Tu sais, j'ai pas toujours eu la vie parfaite dont j'aurais rêvé. Qu'est-ce qu'une vie parfaite en même temps ? Une enfance joyeuse, des parents aimants, puis des jouets parfaits et des amis par dizaine. Ensuite on rêve d'un amour pur, puis d'une sexualité parfaitement huilée. Et enfin la stabilité dans le travail, et l'amour de sa vie qui nous donnera les plus beaux enfants au monde. Et ces mêmes enfants rêveront des mêmes choses que nous, en ésperant que nous les satisfairons mieux que l'on fait nos parents. La vie se doit-elle d'être si pathétique ? Si dénuée d'envies ? T'en penses quoi ? Moi je dis non à cette vie, à cette vie que je n'ai manifestement jamais connue.

une nuit que j'étais à me morfondre
Tu me diras, mon enfance a été belle, oui, belle. Elle a été belle à son niveau : moyen. Mes parents semblaient m'aimer, ils semblaient s'aimer aussi. Au fil du temps nos relations se sont éteintes. Je n'ai plus cru à cet amour lorsque j'avais cinq ou six ans. J'étais jeune et pourtant si lucide, n'est-ce pas étrange ? Je n'aurais pas voulu me rendre compte de ça, mais mes parents ne m'aidaient pas, ils n'arrêtaient de s'engueuler devant moi.

Assis dans ma chambre je joue aux soldats de plombs. Je rejoue la bataille de Waterloo qui me fascine tant. Je ne sais pas pourquoi cette bataille m'attire et attise ma curiosité. Je rêvais d'être dans l'armée, me faire des copains là-bas, peut-être même rencontre une dame qui aurait ces mêmes envies militaires une fois engagé. À ce petit âge je me contentais de ces petits soldats, ils m'avaient été offerts à un Noël de la part d'un collègue de mon père. Mon père était un charmant tanneur qui travaillait dans une bien trop petite rue de Londres. Lui et son collègue n'avaient pas grand chose à faire de leurs journées. On n'avait pas beaucoup d'argent, mais on s'en sortait plutôt bien. Ma mère était institutrice. Et ce n'est pas le pied d'avoir une mère institutrice, j'avais pas l'habitude de a relache, ma mère était toujours derrière moi m'empêchant de faire la moindre connerie. J'étais assis dans ma chambre, je faisais intervenir mes petits soldats entre eux lorsqu'une réelle guerre a éclaté dans ma petite maisonné. "Tu devrais arrêter de bosser, ça reviendrait au même, et tu pourrais venir t'occuper du petit et de la maison ! Mais non, au lieu de ça tu vas au pub avec Max !" Ma mère avait lancé les hostilités, comme à chaque fois. Même si ma mère énervait au plus haut point mon père, celui-ci restait passif, il ne lançait jamais l'engueuade : ma mère se faisait reine dans la matière. Moi, moi je n'étais qu'un simple spectateur. Je ne sortais jamais de ma chambre lorsque la guerre était lancée, même en cas de petit besoin. De cette phrase découla le rocambolesque divorce parental auquel je n'ai été mêlé que pour une chose : la garde. Mes parents m'ont demandés de choisir l'un ou l'autre. Le choix ne fut pas difficile. Ma mère me faisait peur.

Alors tu vois, moi mon enfance, j'l'ai pas adorée, j'aurais pu, mais non. Mes parents se sont séparés, moi je me suis retrouvé bien plus seul qu'avant. Je vivais chez mon père, il n'était pas plus présent qu'avant. Je ne voyais vraiment pas souvent pas mère, parce qu'elle ne voulait pas me voir. Tu sais pourquoi ? Je ne suis pas quelqu'un de bien pour elle, je suis comme mon père. Elle s'est rematiée avec un gars de la haute et a honte de ce que je suis. Tu te rends compte ? Elle a honte de son propre fils. Comme si je me bouffais les crottes de nez devant ses copines. Max, l'ami de mon père était presque plus présent à la maison que mon propre père. Lui, il était vraiment dans la merde. Quitté par sa femme, elle lui avait tout pris. Tout jusqu'au dernier centime alors il était venu vivre chez nous. Je l'aimais bien. Il était très gentil avec moi et m'achetait toujours un petit soldat de plomb. Il jouait aussi souvent avec moi.

son cou portait "pas vu pas pris"
Mon adolescence a commencé dans cette ambiance, ambiance la moins propice pour vivre bien cette période, certes, mais c'est la plus belle époque de ma vie à ce jour. C'est à cette époque que j'ai rencontré ces deux personnes si chères à mes yeux : Noah et Loïs, mon épouse.

