Les yeux fermés, la chaleur du soleil via la fenêtre, une couverture tellement confortable et puis sa peau contre la sienne. Yannie souriait, car même s'il avait les yeux clos, il savait que c'était elle. Son odeur, sa main sur ses côtes, son corps et puis son odeur, encore. La veille, elle était apparue à l'appartement pour l'aider un peu sur une matière que Yannie ne comprenait pas du tout. Il n'y comprenait toujours rien, d'ailleurs, puisque ça n'avait même pas prit vingt minutes qu'ils s'étaient embrassés, comme d'habitude. Et puis toujours comme d'habitude, ils avaient fini par rejoindre le lit de Yann' pour .. S'aimer davantage. À chaque fois qu'ils couchaient ensemble, c'était comme si Yannie retrouvait l'espoir qu'elle finirait par céder et enfin vouloir de lui en tant que petit ami. Qu'elle finirait par dire .. Oui. C'était arrivé quelques fois qu'elle accepte, mais leur couple n'avait jamais duré bien bien longtemps. Elle finissait toujours par faire demi-tour et dire que 'ça ne pouvait pas marcher'. Bordel, qu'est-ce qui ne marchait pas? Elle avait peur et ça, Yannie le savait. Il ne pouvait pas lui en vouloir, c'est pour ça qu'il continuait de l'aimer encore un peu plus à chaque jour. Ça en devenait pitoyable, elle allait finir par l'achever avant sa maladie. Il n'y pouvait rien s'il était heureux lorsqu'il était avec elle. Pire que de la drogue. « Yannie.. ? J'sais que t'es réveillé, ouvre les yeux. » Une petite phrase simplette qui l'avait fait sourire davantage, puis il avait finalement ouvert les yeux pour regarder la demoiselle qui était tout contre lui. « Évidemment que je suis réveillé. D'ailleurs, c'est rare que t'es encore là quand je me réveille.. » Elle avait sourit timidement tout en baissant les yeux comme s'il y avait un truc qui la tracassait. Yannie, de son côté, avait encore plus espoir que ça signifiait quelque chose qu'elle ne se soit pas sauvée avant qu'il ouvre les yeux. « .. Je vais devoir y aller bientôt. » Le sourire du jeune homme avait tranquillement disparu puis il soupira lorsqu'elle lui dit qu'elle allait devoir partir. Il fallait toujours qu'elle parte.. Pas moyen de la garder un peu plus longtemps. Il avait un examen cette après-midi sur la matière qu'il avait 'étudié' hier avec la demoiselle et il savait qu'il allait le foiré. Si elle restait encore un peu ça allait le rendre heureux un peu plus longtemps. « Tu veux pas rester? On pourrait se rendre à l'université ensemble tout à l'heure.. ? » Il voyait dans ses yeux qu'elle se cherchait des excuses pour partir. « Yann' .. Non. » Un seul mot. Un seul. Elle venait de gâcher sa journée. « Bordel Camille! C'est quoi pour toi nous deux? Du sexe? » C'était rare qu'il lui disait aussi directement ce qu'il pensait, mais là, ces temps-ci, la vie devenait de plus en plus difficile pour lui. Il en avait marre d'attendre après elle, ce qu'il en avait marre. « Bah voyons, qu'est-ce qui te prend? » Là, c'était la totale. Il se redressa de sorte à être assis puis haussa les épaules. « Je t'aime, Cam, c'est aussi simple que ça. » Ils s'échangèrent un regard, mais la demoiselle ne répondit pas. Comme si ça coûtait la peau des fesses de dire un simple moi aussi. Les deux s'étaient finalement levés puis habillés avant de sortir de la chambre. Grayson était assis dans le salon alors Yannie lui fit un petit signe de main en guise de salutation. Yann' n'avait pas le sourire sur les lèvres, ce matin. Il raccompagna mademoiselle jusqu'à la porte d'entrée puis ils échangèrent un bref baiser avant qu'elle franchisse le seuil de la porte. Aussitôt la porte fermée, Yannie s'accota contre le mur en levant la tête au ciel -ou au plafond, si vous préférez-. « Fait chier. » Il se dirigea vers le salon et espérait que son frère allait se la fermer car il n'avait pas du tout envie de parler de cette fille ce matin. Il se laissa tomber sur le sofa tout en prenant un de ses livres d'étude sur la petite table. Il allait complètement foiré l'exam de cette après-midi, c'était certain. C'était du chinois, pour lui. ll regarda sa guitare du coin de l'oeil puis revint à son fucking texte sur l'anatomie. Il en avait vraiment marre, c'était pitoyable.

