« t'as vu ce poisson? on dirait ta tête. »
meet me at the aquaboulevard Ϟ pv niels.

« Au revoir Sarah », je lance à la secrétaire en sortant du bâtiment. Le boulot c'est fini pour moi aujourd'hui, et heureusement, je commençais à avoir mal à la tête. Depuis huit heures ce matin je travaille sur mon nouveau projet, et je dois emmagasiner un tas de trucs en si peu de temps, ça fatigue pas mal. Ce midi j'ai eu une pause d'approximativement dix sept minutes, ce qui n'est pas énorme sur neuf heures de boulot. Mais bon, je vais pas me plaindre hein, c'est pas comme si je n'aimais pas ce que je fais. Je suis en train de bosser sur un reportage, sur un écrivain en pleine ascension. C'est une petite jeune toute sympa, qui n'est pas encore très à l'aise avec les caméras, mais j'ai confiance en elle, je sais qu'on va pouvoir faire quelque chose de bien. Bien sûr ce n'est pas moi qui dirige le projet (ça aurait été trop beau !) mais je m'occupe entièrement du script, des questions qui vont lui être posées quoi, donc c'est plutôt une grande première, avant je ne faisais que rédiger proprement les idées qui avaient été lancées par quelqu'un d'autre. Bref, toujours est-il qu'il doit être bouclé pour après-demain, car diffusé vendredi soir, ce qui n'est pas une mince affaire. J'ai donc besoin de me détendre un peu, car la journée de demain (et d'après-demain aussi) risquent de ne pas être de tout repos ! Et puis je connais Laurent, le metteur en scène, après deux journées de boulot, il devient insupportable, donc autant que je sois le mieux possible pour que ça n'explose pas entre nous !

Je descends du bâtiment, et vais m'asseoir sur un banc, tout près. J'attendrais Niels ici. Je lui avais donné rendez-vous là, sachant que j'aurais une flemme intense d'aller autre part. Bon, aussi on avait prévu d'aller à Aquabouleverad, histoire de rigoler un peu devant la sale tête des poissons, qui n'est pas excessivement loin de France Télévision... donc inutile de se retrouver à pétaouchnoke. Je tire sur ma jupe, remonte mes collants – ce qui remonte ma jupe –, retire sur ma jupe, époussette mon t-shirt, me passe la main dans les cheveux. Ça coince. J'ouvre mon sac et en sors une petite brosse de poche, je la déplie et me coiffe. C'est fou comment cette tignasse s’emmêle vite ! Pour limiter les dégâts, je me l'attache en une queue de cheval, vérifie dans mon petit miroir que je n'ai pas de bosses, et profite que le miroir soit ouvert pour me remettre du crayon, du mascara, effacé tout ce qui a coulé, mettre un peu de poudre (naturelle hein), et de blush (bio). Je ferme le petit accessoire, le glisse dans la poche du milieu de mon sac à main, ainsi que tout le reste de mon maquillage, et – enfin ! – attrape la briquette de jus d'orange que j'avais glissé dans mon sac ce matin. Mine de rien, ces trucs-là ça requinque, et c'est toujours meilleur que le café. J'enfonce la petite paille dans l'endroit prévu, et slurpe mon jus en toute discrétion (du moins je l'espère). Niels ne devrait pas tarder à arriver, autant avoir fini ma collation avant qu'il soit là, histoire qu'il se mette pas en tête de m'en piquer ah ah. J'aspire avec bruit les dernières gouttent, et me lève pour aller mettre la brique dans une poubelle. Je retourne sur mon banc, croise les jambes, replace correctement ma jupe, et sors mon téléphone portable. « Alors mon gros nounours, quand est-ce que tu ramènes ton popotin ? C'est inconcevable de faire attendre une demoiselle telle que moi dans le froid. » je tapote sur le clavier de mon portable ringard, et envoie à Niels. Il n'est pas en retard, du moins d'à peine deux minutes, mais ça a le mérite de faire passer le temps.

baby you light up my world like nobody else, the way that you flip your hair gets me overwhelmed. and when you smile at the ground it ain't hard to tell you don't know… you don't know you're beautiful. if only you saw what I could see, you'll understand why I want you so desperately. right now I'm looking at you and I can't believe you don't know you're beautiful. that's what makes you beautiful. ₪ ONE DIRECTION - WHAT MAKES YOU BEAUTIFUL

