Ça allait encore mal se terminer cette histoire. La table basse était jonchée de bouteilles vide, de paquet de cigarette et de cendrier qui méritait largement d'être vidés. Je savais que Sephora allait rentrer ce soir, et d'une minute à l'autre qui plus est. Mais sur le moment je m'en fichais, je me fichais de tout. Je me fichais que l'appartement soit dans un saleétat et de la belle gueule de bois qui allait m'attendre demain matin. La seule chose qui m'importait c'était de passer du bon temps avec Léo et de profiter de ce moment que je ne partageais qu'avec lui et plusieurs bouteilles de Tequila, certes, mais elles servaient juste à accompagner l'ambiance de la soirée. A moitié allongé sur le canapé je m'allumais une cigarette avant de tendre le briquet à Léo qui vint se blottir contre moi. Passé l'euphorie des premiers verres, nous étions complètement HS. En caressante son bras du bout des doigts je le dis doucement à l'oreille : « Il va être temps de rentrer, je te raccompagne au bout de la rue si tu veux. » Peu importait qu'il le veuille ou non en fait, je voulais juste passer le plus de temps possible en sa compagnie. Son regard flouté par l'alcool croisa le mien et il nous fallut un petit moment pour sortir de l'appartement. Mon Dieu que j'aimais être avec lui. Mes idées n'étaient plus très claires mais j'étais heureux de pouvoir enfin m'afficher à ses côtés. J'avais été bien con d'avoir attendu un mois avant de venir le voir, lui dire que j'assumais parfaitement ma bisexualité si c'était pour lui. Ça n'avait pas été facile à s'avouer, loin de là, cette idée ne m'avait absolument jamais traversé l'esprit avant de le rencontrer. Et après ce mois de réflexion intense sans le voir, je m'étais rendu compte d'une chose, j'avais besoin de lui. Impossible de m'imaginer vivre sans lui pour le moment.

Sa main tenait fermement la mienne et je le laissais rentrer chez lui après une longue étreinte. Je titubais un petit peu en faisant demi-tour mais je pressai le pas, il serait bien que je puisse faire un peu de rangement avant le retour de Seph. J'avais trop bu, c'était clair, j'avais la tête qui tournait, je ne marchais pas du tout droit et il m'était impossible de réfléchir à une vitesse normale. Après être resté une bonne minute immobile à regarder le digicode sans savoir quels chiffres taper, je m'engouffrai dans le hall, puis dans l'ascenseur et arriva finalement devant ma porte qui n'était plus fermée à clef. « Seph ? » dis-je en entrant dans l'appartement. « Euh... Ferme les yeux Seph, juste deux secondes, c'est un peu... Pas très bien rangé... »

