Le souci principal quand on est lesbienne, ce ne sont pas tous les hommes lourds qui sont persuadés qu’ils vont pouvoir nous faire changer d’avis, mais c’est plutôt de savoir si les filles qu’on a en face de nous le sont aussi. Parfois ça se voit comme le nez au milieu de la figure mais en général, ce n’est pas bon signe parce que ça veut dire que la fille en question a certainement le look camionneuse, et ça non merci ! Moi pour ça j’ai une technique qui a marché quelques fois, je porte toujours un bracelet multicolore. Mais tout le monde ne faisant pas ça, ce qui complique relativement les choses, les filles hétéro n’aiment pas trop qu’on leur demande ouvertement si elles sont lesbiennes, à croire que c’est péjoratif... Enfin bref, je ne voyais pas trop pourquoi je m’étais mise à penser à ça là ; je jetai un œil à ma montre qui m’indiqua que ma pause était terminée et qui me rappela aussi qu’une femme allait arriver pour se faire couper les cheveux d’ici dix minutes, pile poil le temps de faire un coup de ménage. Le temps que je termine, une super jolie fille qui avait l’air d’avoir à peu près mon âge débarqua dans le salon, j’avais l’impression de l’avoir déjà vue quelque part sans pouvoir me souvenir où, chose assez étrange d’ailleurs parce qu’en général, les filles qui me plaisaient me restaient bien mémoire. Finalement, j’arrêtai de la fixer en me disant que j’irais voir plus tard sur le planning de mes collègues pour trouver son nom, enfin si jamais c’était pas à moi de m’en occuper... En passant près d’elle je lui fis mon « sourire test », genre le sourire entre poli et charmeur, en général c’était assez efficace, si en guise de réponse j’avais un regard froid je savais bien qu’il ne fallait pas m’acharner. Mais là j’eus un sourire en retour, un tout simple qui ne me guidait pas des masses mais qui me confirma qu’elle était vraiment super jolie. Je filai derrière le comptoir pour voir le nom de ma prochaine cliente.

« Alicia Robinson ? » appelais-je.

La jolie blonde tourna la tête vers moi avant de se lever, il y avait trois autres femmes à attendre près d’elle, une chance sur trois de tomber sur elle donc mais aujourd’hui j’avais sûrement du bol. Je l’aidai à lui passer le peignoir et l’invitai à s’asseoir sur un fauteuil face à un miroir, une fois installée j’attrapai ses cheveux pour voir rapidement s’ils étaient abîmés ou non. Puis finalement je la regardais dans le reflet du miroir pour lui demander ce qu’elle voulait, coupe, couleur, mèches...

« Je vous fait un shampooing ? »

J’avais envie de lui demander si on ne se connaissait pas mais ça ne le faisait peut-être un peu trop rapide pour le coup, à la place je continuais à tripoter ses cheveux qui étaient d’ailleurs vachement doux en écoutant sa réponse à ma question, à savoir ce qu’elle voulait que je lui fasse.

Nous étions un mardi après-midi. Un jour spécial pour moi, dans la semaine avec le dimanche. Le mardi après-midi, je ne travaillais pas. Je pouvais donc aller prendre soin de moi, toute la journée, comme je l'aime. J'allais faire du shopping, voir des amis, de la famille etc.. C'est d'ailleurs pour ça que j'aime beaucoup le mardi, et le dimanche. Les autres jours ? Je travaille jusqu'à 18h, parfois même 20h ou 21h. Et oui, c'est sa de ne pas avoir été brillante dans ma scolarité, comme mes parents le rêvaient. En même temps, je suis sûre que j'aurais pu avoir un meilleur métier que celui que j'ai maintenant, si j'étais venue en France avant mes 10 Ans. Bon, en 8 Ans j'ai bien eu le temps d'apprendre la langue française, mais jusqu'à mes 12 Ans je n'ai jamais parlée. Je me sentais seule à l'école primaire, si je me souviens bien. J'étais tout le temps dans mon coin puisque les autres enfants se fichaient de moi car je ne parlais qu'Anglais. Je décidais donc de ne plus parler du tout sauf avec mes parents à la maison, en Anglais. Une fois entrée au collège, je me suis décidée à parler mais ce fût très difficile. C'est à peine si mon meilleur ami d'enfance me comprenait, les deux premières années. Puis je ne comprenait rien aux verbes, mots invariables et tout ceci, je me sentais beaucoup trop perdue. Le seul cour où j'avais une bonne moyenne, c'était en cour d'Anglais. J'avais même 19.5 de moyenne, si je me souviens bien. Les exercices étaient très faciles. Bref, je marchais de chez moi jusqu'au salon de coiffure, j'habitais au 14ème arrondissement. Bon, ça aurait été plus facile de venir en voiture, mais je prenais au moins un jour dans la semaine pour faire du shopping et aller au salon de coiffure à pied puisque c'était le seul sport de la semaine que je pouvais faire, sans être pressée. Je continuais donc à marcher en fumant et en envoyant des messages avec mon portable. Je levais souvent la tête pour voir où j'étais et je regardais autour de moi, pour voir si il y avait des belles filles. Malheureusement, ce n'était que les hommes qui me regardaient quand je passais, et avec un sourire charmeur aussi. Bien sûr, je n'étais pas intéressée, mais c'est toujours drôle de voir des mecs qui vous drague en pleine rue sans vous connaître, en venant faire une petite approche, en faisant semblant de ne pas m'avoir vu et m'avoir poussée. Au bout d'un moment, je connaissais bien cette technique et elle me tapait sur les nerfs. Mais je me suis toujours demandée si j'aurai eu pleins de beaux mecs, si je n'étais pas lesbienne, bien évidemment. Enfin bon, en soirée certaines fois, je ne me prive pas non plus, quand je trouve personne. Une fois arrivée, je commençais d'abord par finir ma cigarette puis je rentrais dans le salon de coiffure et je m'assis dans une chaise en attendant mon tour. Il y avait deux femmes qui attendaient avec moi et je continuais à envoyer des messages sur mon portable. J'entendais une femme qui prononçait mon prénom. C'était sûrement une coiffeuse. Je levais ma tête et je rangeais mon portable et je souriais. Je m'asseyais sur un fauteuil, face à un miroir. Elle me demandait si je voulais une coupe, mèches etc.. et si je voulais un Shampoing. En la regardant, je la trouvais très belle et je lui faisais mon sourire charmeur avant de lui répondre. « Oui un Shampoing s'il vous plaît et ensuite une coupe dégradée ! » dis-je en souriant. Je continuais à sourire en la regardant grâce au reflet du miroir.