Putain de réveil. Grayson avait malencontreusement oublié de retirer la sonnerie de son portable, et il fut bien malheureusement réveillé vers huit heures. Cela faisait à peine quatre heures qu'il était couché, alors il avait vraiment besoin de plus de sommeil. Pourtant curieux comme il était, il ressentait une grande envie de connaître le destinaire du message. Il avait eu raison de regarder qui avait provoqué son réveil, sinon il aurait regretté de ne pas s'être levé avant. C'était bel et bien Flavie, sa meilleure amie, il aurait du s'en douter. « Je sais d'avance que tu vas me détester, mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je viens à peine de me réveiller, mais l'envie de te voir est déjà présente. Alors, peux-tu venir ? » Pour rien au monde Grayson aurait raté ce genre de rendez-vous avec la rousse. Il devait y aller. Non pas parce qu'il avait peur qu'elle soit fâchée en apprenant par la suite qu'il s'était finalement recouché après avoir lu l'invitation, mais plus parce qu'il avait réellement le besoin de la voir. Ça aurait pu être n'importe quel jour, heure, et admettons qu'il aurait été avec quelqu'un d'autre, nul doute qu'il se serait tout de même déplacé jusqu'à elle ; seuls son frère et Alaska étaient l'exception à la règle. Le tatoué ne pouvait refuser une sortie avec sa meilleure amie, ça lui paraissait trop impossible. Parce qu'elle avait beau avoir une grande envie de le voir, il l'avait tout autant qu'elle. Seulement, c'était tous les jours ; raison pour laquelle sans doute qu'ils se voyaient pratiquement tout le temps. Il avait beaucoup de mal à la quitter quand il devait partir, tout simplement car c'était dur et horrible juste le fait de ne plus la voir quelques heures. Du coup, il lui répondit positivement, tout en demandant où ils allaient bien pouvoir se retrouver et surtout à quelle heure. Quelques secondes suivirent, et la réponse était déjà incrustée dans l'écran du téléphone. « Un pique-nique ? A midi, au parc. Je t'aime. ♥ » Il sourit. Pour la preuve d'amitié, et aussi pour l'idée qui lui paraissait déjà géniale alors qu'il était encore installé dans son pauvre lit. Encore un oui envoyé, et il prit l'initiative pour finir de bouger ses fesses. Coup de main afin de retirer la couette se tenant au-dessus de lui, un autre dans le but de poser l'appareil sur la table de chevet, et le voilà enfin debout, simple caleçon en guise de tenue.

Il se déplaça jusqu'à la fenêtre de manière à ouvrir les volets. En vue du soleil, Grayson ne put se retenir de fermer les yeux, les rayons de celui-ci étaient bien trop forts. Il alla donc s'isoler dans la salle de bain, après avoir bien trainé dans le couloir tel un escargot. Douche désormais allumée, il attendit environ une minute nu comme un vers pour que l'eau soit bien chaude, puis entra à l'intérieur. Sourire au coin. Cela lui faisait tellement de bien cette eau sur le corps qu'il aurait bien voulu y rester encore de nombreuses heures. Seulement, il souhaitait quand même profiter de sa journée, bien qu'il lui restait au moins quatre heures devant lui. Mais c'était aussi pour une raison économique. L'eau, ça coûte cher. Enfin sorti au bout de dix minutes d'écoulement de flotte, il attrapa la première serviette qu'il aperçut et l'enroula autour de sa taille. Brosse à dent, peigne, vêtements insérés ; après toutes ces étapes, il fut enfin prêt. Il disparut alors de la salle de douche dans le but de se rendre dans le salon. Il patienta simplement, attendant le réveil de son frère. Il avait vraiment envie de jouer de la musique avec lui dans la matinée, mais ne désirait tout de même pas le réveiller, il n'était pas salaud à ce point, il respectait le sommeil des autres - certes des fois il l'embêtait en criant un "on se réveille" tout en se jettant sur lui, mais c'était rare et l'heure virait plus entre le 10-11h. Deux voix se firent entendre, une plus aiguë que l'autre, ce qui permit à Grayson de comprendre que Yannie était avec une fille. S'était-il réellement fait un coup d'une nuit, cette fois ? Il souriait déjà d'avance avant même d'avoir vu la jeune demoiselle, mais il était fier de son frère