Il sort du Moulin Rouge avec une pêche d'enfer. Le sourire aux lèvres, il hèle un taxi et s'y installe. Il a passé la journée à répéter. Entre numéros de danse en solo et de danse en duo, Jade est à bout de force. Lorsqu'il ouvre la porte du taxi jaune, lui rappelant étrangement certains taxis qu'il prenait quand il vivait à Londres, il se laisse tomber sur la banquette arrière en poussant un soupir de soulagement. Souriant au conducteur, il se contente de lui donner l'adresse de son appartement et s'abandonne à ses pensées. Il n'est que seize heure mais la journée n'est pas terminée. Sur son blackberry, il consulte sa boîte vocale mais n'y trouve rien. Il sait pourtant qu'il a rendez-vous ce soir à l'Aquaboulevard avec Alexie. Le taxi s'arrête devant son immeuble et Jade se contente de le payer tout en lui adressant un dernier signe de main avant de filer au treizième étage, là où il vit en colocation avec Alee. Shaggy, la chienne de son colocataire, l'accueille comme à l'accoutumée en lui sautant aux jambes, grognant contre lui. Accroupi, il lui caresse le crâne et lui murmure une parole gentille afin qu'elle se calme et puis, ôte son manteau, jette son sac à même le sol et se précipite dans sa chambre. Tenue correcte exigée, il attrape un slim beige ainsi qu'un pollo en laine vintage et, sans perdre de temps, se déshabille. La douche ne durera que quelques minutes, le temps nécessaire pour ramener Jade à la réalité et le déconnecter de son travail. S'il est danseur, c'est par choix et par passion, il n'est bon qu'à ça. De désillusions en désillusions, il n'a jamais été bon qu'à danser. Au niveau relationnel, c'est le calme plat et s'il a quand même quelques amis et connaissances sur lesquels compter à Paris, il faut avouer que son carnet d'adresse est bien limité. Pas facile d'évoluer dans la jungle parisienne lorsqu'on a un accent so briitish trop prononcé et qu'on est introverti. Adepte du peace&love, Jade a toujours été trop passif et trop lisse. Une image qui, parfois, le rend carrément invisible. Heureusement, il y avait le Moulin rouge, et cette nouvelle personnalité qui semblait le posséder lorsqu'il évoluer sur scène. Au final, seules les personnes qui un jour l'avaient vu danser pouvaient véritablement comprendre qui était Niels.

Les cheveux trempes, il s'habille. Le regard éteint, il esquisse un sourire en regardant son reflet dans la glace, remonte ses pommettes avec ses doigts et pensent brusquement qu'un petit lifting pourrait peut-être arranger les cernes quasi permanentes sous ses yeux et gommer les rides au coin de ses lèvres. Soupirant, il secoue son visage, attrape son sèche-cheveux et s'interdit une nouvelle pensée de ce genre. L'esprit ailleurs, il donne une dernière caresse à Shaggy et puis quitte l'appartement. Encore quinze minutes. Il hèle une nouvelle fois un taxi, sans grande conviction. Personne ne s'arrête, il soupire et opte finalement pour le métro. Dix minutes et il commence tout juste à s'enfiler dans l'incroyable queue qui s'engouffre dans la voie qu'il devra emprunter. Il étouffe un juron lorsqu'on lui marche sur le pied et bouscule une vieille dame pour entrer à sa place dans la rame de métro. Il y est, ça y est. Sept minutes et le métro s'arrête brutalement. Les lumières s'éteignent et dans la rame, un vent de panique se soulève. Jade, claustrophobe, s'agrippe à son siège et étouffe un gémissement de douleur lorsqu'un sac rencontre violemment son visage, dans la pénombre. Quatre minutes, et après des efforts considérables, il parvient enfin à se dégager de la population qui quitte la voie de métro en même temps que lui. Trois minutes et il court dans tous les sens, observant tantôt sa montre, tantôt son chemin. Alexie doit déjà l'attendre. EH MERDE !. Il se trompe de chemin, fait demi-tour et revient en arrière. Une minute et il se retrouve devant la bouche de métro, quel con. Il attrape son téléphone et le déverrouille, comme il s'y attendait, il y trouve un message d'Alexie et ne peut pas s'empêcher de sourire à sa lecture. Et puis, il reprend la route, reprend sa course. Deux minutes de retard et il aperçoit au loin, sur un banc, la tignasse blonde de son amie et lui sourit. Sa course l'entraîne jusqu'à en être suffisamment proche, pliant les genoux, il reprend son souffle en articulant, difficilement, et dans un français moyen. « Pa.. Pardon pour le retard. » Il reprend sa respiration et puis se redresse, lui adressant un beau sourire, passant une main dans ses propres cheveux pour les recoiffer, en vain. « Dis… dis moi que tu n'as pas trop attendu. »

