Je suis née un certain 12 septembre, dans une maternité à Paris. Mais je ne résidais pas là-bas, enfin, mes parents, quoi.
Mes parents m'ont nommée Lune parce qu'on la voit tous les soirs sans jamais pouvoir l'atteindre vraiment; parce qu'elle est toujours au-dessus de tout et qu'elle disparait tous le jour, réapparaissant à la tombée de la nuit. Sinon, parce qu'ils aimaient ce prénom, tout simplement, et qu'il n'est pas très courant. Et pourquoi Annonciade ? C'était le nom de mon arrière-grand-mère, ou quelque chose comme ça. Et Zoé ... Aucune idée, à vrai dire.
Quinze jours après ma naissance, on reprenait l’avion pour New York. Parce que, oui, c’est là qu’on habitait. Mon père était diplomate et était à ce moment-là en poste aux Etats Unis, mais ma mère avait préféré se rendre à Paris pour l’accouchement, ce qui était compréhensible.
Je passai les deux premières années de ma vie là-bas. Certes, je n’en ai aucun souvenir, à part peut-être ma chambre dans le noir ou le zoo de Central Park.
Mon père est un français de souche, le genre à vous apprendre les bonnes manières à table et tout le tralala. Ma mère, Vénézuélienne ; ils se sont rencontrés lorsque mon père était en poste au Venezuela, il y a 22 ans de cela. C'est pour cela que je parle couramment l’espagnol, et que j'ai été obligée de prendre allemand comme deuxième langue en 4ème.

Deux ans après, c’est en Égypte que mon père fut nommé comme "numéro deux" à l'ambassade de France. Pendant trois ans, cette fois. Nous avons déménagé trois fois là-bas ; au début, dans une grande maison avec jardin etc. Mais pour je ne sais quelle raison, nous avons changé et habité un appartement en face du zoo du Caire - je me souviens parfaitement des heures entières que je passais à regarder les animaux depuis mon balcon ! Cet appart' était aussi à deux pas de l'ambassade de France, où mon père travaillait. Puis mes parents ont finalement opté pour un appartement au neuvième étage d'un haut immeuble, dans le quartier de mon école maternelle. Bien sûr, c'était une école française. Il y avait aussi le Guezira club où je montais à cheval - de simples balades au pas, certes – et où je jouais simplement. Et à mes 3 ans, j’eus un petit frère. Mes parents l’appelèrent Alexandre, et deux ans après sa naissance, on remit les voiles pour Paris.

Du CP au CM2, j’habitais un appartement du VIème arrondissement, au premier étage d’un vieil immeuble du genre Haussmannien, dans une petite rue entièrement résidentielle qui rejoignait la rue d'Assas et le boulevard Raspail. J'allais à l'école primaire Littré, une petite rue parallèle à la rue de Rennes, à deux pas de Montparnasse. A cette époque, j'étais bonne élève et une gentille fille sage qui passait ses après-midi chez ses amies à jouer aux figurines. Enfin, ce jusqu’au CM1, où l'école et le travail commencèrent à sérieusement me taper sur les nerfs. En CM2, déjà, je répondais à mon maître et passait mon temps à écrire des lignes comme punition. Comme j’aimerais le croiser dans les rues aujourd’hui, ce salopard. Bref. Il n’y a pas grand-chose à dire sur ces années non plus, à part peut-être que c’est là que j’ai commencé à connaître cette magnifique ville qu’est Paris ; je jouais avec mes amis au Jardin du Luxembourg et traversais la rue de Rennes tous les matins pour aller à l’école. Et oui, ça marque, ces petits détails !

Cinq ans après avoir débarqué à Paris, nous repartions pour un nouveau pays : Chypre. Une île minuscule de la méditerranée, qui ne me disait rien au début. L'île d'Aphrodite. Mon père y avait été nommé ambassadeur de France, pour la première fois de sa carrière. Je pleurais tous les soirs, maudissais mes parents qui m’avaient arrachée à tous mes repères et obligée à me retisser une toile. Je ne comprenais pas pourquoi on avait quitté la plus belle ville du monde pour une capitale dont je ne connaissais même pas l’existence auparavant ...
Mais mon avis changea vite. La première année passée, je commençais à m’habituer à ma nouvelle routine. Ce n’était pas si mal, finalement. Les gens de mon collège – bien que je les détestais tous la première année – étaient cools, et il était tellement petit qu’on se connaissait tous sans exception. Je commençais à vraiment apprécier l’endroit, l’habituel beau temps et le fait que personne dans l’île ne comprenne ma langue ; mes amis et moi nous amusions souvent de ça :p. C'est aussi là que je commençais à sortir, à fumer et à grandir, peut-être.

Mais voilà, ça ne pouvait pas être aussi beau. Je devais déménager, encore et toujours. A la fin de ma cinquième, je devrais mettre les voiles et partir pour les Etats Unis, encore une fois. Mon père avait été nommé à l'Unesco de New York, pour je ne sais plus quel poste. Ça me rendait malade. J’avais toujours été contre l’ « American Dream » et la fascination des gens pour ce pays qui n’a aucune histoire. Mais bon, ça me rassurait un peu que mon père n’ait pas été nommé dans un pays comme la Mongolie ou encore l’Estonie ; il fallait voir le bon côté des choses …