à ce moment-là, jusqu'à ce que les deux arrivent et que la fille quitte l'appartement. La brune, Grayson la connaissait. Non pas personnellement, mais Yannie lui avait beaucoup parlé d'elle et il l’apercevait de temps en temps dans les lieux. Et il ne l'appréciait surtout pas, car elle faisait trop souffrir le petit, et il détestait ça. De plus, le tatoué avait prévenu tant de fois de ne plus la voir, du coup il fut forcé de placer une phrase sur le sujet, même si Mister Langlois n'avait pas l'air d'en vouloir discuter puisqu'il s'allongea sur le canapé sans lui adresser un mot. « Je peux te dire un truc, Yannie ? » Ce dernier allait être certain que ça allait être sur ça, sur cette fille, et il lui aurait sans doute rabâché qu'il ne souhaitait plus en parler, réponse qui aurait mis Grayson dans une colère noire, ce qui aurait donc provoqué une bonne grosse dispute. Alors il continua, avant que son frère puisse dire quelque chose. « Oh et puis merde, même si tu n'as pas envie d'écouter ça, tant pis. Juste que tu me déçois frérot. C'est tout ? Vous baisez et elle part ? C'est bien ça qu'il se passe hein ? » Il avait compris ce qu'était désormais leur relation et tout ce qu'il voulait, c'était le bonheur de son frère. Et selon lui, c'était bien entendu sans cette fille.

Au plus profond de lui, Grayson le savait. Il avait bien conscience qu'en parlant de cette fille, Yannie se fâcherait et apparemment il avait bel et bien raison, puisque ce dernier jeta son livre contre le mur par énervement. Kurt essayait de se souvenir de la dernière fois où il aurait vu son frère, être dans une colère noire. Mais ça devait remonter à très loin car il ne s'en souvenait plus. Le voir dans un tel état, ça l'effrayait bien entendu, pour l'unique raison qu'il n'en avait pas du tout l'habitude. Même si le tatoué savait que la situation allait virer au drame, il n'avait pas pu s'empêcher de lui faire des commentaires sur la relation qu'il entretenait avec cette fille. C'était plus fort que lui. Bien sûr, son intention n'était pas de faire du mal à son frère, il préférait carrément le savoir heureux. Contrairement à ce qu'il désirait, il n'était pas joyeux. Il l'avait vu au moment où il avait apparu dans la pièce, en fait, au moment où elle dut partir ; raison pour laquelle il fut obligé d'évoquer le sujet, que ça lui plaise ou non. Il comprit à quel point il était triste lorsqu'il lui répondit d'une phrase au ton très énervé, ça se sentait. Yannie n'était jamais énervé. Ça lui arrivait de craquer, d'avoir des petits coups de blues ou même des crises de nerfs passagères, mais pas un état comme ça, il n'avait jamais répondu à Grayson d'une manière pareille. Langlois espérait de tout coeur qu'il disait ça, juste histoire d'être à son tour blessant, de répondre méchamment comme il l'avait fait, mais qu'il ne le pensait pas. Car il lui avait fait une réflexion sur le fait qu'il couchait à droite et à gauche, mais il n'avait pas tort. Grayson était un dragueur et c'était normal qu'il ne finisse pas dans un lit tout seul. Il n'en avait pas envie d'ailleurs. « Sauf que moi, tu vois Yannie, je ne les aime pas ces filles et je n'ai pas cette envie d'avoir une relation sérieuse avec elles. C'est différent mon pote. » Puis, la situation vira au drame. Alors que Grayson était toujours sur le canapé, il n'avait qu'une envie c'était de se jeter sur l'autre afin d'attaquer son frère. C'en était de trop. Il venait de lui dire difficilement - d'ailleurs il ne savait pas pourquoi il bégayait autant - qu'il ne pensait qu'à lui et que ce n'est pas toujours aussi beau qu'il pouvait le penser. Grayson était toujours là pour lui comme pour ses amis, alors comment pouvait-il prononcer une phrase pareille ? Il avait la rage. Il faisait tout pour lui et il le ferait encore, alors il fut réellement peiné face à ça. Pourtant il n'eut pas le temps de réagir, de dire quoique ce soit ou même de lui mettre une petite gifle juste par rage. Son frère commençait à faire une mine désastreuse, montrant que quelque chose lui faisait terriblement souffrir. « Ben, qu'est-ce qui t'arrive ? » le questionna t-il. Il pensait que c'était une