Niels arrive en courant, et s'arrête à mon niveau essoufflé comme un chien. Il présente ses excuses, et me demande si je n'ai pas trop attendu. Je rigole, lui fais un grand sourire, et lui répond, le ton enjoué : « Mais non gros bêta, c'était pour te taquiner que je disais ça ! Et puis, tu vois, ça m'a permis d'être présentable. J'ai eu le temps de me maquiller, de me rhabiller, de me coiffer.. » À m'entendre, j'étais arrivée sur ce banc nue et les cheveux en bataille. Je pouffe à nouveau, me lève, et tapote sur ma jupe pour effacer les plis. « Alors, ta journée ? Pas trop fatiguant ? » je demande au garçon, curieuse de savoir s'il est aussi fatiguée que moi. Je commence à marcher, puis m'arrête au bout de quelques pas. « Tu veux peut-être qu'on s'arrête un peu sur le banc ? Histoire que tu reprennes un peu ton souffle, là. » Je rigole à nouveau, et sans attendre sa réponse, me dirige à nouveau vers le banc. Je m'avachis dessus, puis me redresse, pour plus de féminité. « De toute façon, on a le temps, les poissons vont pas retourner dans leur océan tout de suite ah ah. » je lâche, motivée à faire de l'humour (quoi ? Mon humour est pourri ?). Bon, j'avoue que je ne suis pas toujours très drôle, mais généralement je rigole et ça rattrape le tir. Je mets ma main dans les cheveux du garçon et lui ébouriffe les cheveux tout en rigolant. « Aller raconte moi tout Niels, toutes les petites nouveautés qui parsème ta vie depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ! » C'est-à-dire.. avant hier. En réalité, lui et moi on se voit plutôt souvent. Genre, au moins trois fois par semaine. C'est bien, on rigole bien, ça me détend des journées de travail remplies et tendues, et puis, mine de rien ça installe un petit train-train de vie pas désagréable. Je sais que nos moments ensemble, ils seront toujours là, quoiqu'il arrive, et ça a un côté rassurant. Je peux m'être complètement plantée au boulot, avoir loupée le métro, payée en retard le loyer, peut-importe, ça ne m'empêchera pas de retrouver Niels. Des fois je le rejoins au Moulin Rouge, et alors je vois la fin de l'entraînement. Il danse vraiment bien, et ça se voit que ça lui plaît, que c'est son domaine. Je suis contente qu'il ai trouvé sa « voie de prédilection », et j'espère qu'il réussira. Mais bon, je le connais, il réussira.

Je me lève soudain, prise d'un excès d'énergie, et lance joyeusement : « Allez, on y go ? J'ai hâte de voir ce que nous réserve le poisson-marteau. Enfin, si tant est qu'il y en a un ! » Je rigole à nouveau, d'un rire à pleine gorge. Oui, je rigole souvent pour rien, mais, mieux vaut rire que pleurer non ? J'adore cette phrase, je la trouve tellement vrai. Personnellement, j'essaie au maximum de rigoler de n'importe quelle situation, je trouve qu'on en sort beaucoup plus sain après, que si on se morfond sur son propre sort. Mais bon, je ne vais pas philosopher sur ça pendant des lustres, ça vous ennuierait. Je m'avance, trottinant toute guillerette en direction de l'Aquaboulevard, à quatre rues de là.

