit et prenait le ferry pour rejoindre la France puis sa capital. Je retrouvais l'homme, un peu louche mais sympa. Il me donnait quelques adresses pour me loger sur Paris et me disait de me présenter demain à la Galerie, il verrait de quoi je suis capable. Vous voyez, avec de l'audace et une bonne dose de chance .. on peut tout réussir.