C'est le noir complet. Il n'y a rien d'autre que du noir. Du noir, du vide. Et je tombe, sans pouvoir me rattraper nulle part. Aucune source de lumière, aucun éclat doré dans toute cette noirceur. Je ne sais pas où je suis, je n'arrive à rien voir. Je tombe. Ma robe se soulève ici et là à cause de ma chute. Je hurle, sans qu'aucun son ne sorte de ma bouche. Je suis seule et je tombe. Où est la voiture? Où sont mes parents? Des larmes coulent le long de mes joues alors que ma chute continue. Je ne vois rien, absolument rien d'autre que le noir, que le vide. La peur s'empare de moi. Je hurle à nouveau, à me déchirer les poumons mais rien ne sort. Et soudain elle est là. Elle m'éblouie alors que je me rapproche d'elle, que je la traverse. Les sons reviennent avec brutalité. Je suis en vie. «
Elle se réveille ! » J'ouvre les yeux avec difficulté. Je bouge légèrement, mais me stoppe quand une atroce douleur parcourt le moindre de mes muscles. Je lâche un gémissement de douleur. Les médecins s'activent tous autour de moi. Je bafouille quelques mots incompréhensibles puis, reprend de manière plus compréhensible. «
Où.. Où sont... Mes... Parents? » La couleur blanchâtre de ma chambre change vraiment des teintes noires de ma longue descente. Je suis éblouie et j'ai du mal à garder les yeux ouverts. «
Jeune adolescente de 15 ans qui a eu un accident de voiture. Elle va bien, quelques égratignures qui guérirons vite. Pour ses parents... » La voix du médecin s'estompa. Non! Non! Ce n'était possible! Ce n'était pas ce que je pensais, ce n'était pas possible! Si moi, j'étais là, ils devaient l'être aussi! Ils devaient être là! J'empoignais faiblement le bras d'une infirmière pour qu'elle s'arrête en face de moi. J'avais les yeux emplis de larmes. Je ne comprenais rien. «
Où sont mes parents s'il vous plait... » Même sans qu'elle n'ouvre la bouche, je compris. Je fondis alors en larmes; sans me retenir. J'étais seule. C'était officiel. L'infirmière passa une main maternelle dans mes cheveux en murmurant un "désolée". Ils le sont tous désolés! Tous! Et pourtant, ça ne changera rien. Je pleure sans pouvoir m'arrêter. Je n'arrive pas à me souvenir de l'accident. Je me rappelle uniquement de cette chute longue et affreusement silencieuse. Je serre ma couverture contre moi, ce qui m'arrache un léger gémissement alors que j'appuis sur l'un de mes bandages. Je ferme les yeux. Un mauvais rêve. Juste un mauvais rêve. Je vais me réveiller. Je me pince nonchalamment, rien. Ce n'est pas un rêve. Ce n'est pas un rêve, c'est ma vie. Ma vie qui vire au cauchemar.
Impossible pour moi d'avaler quelque chose. Je ne mangeais plus, depuis des jours déjà. Je n'y arrivais plus. L'envie n'était plus là. La faim se faisait désirée. Je ne voulais rien. Rien faire, rien manger. Juste rester là, sous ma couverture dans ce lit qui n'est même pas le mien. L'accident est encore récent, mes plaies ne s'étaient pas encore toutes refermées. Celle de mon coeur étant la plus dure à guérir, celle prenant le plus de temps, celle faisant le plus de mal. Ma tante m'avait recueilli chez elle, n'ayant nulle part ailleurs où aller. Je me sentais seule, plus que jamais. J'avais toujours accepter ma situation de fille unique, mais cette position me faisait de plus en plus défaut. J'aurais préféré ne pas être seule dans ses moments là. Je posais ma tête sur l'encadrement de la fenêtre alors que la plume de mon stylo dansée sur ma feuille blanche. J'écrivais. Tout et n'importe quoi. Le nom de mes parents par exemple. Je n'arrivais pas à me défaire de l'idée de les avoirs perdus. D'avoir perdus mes seuls repères. «
A table Leo! » La voix de ma tante raisonna dans ma tête, mais sans plus. L'envie n'était pas là. Elle ne l'était jamais. Je me levais péniblement de mon lit, poussant mon petit carnet sous mon oreiller, à l'abris des regards indiscrets. Je descendais rapidement les quelques marches pour me rendre dans la salle à manger. Ma tante avait des revenus moyens, ni pauvre ni riche, nous vivions plutôt bien. Je m'installais rapidement à table. Je n'étais pas décidée à manger, je n'en avais pas envie. Je souriais à ma tante lorsqu'elle me mettait de quoi manger dans l'assiette. J'avais ma propre technique. Je lui faisais croire que je mangeais mais à chaque fois qu'elle tournait le dos, je passais la nourriture à son chien qui se faisait un plaisir d'engloutir le plat. Je ne mangeais rien. Par fois, j'essayais, mais je finissais par ne pas le supporter. Elle ne s'en rendait même pas compte, trop occupée dans son train-train habituel. Je n'étais qu'un de ses obstacles qui faisaient que sa vie ralentissait. Je n'étais pas censée être là. Mais je m'en contentais et elle, elle vivait avec. Je voyais bien des fois, qu'elle était ravie que je sois là. D'autre fois qu'elle aurait préféré le contraire.
«
Je cherche à prendre un appartement. Avec ou sans colocataire, je m'en fiche. Je voudrais avoeir mon indépendance. » Les mains jointes devant moi, les doigts entrelacés, je regardais la femme devant moi qui me proposait toute une panoplie d'appartements tous plus intéressants les uns que les autres. Je voulais changer. En 5 ans à rien faire de plus que de déprimer dans une chambre sordide, ce n'était pas une vie. Je voulais évoluer, bouger dans le monde d'aujourd'hui. Je cachais mon anorexie encore à ma tante, bien que celle-ci l'ai rapidement remarquer vu le nombre de tailles que j'ai perdu pendant ses 5 longues années. J'ai repris mes études, des études de lettres. J'essaye de survivre dans le monde malgré toutes les petites peurs que je peux avoir, celles qui me hantent. Je tente aussi tant bien que mal de manger, mais rien ne passe. Je n'y parviens toujours pas. Je suis seule, encore et toujours mais c'est mieux comme ça. Je l'ai eu cet appart à moi, et j'y vis seule pour l'instant. Qui sait ce que pourras m'apporter la vie dans quelques temps? L'avenir nous le dira.
Je suis avec elle. Avec cette magnifique blondinette. Elle me rend heureuse, elle change ma vie. Elle m'aide à vivre et moi aussi. Elle est tout ce dont j'avais besoin, elle est arrivée comme ça dans ma vie, et Dieu que je ne veux qu'elle reparte. Elle est tout. Absolument tout pour moi.