simple crampe qui partirait deux minutes après, mais non, bien sûr que non, ça ne partirait jamais. Cependant, lorsqu'il l'observa se jeter littéralement à terre tout en se repliant sur lui-même, il comprit bien vite qu'une chose horrible était en train de se passer. Mais, quoi ? C'était bien sa question. Même si Yannie lui avait très gentiment -hum- demandé de ne pas essayer de comprendre tout ça, il n'allait pas rester là sans bouger, sans rien dire. Il avait perdu un peu conscience juste avant ça, ce qui avait permis à Grayson d'arriver près du corps de son frère en à peine deux secondes. « Yannie, m demande pas ça, tu sais que c'est impossible en te voyant dans un état pareil. Dis moi ce qu'il se passe, je t'en supplie... Il y a un truc. Tu n'as pas mangé depuis combien de temps ? Tu es fatigué en ce moment ? Ca aurait pu te créer cet évanouissement là. Mais.. mais.. tu n'aurais pas eu mal à ce point. Tu.. tu.. as quoi ? Hein Yannie ? Qu'est-ce que tu as frérot ? Dis moi. Je.. Je suis trop inquiet. Désolé pour toute à l'heure, je voulais pas. Je.. excuse moi okay ? Mais dis moi. Dis moi. » dit t-il en ayant déjà oublié la dispute précédente. Il s'inquiétait souvent pour rien au sujet de son frère, ça il le savait. Pour lui, c'était un simple évanouissement du à une fatigue constante et un manque de nourriture. Il prenait conscience que Yannie travaillait beaucoup avec ses études, alors il pensait directement à cette raison. Mais même s'il en était persuadé, il avait horriblement peur. Il ne comprenait pas pourquoi, surtout qu'il ne savait rien encore. Mais c'était comme ça, il s'inquiétait toujours pour ses proches, même quand ils avaient rien. Il passa ensuite sa main sur le visage blanc - il avait changé de couleur en l'espace de quelques secondes - et le caressa simplement en prenant parole de nouveau. « Tu es tout blanc, on dirait bien que tu es malade. »

Non. Non. Et encore non. La seule chose que Grayson ne pouvait réellement pas supporter, c'était bien de voir son frère souffrir. Déjà qu'il était mal à cause de cette fille qui venait de partir, si en plus il tombait par terre et faisait un malaise, c'était bien plus que terrible. Même s'il lui interdisait de poser n'importe quelle question, il était bel et bien trop inquiet pour le laisser là, sans rien faire. Ce n'était sans doute qu'un manque de nourriture, se disait-il. Il était malade, rien de plus. Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre de toute façon ? Yannie a toujours été en grande forme, jamais Grayson ne l'avait vu dans un état pareil, alors ce n'était pas possible autrement. L'inquiétude, la panique, la souffrance d'apercevoir son frère souffrir, voilà quel sentiment il eût en le voyant tomber du canapé. Rien de plus, rien de moins. La peur, aussi. De toute manière, dès qu'il s'agissait de la santé de son frère, de son bonheur, de sa joie, il était toujours mort de trouille. Il devait toujours tout faire pour lui, afin de le rendre heureux, peu importe si cela passait avant le sien. Il ne pouvait tolérer qu'une larme dégouline de sa joue, qu'il ait les yeux rouges à force d'avoir pleurer toute la soirée, de rester dans son coin. Alors chaque jour de son existence, il vérifiait que tout allait bien de son côté, que sa vie roulait comme sur des roulettes. Il était à la base attentionné, le grand tatoué. Mais avec le membre de sa famille, c'était d'autant plus. Vous imaginez bien qu'un enchaînement de circonstances comme celles-ci, étaient dans l'obligation de le rendre bien plus paniqué qu'il ne l'a jamais été. Sa copine qui s'invitait chez eux que pour du sexe et le prenait pour je ne sais quoi - Grayson ne pouvait encore moins supporter une chose : qu'on prenne son frère pour un débile naïf -, son évanouissement, et le comble : ses pleurs. Les larmes de son semblable le tuer, le rendait totalement dingue d'inquiétude si je puis dire. A ce niveau-là, c'était bien pire que ça même. Encore quelques secondes de larmes, et il allait se mettre à trembler, pensant que c'était la fin pour son frère. Parfois il partait loin, voyait que le négatif et pensait à des choses bien trop terribles par