21 Mars 1995
Un homme est endormi, la joue collée à la surface du bureau devant lequel il aura été affalé durant plusieurs heures à travailler sur des dossiers. Sa bouche est légèrement entrouverte et un très léger grognement en sort à un rythme régulier. Un peu de bave à déjà coulé sur le coin de ses lèvres.
Il est en train de rêver. Il rêve qu’il quitte ce job trop éprouvant et qu’il part vivre au soleil, sous les cocotiers, sirotant un cocktail dans un bar au milieu de magnifiques créatures obnubilées par son corps bronzé et huilé. Il parle et tout ce qu’il dit est drôle et intéressant. Dans son rêve, une des demoiselles s’approche et passe délicatement sa petite langue rose… droit dans sa narine !
Retour à la réalité. Le rêve étrange disparait comme une bulle qui éclate tandis que l’homme chasse ce qui lui titillait la narine d’un grand revers de bras. Il se redresse en grognant et voit, face à lui, son collègue de bureau, un stylo à la main. L’arme du crime. Des réveils comme ceux-ci avaient le don de le mettre de mauvais poil.
"- Bon dieu Max !! A quoi tu joues ?!
- Regarde toi mon pauvre vieux, on dirait un vieux sac de linge sale humide ! C’était histoire de te secouer un peu.
- Je m’en serais bien passé… j’ai la tête dans le cirage complet …
- Je vois sa. C’est la troisième fois que tu t’endors au bureau cette semaine, Gaspard.
- Je sais … c’est à cause de cette histoire de travaux pour la chambre du bébé … Allison me met la pression et je suis obligé de terminer le soir jusque tard en rentrant du boulot…
- J’ai toujours dit que le mariage était une source d’ennuis !
- Tu m’étonne, t’as été marié 3 fois, Max.
- Deux fois. Celle à Las Vegas ne compte pas. Ô ami whiskies quand tu nous tiens …"
Les deux hommes rirent de bon cœur puis décidèrent de se remettre un peu plus sérieusement au travail.
Le temps passait et Gaspard Antollin continuait d’éplucher des dossiers. Son métier était loin d’être le plus intéressant et le plus glorieux du monde. Il était chargé de retirer les enfants des foyers ne pouvant plus les élever correctement et les plaçait dans des centres au milieu d’autres jeunes dans la même situation. C’était toujours des opérations très délicates.
Ce jour là il devra rester d’autant plus longtemps au bureau car il avait pris du retard sur pas mal de dossier. S’il continuait comme ça il sera bientôt convoqué par son patron et dûment réprimandé. Il était donc 21H00 et il était toujours bloqué au bureau. Tout le monde était partit et il ne lui restait pour toute lumière que la petite lampe de bureau posé près de son ordinateur.
C’est à ce moment là que le téléphone sonna.
Gaspard couina de dépit. C’était surement sa femme, Allison qui l’appelait pour l’engueuler car il n’était toujours pas rentré et il est vrai qu’il ne lui avait passé aucun coup de fil pour la prévenir de son retard.
A contrecœur il pris le combiné qu’il colla a son oreille et sortit l’incontournable « Allô ? » d’accueil.
"- Monsieur Gaspard Antollin ?
- Oui ? Qui est-ce ?
- Bonsoir monsieur. Ici l’hôpital de la sagesse. Nous vous appelons à propos de votre femme.
- Allison ? Qu’y a-t-il ? Elle a eu un accident ? Est-ce qu’elle va bien ?
- Tout va pour le mieux monsieur Antollin ne vous inquiétez pas. Elle à perdu les eaux et s’apprête à accoucher monsieur.
- Accou… ? Mais … Ce n’était pas prévu avant la fin du moi prochain !
- Nous sommes au courant, l’enfant est légèrement prématuré mais rien d’inquiétant. Contez-vous venir ? Le travail à déjà commencé et je ne crains que vous manquiez la naissance. Madame fait tout pur vous attendre mais ce n’est pas bon pour elle, elle est déjà bien fatiguée.
- Oh je … et bien c’est … oui naturellement j’arrive tout de suite.
- A tout de suite monsieur Antollin."
Le bip bip d’une ligne sonnant dans le vide annonça qu’on avait raccroché. Gaspard, les yeux grands ouverts et tout chamboulé posa lentement le combiné sur son socle et s’appuya contre le dossier de sa chaise. Lorsqu’il reprit un peu ses esprits, il se leva en poussant un petit cri comme pris d’un électrochoc et s’activa. Il éteignit l’écran d’ordinateur, ferma les dossiers à la hâte, attrapa sa veste et se mis à courir vers l’ascenseur.