« Qui... » me répondit la voix endormie de Sephora. Super, me dis-je à moi-même dans un élan de clarté inattendu, je venais de réveiller ma colocataire qui rentrée d'un voyage de quatre jours n'avait peut-être -avec un peu de chance- pas remarquer le désordre de l'appartement. J'avais un mal de crane incroyable et j'aurais beaucoup, beaucoup, beaucoup de chance si je n'étais pas malade demain matin. Je me dirigeais lentement mais sûrement vers la cuisine lorsque Sephora surgit de nulle part et me sauta dans les bras. « Lucaaaaaaas ! » En la serrant contre moi, je me rendis compte qu'elle m'avait manqué. Son arrivée dans mon appartement il y a plusieurs semaines de cela avait été très imprévisible mais notre collocation marchait à merveille et je m'étais véritablement habitué à sa présence. En se défaisant de mon étreinte Sephora ne put que rebondir sur la première phrase que j'avais prononcée en arrivant : « Dire que ce n'est pas très bien rangé est un euphémisme. Vous étiez combien pour boire tout ce que j'ai cru voir toute à l'heure ? » Mon cerveau recevait décidément bien trop d'information à la fois et je décidais que notre conversation serait plus censée une fois que j'aurais pris un doliprane. En fouillant dans les placards à la recherche d'une tablette du médicament magique je tentais de bafouiller une réponse. « Euh... Léo vient de partir, on a passé la soirée ici, c'était sympa ! » C'est en avalant mon cachet à l'aide d'un verre d'eau que je me rendis compte de tout ce qui c'était passé durant l'absence de Sephora. Pas grand-chose en fait, elle n'avait rien raté de mondialement intéressant, mais je n'avais pas eu le temps de la tenir au courant à propos de Léo. Je la regardais en souriant comme un gosse. Nous étions tous les deux exténués et ce n'était sûrement pas le bon moment pour l'annoncer, mais je ne tenais plus. Sephora et moi nous étions beaucoup rapproché depuis qu'elle vivait ici et étant arrivée au beau milieu de l'affaire Léo, elle l'avait donc suivie de près. Et voilà, je m'étais lancé, j'étais allé le voir, après un mois de mutisme total et je lui avais avoué ce que j'avais compris pendant tout ce temps de réflexion intense et douloureuse : je l'aimais. Je ne savais pas à quoi m'attendre, il pouvait très bien me rejeter, me dire que c'était trop tard ou alors m'accueillir les bras ouverts et c'est ce qu'il fit ! Cela arriva le jour du départ de Sephora et quatre jours plus tard... Et bien nous étions plus ou moins officiellement ensemble et je dois avouer que ça me plaisait plutôt beaucoup. « Ah oui Seph, ça va mieux avec Léo. On est ensemble ! »

J'attendais la réaction de Sephora. Depuis le temps qu'elle en entendait parler de ce Léo, depuis le temps que je lui en parlais. J'avais passé le mois le plus dur intellectuellement et sentimentalement parlant de ma vie. Je n'avais cessé de me poser des questions car au fond je ne savais pas vraiment ce que je ressentais pour lui et il m'avait fallu pas mal de temps pour définir exactement mes sentiments. Cela avait été la première partie du boulot mais la seconde était tout aussi complexe, voir même plus. Aller le voir pour lui avouer en face n'avait pas été une chose facile. Maintenant que c'était fait, que tout cela était derrière moi, cela me faisait rire tellement je me trouvais idiot mais je faisais moins le malin en montant les escaliers qui me menaient à son appartement. Sephora savait très bien tout ça, elle m'avait entendu me plaindre des soirées entières, elle savait toutes mes hésitations, elle savait aussi peut-être que ce n'était qu'une question de temps, qu'il fallait juste que je trouve un peu de courage quelque part en moi et que je me lance. « Oh je suis tellement heureuse pour vous ! » Je voyais dans ses yeux qu'elle était plus que sincère. Elle m'avait toujours soutenu dans cette histoire et lui parler m'avait de nombreuses fois fait un bien fou. « C'est bête que ça soit arrivé juste quand tu étais partie, mais bon... Ça c'est très bien passé ! » « T'es en état de boire un dernier verre pour fêter cette nouvelle ? » Je restais un moment perplexe face à cette proposition. J’avais peut-être assez bu pour la soirée non ? En même temps il y avait une bouteille de vin quelque part dans la cuisine, un cadeau de je ne sais plus qui, qui n’avait pas encore été ouverte et qui ferait très bien l’affaire pour fêter convenablement l’annonce de cette nouvelle. Même si soit dit en passant cela faisait 4 jours que je fêtais ça de façon tout à fait raisonnable. On est jeune qu’une fois, c’est vrai ! « Si tu m’aides à retrouver cette bouteille de blanc qui a l’air pas mal, on doit pouvoir se débrouiller. » Inutile de préciser qu’il ne fallait pas non plus être trop long, je ne savais pas combien de temps il me restait avant de sombrer. « Et Seph au fait, ça t’as fait du bien ton exil de quatre jours ? »