Alexie, c'est le genre de fille qu'on ne peut pas s'empêcher d'admirer et d'aimer, en même temps. Une femme forte, extrêmement brave et très attentive. Généreuse, affectueuse et tendre. Alexie, c'est le genre de fille que tout le monde rêve d'avoir pour petite amie et que toutes les filles envies. Le genre de fille que, même inconsciemment, on se surprend à admirer. Certains vous diront qu'ils la détestent, ce ne sont que des mots destinés à éluder l'admiration qu'ils lui portent. Une femme forte, une femme libérée, avec ses propres opinions et sa façon de voir les choses. Avec ses amis, elle était une femme généreuse et adorable, le cœur sur la main, elle n'hésitait pas à se saigner pour leur rendre service et pour les voir sourire, en contrepartie, elle se donnait à cent pour cent. De coups de cœur en coups de gueule, elle était avant toute chose sincère, fraîche et honnête, trois qualités rares, à l'époque à laquelle on évolue. Jade est pleinement conscient de sa chance d'avoir, parmi ses amis les plus proches, une femme comme Alexie. Digne de confiance, elle avait toujours été là pour lui, tout comme il avait toujours été là pour elle. Leurs meetings se déroulaient toujours sous les meilleures auspices et Jade prenait un plaisir fou à retrouver Alexie, ne serait-ce que pour une petite demi-heure. Chaque semaine, ils essayaient de se retrouver, c'était important pour an, ça l'est toujours. La fatigue engourdissant son corps, les idées loin d'être claires, Jade redresse son corps jusqu'à présent courbé et plante ses yeux dans ceux de son amie. Comme à l'accoutumée, elle semble ravie de le revoir et les questions fusent. Le hic avec Alexie, c'est qu'une fois qu'elle a commencé, elle ne s'arrête pas. Sans avoir le temps de répondre à la première interrogation, Alexie l'emmène sur un banc. Assis, il reprend son souffle sans la quitter des yeux et ne peut s'empêcher d'étouffer un petit rire en la regardant s'extasier de la sorte. Alexie, c'est un rayon de fraîcheur et de bonne humeur à elle toute seule. Revigorante, bouffée requinquante, c'était toujours un plaisir de la voir ainsi et de lui sourire. Entre deux respirations, Jade trouve le temps de répondre à la première question d'Alexie qui visait à savoir comment s'était déroulée sa journée. « Bonne, elle a été bonne. Un peu chargée dans la matinée, je n'ai pas vu le temps passer. Et la tienne ? » Et puis, la conversation reprend. Jade avoue avoir du mal à suivre mais semble plus amusé que gêné par la situation. La voix nouée par une excitation qu'elle ne cherche même pas à cacher, elle l'incite à lui raconter tout de sa vie, jusque dans les moindres détails. Etouffant un nouveau petit rire discret dans un toussotement, il détourne ses yeux un instant et trouve le courage de lui répondre en plongeant ses yeux dans les siens. « Rien de bien extraordinaire, tu sais. Oh ! Il y a un homme, peut-être bien, qui fait battre mon cœur. » Sous-entendu discret, sourire figé sur ses lèvres et clin d'œil, Jade n'en dit pas plus, laissant planer le doute quant à l'identité de Celestin, se doutant qu'il a sûrement déjà dû en parler à Alexie à un moment ou à un autre. Et puis, par politesse et surtout par intérêt, il lui retourne la question. « Et toi, alors ? Je suis curieux, aussi, je veux tout savoir. »

Décidemment incapable de tenir en place, Alexie se redresse sur ses jambes magnifiques, bytheway et le toise du regard, sans se départir de son sourire, plus que amazing. Jade sourit, se laissant emporter par la joie et l'excitation de sa camarade, se lève à son tour et plante ses yeux dans les siens, plus motivé que jamais à aller mater du poisson dans cet aquarium géant. « Oh oui ! Et la pieuvre, je veux voir la pieuvre. » La mer et Jade, c'était une histoire d'amour passionnelle et assez conflictuelle. Le fait est qu'il adorait nager mais qu'il avait une sainte horreur de ce que l'on pouvait trouver au fond de l'océan. Il avait peur de tous les poissons, quels qu'ils soient. Dans un aquarium ou dans une assiette, il ne risquait rien, mais lorsqu'il s'agissait de se baigner dans la mer et de devoir fréquenter de près ou de loin un poisson, petit ou gros, il était victime de sérieuses crises de paniques. « Allons-y, alors. » Son bras, naturellement, se glisse sous celui d'Alexie et ses pas l'emmènent en direction de l'aquarium. Il sait qu'il passera une agréable fin d'après-midi, puisqu'il est avec Alexie.