rapport à la situation. Il ne saisit pas réellement le sens de la phrase de son frère, lorsqu'il lui dit qu'il était malade et qu'il le serait toujours jusqu'à la fin. Que voulait-il dire ? Il pensait de suite que son frère devenait pessimiste, qu'il avait un petit coup de blues après s'être écroulé, tout simplement. Il ne chercha pas plus loin car pour lui, c'était une simple évidence. Il ne pouvait pas souffrir d'une grave maladie, c'était techniquement impossible. Il se permit alors de sourire, en se moquant rien qu'un peu : « Oh mais frérot, ne t'en fais pas, tu ne resteras pas malade jusqu'à la fin de ta vie hein ! Je vais de suite appeler un médecin d'ailleurs, tu vas voir que ce n'est pas grand chose. » Pas grand chose. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas dire ! Pas grand chose, pas grand chose. S'il savait ! En disant ça, Grayson essayait plutôt de se rassurer lui-même, de se dire que tout allait bien, ça le permettait d'être moins inquiet. Mais il ne croyait pas un mot de tout ça, il savait que c'était plus grave, mais il ne s'imaginait par contre pas à quel point. Une simple maladie. Pas une comme celle-là. C'était certain que ça allait lui prendre un coup, ça allait même le déprimer, mais qu'importe, il fallait bien qu'il soit au courant un jour. Plus que quelques minutes et la révélation le perturbera. Puis, voyant que son frère était toujours allongé sur le sol froid, il lui demanda : « Tu te sens d'attaque à te relever ? Je veux dire, tu as assez de force ? Parce que bon, je préférais te voir allongé sur le canapé, on dirait que tu vas mourir dans cette position, à terre. » Comme quoi, il accumulait les conneries, les bêtises qu'il ne fallait pas dire. Yannie aurait pu crever ce jour-là, comme n'importe quel autre jour, mais il aurait pu. Ce sol aurait pu être son lit de mort. CA aurait pu. Grayson ne sourit plus, il fit juste une mine interrogatrice. Il désirait juste savoir s'il se sentait capable de se mettre debout, avant d'aller téléphoner au médecin, histoire d'expliquer à celui-ci ce qu'il s'était réellement passé, et s'il pouvait bouger ou non, car il allait forcément obtenir certains détails avant de venir dans leur appartement. Il essayait de garder le sourire, du moins de se forcer, afin que son frère l'imite par la suite. Il voulait le mettre en confiance, le rassurer en même temps que lui, lui dire que tout allait bien, que tout était bien. Il se faisait passer pour un grand naïf face à son frère, mais peu importe. Il ne savait ce qu'il fallait croire, il était totalement perdu face à ce genre de situations. La réalité le perdait, et il avait un espoir, un très grand, que sa chair, son sang, n'avait véritablement rien. Oui, rien. Que son état ne craignait rien. Qu'il irait bien. Qu'il n'allait pas mourir - même s'il n'y pensait même pas, c'était envisageable, même impensable qu'il puisse crever.

Les yeux remplis de peine, les larmes coulant toujours autant sur son visage, Yannie lui dit clairement qu'il ne voulait pas voir un médecin ici. Et qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire si l'un d'entre eux venait dans leur appartement ? Grayson fut choqué. Il était déjà paniqué, et si en plus son frère n'était pas apte à comprendre qu'il fallait d'urgence qu'il soit soigné, ça devenait rapidement grave. Bien entendu, il allait lui demander des explications, il devait en avoir, il ne comprenait pas du tout le fait qu'il ne veuille pas en joindre un. Avant d'aller téléphoner, il souhaitait ses raisons. Pourquoi donc il réagissait d'une telle façon ? Appeler un médecin, le faire venir ici, entendre que tout allait bien, qu'il avait juste attrapé une petite maladie, ça l'aurait totalement rassuré. Parce que oui, il s'imaginait déjà le pire. Mais en fonction des réactions de son petit-frère, il se demandait de plus en plus et petit à petit ce qu'il pouvait bien avoir. Il se trouvait assez bête de ne rien comprendre à tout ça, de ne pas entreprendre les bonnes actions, les bonnes intentions face à cette situation, face à son frère qui pleure alors qu'il ne connaît point le pourquoi du comment. Il était bien trop choqué pour