Après tout, New York n’était pas n’importe quelle ville. Et j’avais de la chance qu’on ne soit pas partis à Washington D.C, où je me serais sérieusement fait chier. Alors, j’emballais mes affaires en pleurant silencieusement, la gorge serrée ; je commençais à m’habituer à mon rythme de vie assez singulier. Je commençais à me rendre compte de la chance que j’avais, en fait.
Et encore un petit bout de temps dans une nouvelle ville. Je ne savais pas exactement combien d'années, mais au moins deux ans. J’essayais de profiter le plus possible, de me dire que contrairement aux autres mon bonheur ici était limité. C’est peut-être pour ça que je suis un peu partie en couille, il faut bien se l’avouer. Bon, je fumais déjà, et je savais que c’était ridicule. Alors pourquoi ? Bonne question … Et puis, étant donné que j’avais un passeport diplomatique, c’était impossible de ne pas profiter de ses privilèges ; la beuh américaine ne m’a pas ratée. Parce qu’en Amérique les gens, on fume pur.
Avant ça, je n’étais pas vraiment intéressée par les garçons, enfin, je m’en fichais. Je n’étais jamais sortie avec un mec et ça ne me dérangeait pas. Je m’étais toujours mieux entendue avec eux qu’avec les filles, donc si j’avais commencé à sortir avec eux, je ne m’en serais jamais sortie … Et puis, je ne faisais pas attention à moi. Je savais que j’étais jolie et ce sans avoir jamais été coquette. Donc pourquoi se casser la tête à se rendre encore plus jolie ? Ça me paraissait stupide. Je me moquais pas mal des petites pestes qui couraient après les garçons alors qu’eux se fichaient d’elle royalement. Je connaissais leur avis sur elle et n’avais aucune envie qu’ils pensent ça de moi.
Mais j’étais encore une gamine, à cette époque-là. J’étais encore une enfant, au propre sens du terme. C’est peut-être l’adolescence qui m’a changée, qui sait ? Tout le monde change à l’adolescence.
Quand je suis arrivée à New York, j’ai compris que je pouvais me créer une toute autre image, une image qui me correspondrait vraiment. Personne ne me connaissait, là-bas, c’était une occasion à ne pas rater. J’ai commencé à m’habiller comme je le voulais vraiment, à virer ce style « garçon-manqué-je-m’en-fous-si-je-ressemble-à-un-sac » pour un style plus féminin tout en restant provocateur ; c’était un genre de punk soft. Bien sûr, je suis restée différente parce qu’être comme tout le monde, ça a toujours été la dernière chose que je voudrais.
Bref. Quand je suis arrivée à New York, j’avais l’impression d’avoir tout le monde à mes pieds, et je détestais ça. Comme les garçons ne m’aimaient pas seulement pour mon physique, les filles se sentaient obligée de m’intégrer. Et c’est peut-être triste mais c’est comme ça que je me suis frayé un chemin dans la vie mouvementée de New York.
Puis, fin troisième, pour le lycée, voilà que je devais encore partir. J’étais devenue plus forte, plus sûre de moi et simplement habituée. En partant, je ne versai que quelques larmes et me jurai de revenir, simplement. Et puis je partais pour Paris, ma ville natale, que je connaissais déjà ; je ne plongeais pas les yeux fermés dans l’inconnu ; j’appréhendais.

Et voilà, c’était la dernière étape. La dernière ligne droite. A mes dix-huit ans, je n’aurais plus de passeport diplomatique et n’aurais plus besoin de suivre mon père dans ses aventures. Mon frère avait maintenant douze ans et nous étions devenus très proches, tous les deux. On se couvrait mutuellement, coûte que coûte et il savait qu’il pourrait compter sur moi à sa première cuite.
A Paris, tout se passait parfaitement bien. Nous habitions le même appartement que la première fois, donc de ce côté-là il n’y avait pas de problème. J’aimais mon lycée et ses lycéens, de qui je m’étais bien vite liée d’amitié.
Je ne faisais rien en cours, et chaque année passais de justesse, à un demi-point près. En 1ère, je me suis tournai vers la filière littéraire, car j'aimais lire et écrire et que je devais me débarrasser des matières scientifiques le plus vite possible si j’avais un minimum d’ambition …
D’un côté, d’après mon avis, 16 ans à Paris ce n’est pas fait pour bosser. Je vous assure, c’était contre mon grès. Je ne pouvais pas travailler correctement ! Entre les énormes free parties aux Catacombes – après lesquelles j’avais besoin d’une journée de sommeil, que je n’avais généralement pas - et les simples petites soirées posées entre potes les soirs de semaine, c’était techniquement infaisable. Alors, je m’accrochais toujours au dernier wagon du train quotidien. Toujours le dernier, parce que j’avais un minimum de conscience pour ne pas le louper complètement mais pas du tout assez de raison pour arriver à l’heure.
Bref, en gros, ma vie se résumait à bédave, boire (quoique très peu ; j'ai toujours détester l'alcool et n'en bois qu'en cas d'urgence ;p ... ), m'amuser ( ce simple mot en englobe un tas d'autres, je vous préviens ), emmerder le monde et ... aller en cours. Je n'ai pas dit travailler, non. J'y allais juste pour la présence, et pour le fun, parce que c'est vrai que c’était marrant, les cours.
Problème ; Obstacle ; Trou dans le pavé que je n’avais pas vu alors que je courais : Á force de ne rien foutre de ma vie, je retapai ma terminale et ratai mon bac. Au rattrapage, je le réussi mais ne pus échapper à la deuxième année de terminale. A la fin de ma deuxième année, je ne trouvai aucune université ou fac. Et puis, je n’avais absolument aucune idée de ce que je voulais faire… Alors, mes parents, qui étaient et sont actuellement en poste en Espagne me laissèrent l’appartement et un an ou plus pour me décider. Me voilà alors chômeuse, glandeuse, tox et désespérée dans cette grande ville. Je suis un peu perdue, à vrai dire. Mais je suis jeune et je m’en fiche, pour l’instant …

« Et puis… on verra bien. T’façon, c’est mon destin. »

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