Niels est essoufflé, mais arrive à me répondre. Je suis contente d'apprendre que sa journée s'est bien passée. Il me demande comment s'est déroulé la mienne, et je lui réponds, un grand sourire toujours scotchée sur mon visage. « Oh je te raconte pas ! Je n'ai pas eu une minute à moi depuis ce matin, 8h. On est sur un nouveau projet là, qui doit être bouclé avant jeudi, donc imagine un peu la vitesse à laquelle on doit bosser ! Mais bon, je me plains pas, j'ai pas mal de responsabilités sur ce reportage, pour une fois ! » Je stoppe mon flot de parole, laissant Niels emmagasiner ce que je viens de lui dire, un peu trop rapidement peut-être. Je ne peux pas m'empêcher d'être excitée, de parler vite, de sourire, de rigoler. La vie se doit d'être vécue à cent pour cent, et ce n'est certainement pas en déprimant qu'on va en profiter. Et puis, la vue du garçon me met toujours dans cet état-là. Autant avec certaines personnes il m'arrive de ne pas être au top de la forme, autant avec lui j'ai toujours une pêche d'enfer, même après une journée épuisante. En répondant à ma énième question, Niels m'annonce qu'il est peut-être intéressé par un homme. Je m'arrête de gesticuler, et le regarde dans les yeux, les miens grands ouverts, mon sourire se faisant plus grand encore – si tant est qu'une telle chose soit possible – et commence à sautiller sur le banc, comme une gamine. « C'est vrai ? Oh mon dieu raconte moi tout, oh la la, mais c'est trop bien ! » Je suis heureuse, heureuse ! Je suis toujours pleine d'allégresse quand un ami me dit qu'il est en couple, ou amoureux ; et ça me rend encore plus joyeuse que ce soit Niels. Il mérite vraiment d'avoir quelqu'un, un gars comme lui ne devrait pas resté célibataire ! Je n'attends même pas qu'il réponde quoi que ce soit, et commence mon interrogatoire : « Il s'appelle comment ? Il est grand ? Blond ? Et... est-ce qu'il aime les poissons ? » Je ne peux pas m'empêcher de dire n'importe quoi. Parfois, je me désespère moi-même, et je me demande comment Niels peut me supporter. C'est vrai quoi, ça doit être franchement énervant d'avoir quelqu'un qui n'arrête pas de parler, qui enchaîne les phrases les unes à la suite des autres sans s'arrêter, qui ne peut pas s'empêcher de rigoler, de faire de l'humour – pas forcément drôle qui plus est. Mais bon, je suis comme ça, on ne pourra pas me changer. Je me rassure en me disant qu'on m'aime comme je suis, et que mes amis m'apprécient pour mes qualités autant que pour mes défauts, et que s'ils me côtoient encore c'est que je ne les dérange pas trop. J'attends que le garçon m'en dise un peu plus, toute ouïe, impatiente de savoir qui fait le bonheur de mon ami.

Il me retourne ensuite la question, veut savoir ce qu'il y a de nouveau dans ma petite vie. Je réfléchis un instant, faisant un bref résumé des trois derniers jours, et de ceux d'avant aussi, au cas où j'aurais omis de lui dire quelque chose lors de notre dernière rencontre. « Et bien, pas grand chose en fait. À part que pour la première fois depuis le début de ma carrière journalistique, je rédige entièrement le script et les questions qui vont être posées à l'auteur que j’interviewe. Je ne suis pas encore totalement maître du reportage, mais ça va venir ! Sinon, au niveau 'cœur', rien – du – tout. Pas même une petite flamme pour un beau mâle, mais ce n'est pas plus mal finalement. » Et je crois ce que je dis, être en couple c'est bien, il n'y a pas à dire. Il y a toujours quelqu'un pour te dire bonne nuit, penser à toi, t'apporter le petit-déjeuner au lit, faire l'amour, se balader, discuter, ou ne rien faire de particulier ; mais dans tous les cas, il y a quelqu'un. Mais être en couple, c'est aussi se fader les disputes, les désaccords, les jalousies, les soirées avec les potes looser de l'autre, ou louper la soirée parce que l'autre ne veut pas y aller. Non franchement, être seule à parfois du bon. Et puis, rien ne m'empêche de profiter en soirée !

Je pouffe quand Niels évoque la pieuvre, imaginant ses nombreux bras et sa grosse tête bien marrante. Il glisse son bras sous le mien, et c'est joyeusement que nous prenons la direction de l'Aquaboulevard, tels des enfants de 10 ans se dirigeant vers le nouveau toboggan de la cour de récréation. Le garçon respire la jeunesse, et à ses côtés, je n'ai pas l'impression d'avoir six ans de plus que lui. Non, avec lui, j'ai l'impression d'être encore une gamine insouciante, qui ne se préoccupe pas du monde qui l'entoure. Je le regarde, lui sourit, tout en continuant de marcher. Nous arrivons bientôt à destination, l'enseigne se distinguant déjà des autres bâtiments. Nous approchons encore un peu plus, et mon sourire diminue un peu (mais vraiment qu'un peu !) quand j'aperçois qu'il y a la queue. Tant pis, on bavardera pendant ce temps-là ! « Dis, tu savais qu'on pouvait nager dans une artère de baleine ? » je lance, prenant un faux air d'intello.