lui poser directement une question après cette révélation, il était juste accroupi auprès de son frère, le regard dans le vide. Il ne savait quoi penser, quoi dire, quoi faire. Devait-il téléphoner même si l'accord de son frère n'y était pas ? Devait-il pleurer, rire, sourire ? Devait-il le consoler ? Il n'en savait rien, il était totalement perdu. Lorsque son frère se leva enfin pour se poser assis sur le canapé, Grayson quitta son regard posé sur le sol dans le but de le regarder faire. Il était curieux de savoir s'il allait une nouvelle fois tomber à terre, s'écrouler, souffrir. Et il ne voulait plus voir une scène comme celle-ci, non merci, plutôt mourir. Puis là, une seconde suivit pour qu'il le regarde comme il ne l'avait jamais regardé dans les yeux, et lui déclara que chez le médecin, il y allait toutes les semaines et depuis un long moment. Comment ça ? Pourquoi donc ? Et comment cela se faisait-il qu'il ne l'avait jamais remarqué ? Et pourquoi il ne lui avait jamais demandé de l'accompagner ? POURQUOI ? Il était entre deux sentiments : furieux et mal, très très très mal, vraiment vraiment vraiment mal. Parce que s'il se déplaçait un jour sur sept chez un docteur, ce n'était certainement pas pour rien. Un être humain n'y va que quand il est malade. Pour un rhume, un mal de gorge, une grippe ou quelque chose dans le genre, c'est une seule fois, histoire d'avoir les prescriptions de médicaments pour la semaine et de guérir. Cependant, Grayson comprenait bien que "depuis un long moment", signifiait plusieurs mois, et c'est ça qui l'inquiétait horriblement. Il ne savait quoi dire, il attendait juste une suite à ce qu'il venait de dire. Il ne pouvait répondre, il était juste en état de choc ; et cela devait sans aucun doute se voir sur son visage. Il était comme un gars ne savant quelle expression de visage prendre. Il était désormais debout, il s'était levé pour ne pas s'écrouler à terre comme l'avait fait Yannie quelques minutes auparavant. Il se tourna pour ne pas avoir à affronter le regard de son petit bout de chou de frère. Celui-ci vint rapidement dans ses bras, ce qu'il s'apprêtait à faire d'ailleurs, il ne voyait plus que ça à faire en fait. Il lui dit clairement qu'il allait finir par... La suite était évidente. Les médecins ne pouvaient rien faire pour lui. Il entendait cette phrase, plus les pleurs de son frère qui ne cessaient pas. C'était trop. Vraiment trop. Il n'en pouvait plus. Il avait besoin de boire, là, boire encore et toujours. Il ne pouvait pas. Non. C'était juste impossible. Son frère ne pouvait pas partir. Il ne pouvait pas l'abandonner. Il ne pouvait pas crever en le laissant là. Et il savait bien qu'il ne plaisantait, il n'aurait jamais pleuré comme cela. C'est vrai que quand ils étaient un peu plus jeunes, il s'amusait à se faire croire qu'ils allaient mourir, juste histoire de se faire un peu peur, de rire un bon coup ensuite en insultant l'autre d'enfoiré. C'était bon. Mais il savait que cette révélation était réelle. Doucement, il quitta les bras de son frère, alla dans la cuisine, ouvrit une étagère, attrapa la bouteille de vodka dans laquelle contenait encore le demi litre, prit un verre et engouffra le tout dans sa bouche. Il avait les larmes aux yeux. Il allait pleurer. Suffisait encore un peu, le temps qu'il prenne conscience que son propre frère allait crever, il fallait qu'il s'y fasse, il n'arrivait pas encore à y penser, à se dire que c'était bel et bien vrai. Il revint dans le salon, avec son verre rempli jusqu'au bord pour la deuxième fois. Il passa devant son frère, sans un regard, il ne pouvait même pas le regarder, il aurait pleuré tout de suite. Il se posa juste devant la fenêtre, regardant les gens et voitures passer. Il ne pouvait pas le regarder, il n'y arrivait. Ses pleurs l'achevaient totalement. Sans quitter du regard la ruelle, il demanda d'une voix triste, déprimée, la gorge serrée : « Dis moi direct ce que tu as Yan', n'attends pas plus longtemps pour m'apprendre la vérité, je peux plus attendre. » Et il pleura, tellement fort qu'il en faisait tomber des larmes dans son verre, qu'il but d'une seule gorgée ensuite.

