Quand la pente est trop raide, quand la terre tremble sous vos pieds et que vous ne tenez plus qu'à un fil. Que vous êtes prêts à lâcher prise et sombrer dans ce trou noir, totalement inconnu. C'est alors que votre perception, votre vision du monde qui vous entour s'en retrouve totalement chamboulé. Plus rien n'est comme avant Tout change. Le temps avance, le temps fait son devoir, et vous n'êtes que sa victime. Spectateur de votre vie.

La mort est une expérience à la fois fascinante, intrigante foudroyante, et sans aucune pitié. Comment aurais-je pu un jour, ne serait-ce que penser, qu'elle ne viendrait pas nous faucher à notre tour? On dit souvent que ça n'arrive qu'aux autres, qu'on est l'abris de tout, et on avance sans même se dire que demain, elle viendra nous enlever ce que nous avons de plus cher.

Je me revois encore rire aux éclats, je revois encore leur visage qui me hante jour et nuit, sans relâche. Ils sont là et en même temps ils ne le sont plus. J'me dis que j'aurais du prévoir. Que j'aurais du dire à mon père de rouler moins vite ce soir là, que cette dispute avec ma génitrice était de ma faute. La culpabilité me ronge petit à petit, elle m'empêche de tourner la page, et le pire c'est que je me complais là dedans. Je me sens obligé de tenir quelqu'un responsable de cet accident et il n'y a que moi. Moi et juste cette putain de solitude.

Allongé sur mon lit d'hôpital, je me demande encore si je ne fais pas qu'un cauchemar. Tout ça semble tellement irréaliste. Mais la douleur me renvoit en pleine figure la fatalité. Je ferme les yeux et l'accident défile sous mes yeux comme un film d'horreur. "Putain tu peux pas baisser le son de ton casque ?! Ras le cul d'entendre bieber à longueur de temps !" Je la fusille du regard, et augmente à mon tour le volume plus fort. " Ta gueule Piotr !" Insupportable gamine en puberté. Et voilà que la gamine se rebelle, elle augmente le volume à fond. Ma mère se retourne alors que mon père commence à gueuler dans la bagnole. Je choppe violemment le casque de ma soeur et le jette sur le sol avant d'entendre la voix autoritaire de mon paternel. " Putain vous pouvez pas la fermer tous le deux ?! Est-ce que pour une fois vous ne pouvez pas..." On a rien vu venir, tout se passe à une vitesse fulgurante, comme si vous vous passez un film en accéléré. La voiture glisse sur le verglas, elle se retourne, quitte la route. Puis tout s'arrête. Plus rien ne bouge. Plus aucun son ne me parviens si ce n'est le sifflement de mes oreilles. Le film se met sur pause, alors que je suis là, toujours conscient. Instinct de survie, le plus primaire qui soit. Je m'extirpe tant bien que mal de la voiture. A peine ai-je eu le temps de m'éloigner que la violence de l'explosion me projette en arrière. Mon corps s’effondre telle une poupée de chiffon sur le béton.

Mon coeur lâche. Je suis sur la table d'opération et en même temps je flotte au dessus de mon corps. J'ignore comment je suis arrivé là mais j'ai l'impression de vivre vraiment. Je peux voir de tous les côtés, je n'ai plus de limite que le corps humain impose. Il semble même que je peux aussi traverser les objets. J'entends tout ce qui se passe autour de moi, je vois le médecin s'acharner sur mon corps en arrêt cardiaque. J'ai l’impression d'aquérir une connaissance infinie, d'avoir des milliers d'années derrière moi. Et puis, soudainement, je me vois dans ce tunnel de lumière. Rien n'est semblable sur terre, ce sentiment de plénitude, d'amour incommensurable, je n'ai jamais ressenti une telle joie de mon vivant. Un choix s'impose.Je peux partir vers cette lumière ou alors retrouver mon corps. Immédiatement je pense à ma famille, et si ils étaient vivants ? Si ils avaient survécut ? Je me devais d'y retourner...au risque de tout perdre.

J'ouvre les yeux. Allongé sur ce lit d'hôpital, je me rappel de chaque détails qui m'on poussé à être là. Ma mère, mon père, ma soeur... " Je suis désolé... Ils ne sont plus là". Tristesse, haine, culpabilité, douleur, remord se repend en moi comme du poison.

C'était le 20 Décembre 2011. Le jour où tout bascula.