La dénommée Alicia, qui avait de jolie cheveux blonds, répondit à mon sourire ce qui ne voulait rien dire de précis, elle était peut-être juste agréable et polie, c’est possible même à Paris ! Bref, il m’en faudrait beaucoup plus pour oser éventuellement lui proposer un rendez-vous qui puisse être sous-entendu comme un rencard. Pour le moment je m’occupais de ses cheveux et uniquement de ses cheveux puisque c’était quand même un peu mon métier après tout, j’espérais juste qu’elle n’allait pas me demander de la teindre en brune parce que ça serait triste sur de si jolie cheveux – d’un autre côté je l’avais bien fait moi alors j’avais rien à dire. Finalement non, elle me demanda un shampooing pour commencer et ensuite une coupe dégradée, ce qui avait de grandes chances de très bien lui aller.

« Super, vous allez être canon, les mecs vont tomber comme des mouches ! »

Et hop, un petit compliment et une affirmation qu’elle pourra ou non démentir, le tout dit sur le ton de la plaisanterie ! Je commençais à devenir trop forte à ce petit jeu, deviner au feeling qui était lesbienne ou pas c’était marrant mais tout faire pour tirer le vers du nez c’était encore mieux. Il fallait avouer qu’avec le temps, même si je m’étais déjà trompée sur le compte de quelqu’un, je me débrouillais de mieux en mieux, et puis au pire c’est pas si compliqué de faire changer une fille d’avis. Les mecs sont si décevants de nos jours, à côté de ça, sortir avec une fille c’est un véritable bonheur, pour les petites attentions, les délires stupides, le fait qu’on se comprend beaucoup mieux, et puis aussi les filles embrassent un milliard de fois mieux que les garçons, c’est bien connu. Enfin peu importe, j’étais en train de m’égarer complètement pour le coup. Après avoir repris mes esprits je l’invitai à se lever pour se rasseoir un peu plus loin pour que je lui fasse son shampooing accompagné d’un petit massage du cuir chevelu, chose que les gens apprécient pas mal en général, et elle aussi apparemment. Je la vis fermer les yeux quelques secondes ce qui me permit de la dévisager un chouïa, pas uniquement pour la matter, mais aussi pour voir pourquoi j’avais cette impression de déjà-vu.

« Vous vivez dans le coin non ? » demandais-je. « Non parce que vous me dites franchement quelque chose ! Vous êtes cliente ici non ? »

Je failli ajouter que le truc du « on s’est pas déjà rencontrés » c’était une technique de drague vieille comme le monde mais je m’abstins parce que ça ferait un peu gros de lui sortir ça comme ça, d’autant que j’étais au boulot et que si elle n’était pas du tout de ce bord-là j’aurais plus tendance à la faire fuir, pas trop dans mon intérêt ni celui de ma patronne. Et puis me faire virer c’était pas ce dont j’avais besoin pour le moment. Quelques minutes plus tard on était revenues à la case départ, elle sur le fauteuil et moi derrière, avec ses cheveux dans les mains. Elle me montrait à quelque chose près la longueur qu’elle voulait que je coupe et j’attrapai mes ciseaux pour commencer.