Arrivé au parking du sous sol il se rua vers sa voiture qu’il démarra en trombe. A la sortie du garage, il braqua sur la droite en roulant à toute allure et il ne vit pas le camion arrivant sur sa gauche. Le camion percuta la voiture de plein fouet. Avec la vitesse, la voiture de Gaspard fut éjectée, fit un tonneau puis finalement s’immobilisa à l’envers au milieu de la route. En quelques secondes l’avenir fut modifié :
*Gaspard Antollin ne fut plus et ses funérailles furent organisées 3 jours plus tard.
*Allison Antollin devint veuve avant même d’être mère.
*La petite Romane Olivia Antollin ne connu jamais son père….
Carnet Secret de Romane
Des hurlements. Personne n’avait jamais su s’adresser à moi autrement que de cette manière. C’était évident que ça ne servait à rien. Si je ne réponds pas c’est que je n’écoute pas. Et si je n’écoute pas c’est que je m’en contrefiche. Alors pourquoi s’obstiner ? Pourquoi cette pauvre femme qui se dit ma mère se tue à prouve à tout le monde mais surtout à elle-même qu’elle joue son rôle de maman célibataire à merveille ? Pourquoi les professeurs s’entêtaient-ils à me donner des heures de colles pour insolence tout en sachant que cela ne changerait jamais rien ?
C’est toujours des cris. Et quand ce n’est est pas, c’est pire que cela, c’est le silence. Un silence d’outre tombe et des regards insistants. Il n’y a rien de plus horripilant que de sentir tous leurs petits yeux vicieux rivés sur moi. Juste parce que je suis « différente ». Différente par rapport à qui ? A quoi ? Qui à dit que ça c’était normale, ça c’était beau, ça c’était bien et ça, ça ne l’était pas ? QUI ?
J’ai pourtant des cheveux, deux yeux, un nez, une bouche, deux bras et deux jambes comme tout le monde ! J’ai la même apparence humaine qu’eux tous. Alors pourquoi continuent-ils de se désarticuler pour se retourner sur mon passage et me mater comme un extra-terrestre ou une bête de foire ? C’est peut être parce que je leur fait peur. Ce n’est pas ma tête qui ne leur revient pas. C’est ma personnalité. C’est mon moi que j’ai créé avec mes convictions, mes réactions, mes ambitions, etc…
Depuis toute petite je ne m’intéresse pas aux mêmes choses que les autres. Je n’ai jamais joué avec des poupées, je n’ai jamais porté de robe de princesse, je n’ai jamais joué tranquillement à la balançoire avec les autres enfants, je n’ai jamais eu d’amis, jamais partagé de moment en famille … j’ai toujours été seule. Et je m’inventais mon propre monde avec mes propres jeux, mes propres règles. Et c’est toujours valable à ce jour.
Alors oui c’est vrai je suis peut être « glauque », « has been », « glacial » et « flippante ». Je confirme s’il le faut. Mais je ne vois pas pourquoi je bougerai le petit doigt et essaierais de changer pour les autres. Pourquoi devrais-je changer ? Pour que ma maman soit fière de moi ? F*ck. A quoi bon ?
Bref, aujourd’hui j’ai 17 ans et je ne suis plus scolarisée. Je vis toujours avec ma mère dans un appartement sur Alésia dans le 14ème arrondissement de Paris. Je vois rarement ma mère car je traîne beaucoup un peu partout dans la ville. Je passe donc mes journées à me promener, voler quelques trucs par-ci par-là, traîner avec une bande dite plutôt « louche » mais ils sont cool et peuvent me procurer pas mal de petites choses, dealer, faire la fête, m’incruster dans les soirées, embêter les marmots au squatter les lycées pour mater les mecs, trouver des clients et taquiner un peu de temps en temps.
La seule chose qui me passionne vraiment c'est la photographie. Et je prends des cours chez un particulier un peu bizarre mais qui fait sa gratuitement, ou presque... au moins il m'a offert un bel appareil et je mitraille tout et n'importe quoi.
Bref, vous l’aurez compris ma vie est basée sur « j’aime foutre la m*rde », je n’ai pas de respect ni pour moi ni pour les autres et je vous ***** … antisociale, imparfaite et solitaire. Et pourtant on ne dirait pas hein ? Encore un point qui fait ma force : je suis jolie, j’ai une bouille d’ange mais c’est là tout le piège mes amis …
Certains diront que mon comportement est dû au fait que je n’ai jamais eu de père et donc un véritable manque d’autorité dans mon éducation … ces gens là sont plus c*n que leurs pieds ….