Lorsque je recouvre peu à peu mes esprits, la nuit a déjà plongé la ville de Londres dans l'obscurité. Je me trouve dans une ruelle, mais je ne saurais dire où exactement. Cette ville est pour moi un labyrinthe, c'est la première fois que j'y met les pieds. Je n'ai nulle part où aller de toute façons, ayant de toute évidence préféré dépenser tout mon argent dans la drogue et l'alcool plutôt que dans un appartement ou au moins une chambre d'hôtel. Des directions ou des noms de rues ne me servironts à rien. Je n'ai pas le temps de formuler une autre pensée que la nausée s'empare de moi et je gerbe mes tripes sur les pavés de la ruelle. Je m'essuie le coin de la bouche à l'aide de ma manche et me relève avec peine, mon corps endoloris se rebellant contre moi. Merde, j'ai l'impression de m'être fait renversé par un bus. Je ne me souviens de rien depuis mon arrivée. Je passe une main dans mes cheveux et titube en avant, prenant une direction au hasard, espérant pouvoir trouver un abri où je pourrais passer ce qu'il reste de la nuit. C'est alors qu'une voix me parvient, une voix douce et chantante. La voix d'un ange. Je crois à une hallucination ou à un rêve. Si c'est le cas, je ne veux plus jamais me réveiller, voulant me noyer dans ce chant à tout jamais. Quelqu'un m'agrippe fermement le bras, m'empêchant de faire un pas de plus. Je relève la tête et mes yeux se posent sur le visage d'un jeune homme. Il se répète, mais ses mots ne font aucun sens pour moi. Voyant qu'il attend une réponse je hoche simplement la tête. Il m’entraîne alors avec lui, comprenant bien que je ne suis pas en état. Nous arrivons bientôt dans un petit studio. Gentiment, il me pousse jusque dans une pièce et me donne une serviette et des vêtements propres.

― Ça va te faire du bien.

Puis il me laisse seul dans la salle de bain, fermant la porte derrière lui. Je me regarde dans un miroir. Je suis en piteux état, on dirait un dépravé. Ce que je suis d'ailleurs. Mes vêtements sont tâchés de sang et d’alcool. Lorsque j'en ressors, mon cerveau est légèrement moins embrumé. Je retrouve mon sauveur dans le salon et le dévisage sans gêne. Il me sourit. J'en suis troublé. Je ne comprends pas pourquoi il ne m'a pas laissé crever dans la rue. Je ne représente rien pour lui. Personnellement, je serais passé devant un pauvre type dans mon genre sans lui adresser un regard. Ouais, je suis de ces mecs qui ne se rappellent jamais de la soirée de la veille, se réveillant dans le lit de parfaits inconnus et baisant pour arrondir ses fins de mois. La musique ne me rapporte rien et je ne sais rien faire d’autre.

― Tu t'appelles comment ?
― Josh.
― Je suis October, t'habite où ?

Cette fois je ne réponds pas, mais il semble comprendre la merde dans laquelle je suis. Il me sourit doucement, une vague de chaleur me traverse alors. Merde, on dirait une gamine de collège.

― Tu peux rester ici autant que tu veux mec.

Je suis donc resté chez October quelques mois. Il n'attendait rien de moi et j'étais simplement heureux de pouvoir rester avec lui. Nous savions tous les deux que ça ne pouvait pas durer, c'était trop beau pour être vrai. Je n'avais jamais été impliqué dans une relation sérieuse avant lui, cela dit, j'aurais absolument tout fait pour October. Grâce à lui, j'ai pu prendre un nouveau départ, j'ai pris un boulot en tant que barman et je suis resté sobre tout le temps de notre romance, ma seule drogue c'était lui. Bref, je suis presque devenu un citoyen modèle. Mais bientôt, je me suis senti coupable. Il méritait bien mieux que ça. Alors, je me suis barré à Paris, ma seule explication étant " C'est pas parce qu'on aime quelqu'un que ça nous donne le droit de pourrir leur vie".

Après ça, j'ai recommencé mon auto-destruction, essayant de l'oublier. J'y suis parvenu sans peine, plutôt étrangement. Bientôt, je me suis rendu compte que je ne tenais pas tant que ça à lui. Je crois qu'il le savait. Je m'étais juste trouvé une excuse pour me barrer. Il avait réussi à m'enchaîner, me priver de ma liberté. Merde, je préfère de loin rester un gamin, sans passé ni futur. Je ne veux pas d'attaches. Foutez-moi la paix et laissez-moi finir ma descente en enfer.