Un, deux, trois ... Le décollage est relativement calme.

« Il me tardait de la voir. Deux jours, cela faisait deux jours que je n'avais pas senti son odeur, que je ne l'avais pas embrassé, ou caressé ses cheveux. Seulement deux petites journées, et elle me manquait déjà terriblement. Je me rongeais fébrilement les ongles, mauvaise habitude qui ressurgissait lorsque j'éprouvais une profonde impatience, sur la banquette du taxi qui me menait jusqu'à la gare. Je jetai un coup d'oeil à ma montre, craignant d'être en retard. En effet, une panne de réveil m'avais mis en retard, il était neuf heures cinquante six et le train était prévu pour dix heures précises. Allez taxi, roule ... Je ne voulais surtout pas la rater, ne l'ayant pas prévenu que j'irais la chercher. Lorsque le véhicule s'arrêta enfin devant la gare, j'en sortis comme une furie après avoir jeté un billet au chauffeur. J'entrai dans le hall du grand bâtiment, et me mis à la chercher du regard. L'endroit était déjà bondé, les gens se bousculaient afin de passer aisément. J'étais habitué à cela, j'habitais à Paris depuis toujours. Tout ici semblait exagéré. Ma myopie avancée n'arrangeait rien et je peinais pour voir avec netteté le visage des voyageurs. Putain de lentilles oubliées ... Où pouvait-elle bien être ? Je ne tenais plus en place, je me languissais tellement de la revoir ... Deux jours, seulement deux jours, et l'impatience était plus que présente. Je n'osais même pas imaginer dans quel état il faudrait me ramasser si elle venait à s'absenter plus longtemps. Je ne pouvais simplement pas vivre sans elle. Et je n'avais aucune envie de survivre.
Lorsque je la vis enfin, un téléphone dans une main, une valise dans l'autre, qu'elle traînait derrière elle, je me précipitai dans sa direction. Lorsqu'elle me vit, ses yeux s'agrandirent, un sourire illumina son visage et elle passa une main dans ses cheveux blonds. Mon coeur faillit s'arrêter. Elle était tellement belle ... L'admiration que j'avais pour elle était sans limite.

« Louise, tu es là ... Tu as faillis me manquer, tu sais ... »

Elle leva a tête et éclata de rire en découvrant mes yeux encore affolés de ne pas la voir. Je ne pouvais pas mentir, ce que je ressentais pour elle était bien trop fort, il était inutile de le cacher. Nous nous embrassâmes au milieu des gens. En temps normal, cela m'aurait énormément gêné. Mais à ce moment précis, je n'en avais plus rien à foutre. J'étais certain d'une chose ; je l'aimais plus que tout au monde. »

Veuillez attacher votre ceinture, nous traversons une zone de turbulences.

« Je me réveillai en sursaut en entendant l'insupportable sonnerie de mon téléphone portable posé sur ma table de chevet. Je jurai et allumai la lampe elle aussi posée sur la table de chevet. J'attrapai le téléphone en soupirant. Il était trois heures du matin, merde !

« QUOI ? »

Bien sûr, mon agressivité était dû au fait qu'il était vraiment très tôt. En tout cas, ce n'était pas une heure pour me téléphoner. Je reconnus tout de suite la voix de ma mère. J'étais vraiment surpris, je n'étais pas très proche d'elle, elle m'appelait en général une fois par semaine afin de prendre des nouvelles de moi. Je vivais dans un petit studio d'étudiant au coeur de Paris, alors que la maison bourgeoise de mes parents se situait à quelques kilomètres de la capitale. Je me redressai avec difficulté dans mon lit, mes jambes étaient encore toutes entortillées dans les draps. Ma nuit avait été courte et agitée. Je ne savais pas encore que cela allait devenir mon affreux quotidien.

« Un accident ! Louise a eu un accident de voiture ! Erwen, c'est terrible, je passe te chercher. Je serai chez toi dans dix minutes. »

Je laissai tomber mon téléphone sur mon lit. Louise, un accident. Louise, accident. Accident, mort. Je secouai la tête alors que les battements de mon coeur résonnaient dans ma tête. Non, non, non ... C'était un cauchemar, juste un vilain cauchemar. J'allais me réveiller, j'en étais certain. C'était impossible, tout simplement. J'entendis qu'on frappait à la porte. Dix minutes, cela faisait dix minutes que je fixais le néant, incapable d'esquisser un geste. Ma respiration était saccadée, comme si je venais tout juste de courir un marathon. Me rouler en boule, oublier ... Me taper la tête contre la mur, me traîner jusqu'à la porte, l'ouvrir. Découvrir le visage de ma mère, démoli. Eclater en sanglots.

Je n'étais vêtu que d'un caleçon et d'un short, ma mère prit le soin d'attraper mon manteau avant de me pousser dans la voiture.

« Calme toi, calme toi ... Un miracle est toujours possible, calme toi, elle n'est peut-être pas ... peut-être ... »

Tais-toi, tais-toi. Je ne voulais plus l'écouter, chacun de ses mots résonnaient dans ma tête, comme si elle les avait hurlés. Terrible, elle avait dit que c'était terrible. Nous arrivâmes à l'hôpital à une vitesse folle. J'étais blanc comme le marbre, et aussi froid que ce dernier. Lorsque nous entrâmes, la première personne que je vis fut une femme d'une cinquantaine d'année. Effondrée, elle se tenait la gorge. La mère de Louise. Elle gémissait, et chacun de ses cris me transperçaient le coeur encore un peu plus. Je me précipitai vers elle. Ce ne fut qu'à cet instant que je découvris la jeune femme qui lui tapotait le dos. Elle aussi semblait effondrée, ses joues était noires de maquillage. Je la connaissais, oui ! Elle était la petite amie du meilleur ami de mon Amour. Souviens toi, souviens toi ... Louise avait décidé de sortir en boîte avec son meilleur ami. C'était pour eux la fin des examens stressants mais habituels alors que l'année scolaire se clôturait. Je n'avais pas pu me joindre à eux, les miens n'étant pas terminés. C'était à ce moment là qu'ils avaient eu ce putain d'accident. Cela expliquait aussi la présence de la petite ami du meilleur ami de Louise. Lorsque cette dernière me vit, elle sauta dans mes bras.

« Erwen ... »

Ma gorge était étrangement sèche, et lorsque je voulus lui glisser à l'oreille quelques mots réconfortants, aucun son ne sortit de ma bouche. Avec beaucoup de difficulté, j'avalai ma salive. Je n'avais plus de forces dans les jambes, toute mon énergie s'était comme évaporée. Si Emma, la petite amie du meilleur amie de ma Louise ne m'avait pas retenu, je me serai écroulé.

« Alors elle est ... ? »

La réponse ne se fit pas attendre.

« Oui, elle l'est. »

Cette fois, je tombai sur le sol froid et blanc de l'hôpital, entraînant Emma avec moi. J'éclatai en sanglots. Mon cri fit trembler les murs. »

•

Louise était ma raison de vivre. Sans elle, la vie n'a plus de sens, plus d'odeur, plus de couleur. C'était comme si j'étais parti avec elle, je ne suis plus qu'un zombi déambulant parmi les gens ne me remarquant même pas. Je me suis complètement renfermé sur moi-même. Les quelques personnes avec qui je m'entendais bien avant ce drame ont essayé, se sont lassées et m'ont abandonné. Je m'en fous. Qu'ils aillent tous se faire foutre. Seule Louise comptait, et maintenant qu'elle m'a quitté, que faire ? Où aller ? Quel chemin emprunter ? Je n'ai même plus la force de m'en sortir. Malgré mes principes, je me contente de survivre.