je dois partir maintenant et laisser tourner la terre
laisser la poussière du temps recouvrir notre histoire entière

Je sais que c'est ni l'heure, ni le moment mais on doit se voir, pour parler. Être réveillée par ce genre de SMS à près de deux heures le matin, je n'aime pas ça. Le genre de truc qui a le don de me stresser. Me faire flipper à mort, même. Je suis restée un moment surprise dans mon lit avant d'oser répondre à Alee, l'expéditeur du fameux message. Ca ne va pas vraiment fort entre nous, en ce moment. Allez savoir pourquoi. J'essaie, pourtant. J'essaie d'aller vers lui, d'essayer de le comprendre, de comprendre ce qui peut bien lui passer par la tête... En vain. Je ne sais pas. Je ne sais pas et ça m'épuise, ça me fait un peu plus mal chaque jour, et c'est horrible. Je me laisse retomber un moment sur le matelas. Je n'ai pas vraiment envie de quitter la chaleur réconfortante de mon lit mais je suppose que je n'ai pas vraiment le choix. Déjà parce que toute cette histoire semble être sacrément sérieuse pour qu'il m'envoie un SMS si tard le soir, lui qui est si respectueux des autres, ensuite parce qu'il a réussi à piquer ma curiosité en plus de mon inquiétude. Merveilleux.

Je m'arrache donc à mes draps avec un grognement quand la peau nue de mes jambes rencontre l'air frais ambiant. Je me dépêche d'enfiler un jean par-dessus mon shorty, je change ma vieille chemise de nuit à l'effigie de Snoopy pour un débardeur noir et un gilet gris. Je ne prends pas la peine de me coiffer les cheveux, je me contente de les ramener en chignon à l'arrière de ma tête. J'enroule une écharpe autour de mon cou, je fourre mon portable dans ma poche et je file, direction l'avenue Matignon. L'air froid de Paris me mord les joues. Premier avril. En avril, ne te découvre pas d'un fil aurait dit ma mère et, là, je comprends cette maxime. Il a fait beau et chaud toute la journée mais maintenant que la nuit est installée, un long frisson glacé traverse mon dos et me chuchote que j'aurais été bien mieux au fond de mon lit. Je le fais taire et attrape au vol le dernier métro qui me permettra de rejoindre mon petit ami. Si tant est qu'il l'est encore.

Je ne sais pas trop combien de temps le trajet en métro a duré mais voilà que je débouche de Franklin Roosevelt. Je reste un moment plantée là, le nez levé vers le ciel. Dommage. Les étoiles sont invisibles. Mon chignon se détache doucement et plusieurs de mes mèches s'en sont déjà échappées et volent autour de mon visage. Il y a du vent. Finalement, je prends la direction de l'appartement d'Alee, une drôle de boule dans la gorge. Tout se passe comme dans un drôle de brouillard. Je frappe à sa porte, il ne vient pas m'ouvrir donc je prends la liberté d'entrer. Il est allongé sur son canapé. Comme souvent. « Alee ? » Je m'approche, un peu timide, indécise, effrayée aussi – comme d'habitude je ne sais pas comment il va réagir en me voyant et ça me met dans un état de stress incroyable. « Tu... voulais qu'on parle, mh ? » Voilà. La perche est lancée. A ce moment-là je ne me doute absolument pas de la bombe qu'il va lâcher.