Je n'ai pas grandi à l'intérieur. J'aurais aimé resté à jamais ce petit enfant qui jouait aux soldats de plombs dans sa chambre. J'avais troqué la moquette de mon cocon pour les bancs d'un collège privé. J'y fis la plus belle rencontre de ma vie, je le crains. Dès le premier regard, un élan d'amour s'était installé en moi. Et puis j'ai voulu le connaître, le connaître comme un ami j'imagine, puis l'amour s'est emparé de moi. "L'amour" reste un grand mot lorsque l'on parle de deux jeunes hommes, mais non, je dirais bel et bien l'amour. Le premier amour, même. Je ne me tarissais pas de regarder son corps si bien formé à cet âge, j'aimais le regarder de haut en bas, de gauche à droite, le transpercer de mes yeux, et surtout j'adorais provoquer le contact, un contact bref et prompte. Je ne pensais pas que cela lui faisait un quelconque effet, mais moi, moi ça me faisait de l'effet bien plus qu'il ne le faudrait. Pourtant, je suis pas sur de ma sexualité. Suis-je gay ? Suis-je bisexuel ? Je n'ai encore jamais aimé de femme, ni d'homme d'ailleurs. Il est le premier, il possède l'exclusivité de mon envie et de ma passion. Quelle que soit mon attirance pour lui, notre amitié est bien présente, et s'est en ce titre que je me trouve devant sa porte ce soir-là. Il veut que l'on travaille ensembles, n'est-ce pas une tactique de drague chez les femmes ? Peut-être en est-ce une aussi chez les hommes... Quoi qu'il en soit je n'avais pas resisté à la tentation de passer une soirée seul avec lui. Il y eut une autre tentation à laquelle je ne pu pas me tenir. Dans un élan de fougue, entre deux lignes de Shakespeare je déposais sur les lèvres de mon ami mon premier baiser. Le même baiser que donna Juliette à Roméo, le baiser fatal. Je n'attendais pas tant de sa part et je ne suis pas déçu, je ne dirais que le contraire. Je ne sais pas si c'est une chose heureuse ou non mais il m'a rendu ce somptueux baiser. Et nous ne nous sommes pas arrêté là, ô que non. Peut-être n'aurais-je pas dû ceder à l'envie de déposer sur ces bijoux rosés mes lèvres humides. La suite fut aussi passionnée que tragique. Bien rapidement, emmenés par la fougue de notre jeunesse et nos libidos bien trop en berne à notre âge, nous n'avons tardés à nous retrouvez le torse découvert l'un sur l'autre. Lui sur moi. Il était alors comme moi, c'est lui qui menait les choses et je me laissais faire. Ses mains et ma peau semblaient s'apprécier, tout comme mes sens aimaient ces sensations qu'il me procurait. Tout aurait été parfait si cet homme si rude n'avait pas fait irruption dans le manoir. Il n'était pas dur de reconnaître le père de l'objet de mon désir. Il n'était pas non plus dur d'imaginer la suite, ni même de penser que j'allais me retrouver bien rapidement hors de cette immense masure. Ce que je ne pensais pas, c'est que je ne te reverrais plus jamais Noah.

sous le soleil exactement
On était bien trop jeune lorsque l'on s'est connus. On n'aurait pas dû aller si vite. À dix huit ans je l'ai rencontrée, je l'ai aimée. Je n'étais pas au mieux de ma forme, elle m'avait relevée tant bien que mal, par amour, par amitié je ne sais pas. Je n'étais même pas sur de l'aimer à l'époque, je la trouvais terriblement conne. Mais elle était jolie et sympa alors on est sorti ensembles. Je suis pas certain que c'eut été une bonne chose, mais à cet âge-là on ne peut pas juger du bien et du mal. Et puis elle était plutôt douée au niveau du lit. Alors on s'est aimé, j'imagine que c'était cool, pour elle comme pour moi. Elle aussi a voulu faire des études de droit. Elle s'est plantée et est devenue fleuriste, revirement de situation intéressant. J'ai continué mes études, elle n'a pas su pour Noah, m'a juste demandé une fois pourquoi ce gars dont elle me voyait si proche ne faisait plus partie de mes relations "Je sais pas, c'est la vie." lui avais-je simplement répondu au détour de la conversation. Aux yeux du monde je suis on-ne-peut-plus-hétéro, après tout il y a neuf ans que j'ai rencontré Loïs et je l'ai si souvent trompée... avec des hommes. Je ne suis pas capable de me suffir d'une baise une à deux fois par ans. Je ne suis pas capable de me suffir d'une baise une à deux fois par ans. Et je suis devenu un avocat, puis un très bon avocat. Elle ne quittait pas mes côtés et nous avons décidés de nous réunirs dans un petit appartement à Paris. Tout deux très bons en français, cette ville nous fascinait. Le rêve à la française nous tendait les bras. C'est dans ce même appartement que j'eus le droit à cette phrase fatidique "Ca te dirait pas qu'on se marie une bonne fois pour toute après ces neuf ans ?"

sous le soleil exactement
Tu vois, au petit matin de mes vingt-sept ans je n'ai pas une vie qui me convient. Certes j'ai un bon métier, une belle femme. Mais j'ai eu une enfance plus ou moins bonne, une sexualité très peu huilée. Et surtout une vie amoureuse catastrophique. Il n'est d'aucunes vies dont j'aimerais remplacer la mienne. Mais j'aimerais vivre dans le piment ou dans un feu ardent. J'ai une vie bien basique, soporifique. Je n'ai pas de nouvelles de mes deux parents. Je ne sais même pas s'ils sont toujours en vie tu sais... Ma vie ne tourne qu'autours de mes clients et de ma Loïs, elle est belle quand même, et me détend les neuronnes avec ses conneries. Si seulement je n'avais pas perdu ce stupide Noah. Je voudrais tant le serrer dans mes bras, l'embrasser encore et encore à la place de la femme que je vais épouser d'ici peu. Mais peut-être est-il mort, peut-être se fait-il frapper tout les soirs, peut-être qu'il est un homme à femmes maintenant. Peut-être n'est-il plus celui que j'ai aimé.
Paris est une belle ville, une très belle ville. Espérons qu'elle embellisse ma vie.