Une malade au coeur. Yannie, son frère, avait une maladie au coeur. Grayson regrettait déjà de lui avoir posé la question, il n'aurait jamais du être aussi curieux de savoir pourquoi, lorsqu'il lui avait certifié qu'il allait bientôt crever. Il s'en voulait déjà d'avoir demandé, il s'en voulait déjà de souffrir, il s'en voulait déjà de faire souffrir son frère parce que justement il souffrait, il s'en voulait déjà de pourrir d'avance leurs derniers jours à passer ensemble. Les larmes coulaient de plus bel, elles ne s'arrêtaient pas. Il avait juste mal et peur à la fois. Peur d'être seul une fois que son frère ne serait plus là, ce n'était même plus un doute ou une supposition : il allait être seul. Sans lui, sa vie n'aurait clairement plus d'intérêt, il savait que sans lui, il allait couler, mourir à petit feu, ce n'était pas envisageable, totalement impossible de voir ne serait-ce qu'une seconde la vie sans son petit bébé de frère. Ouais, c'était son petit bébé à lui, vous savez. Et ce petit chou allait mourir. Il était même plus triste à ce stade-là, une grande déprime s'installa en lui au moment-même où son frère lui avait annoncé, ce fut comme un électrochoc, ça c'était fait directement. Grayson n'avait pas l'habitude de pleurer et le voit dans un tel état était rare, cela faisait des années qu'il n'avait pas chialé autant. Il n'avait jamais chialé comme ça, en fait. Il se sentait déjà crever. Il n'allait pas bien. Il pleurait, oui, il avait mal, oui. Mais il avait ce point au cœur, au ventre, dans tous ses membres. Et il tomba à terre. Il n'avait plus de force afin de rester debout, il n'avait plus de force pour quoique ce soit. A ce moment-là, il n'avait envie que d'une chose, c'était d'être déposé sept mètres sous terre et qu'on le laisse là. Que ce soit fini pour lui. Dans de telles conditions, il ne pourrait continuer à vivre. Assis, il posa sa tête contre la baie vitrée, se tenant toujours devant la fenêtre. Il regardait le dehors en tentant d'oublier la révélation, mais rien n'y faisait. Les larmes coulaient toujours et il se dit rapidement qu'autant en finir tout de suite, en sautant de la fenêtre de l'appartement, ça irait plus vite. Puis il s'est ressaisi en se disant simplement qu'il avait encore du temps à passer avec Yannie et qu'il fallait surtout pas gâcher tout ça. Il se tuerait pour le rejoindre quand il sera réellement mort, voilà. Il savait que ça faisait du mal à son frère de le voir dans un piteux état, mais il ne pouvait s'empêcher de boire encore de la vodka et pleurer. Il essayait tant bien que mal d'arrêter ses maudites larmes qui allaient rendre Yannie encore plus mal qu'il ne l'était déjà, mais il n'y arrivait pas. Il se détestait complétement. Puis, une fois que la vue l'agaçait aussi, il pivota la tête vers son petit bébé qui lui était assis sur le fauteuil, il ne voyait que son dos. Mais il imaginait qu'il avait une tête de déprimé lui aussi. Se levant difficilement à l'aide du mur, Grayson failli une nouvelle fois tomber. Il s'avança jusqu'au canapé, s'approchant petit à petit de son frère. Il resta debout, lui faisant un câlin en passant ses bras par-dessus le dossier pour serrer sa tête contre lui. Entre les larmes, grayson essayait tout de même de parler : « Yannie.. N'en parle pas, je sais une grosse partie.. et.. et vu comment ça.. ça me fait mal, je.. je préfère pas.. pas savoir la suite de.. de toute manière.. re. » Il lâcha ensuite son frère, contourna la canapé, s'allongea dessus et posa sa tête sur les genoux de son frère en le regardant dans les yeux. Il pleurait toujours. Il s'en voulait de montrer une image comme celle-là à Yannie, d'un petit gars tout triste, il s'en mordait déjà les doigts, mais il voulait tellement le regarder, peut-être que ça calmerait ses pleurs, il n'en savait trop rien. Il attrapa la main de son petite bébé de frère en lui déclarant : « Je.. je serais toujours.. toujours là Yan', toujours. » Il avait une autre question, mais il avait peur d'en demander trop et que ça gêne Yannie, vu qu'il n'avait certainement plus envie d'en parler. Mais il avait besoin d'avoir cette réponse, afin de savoir s'il y avait un espoir ou non. « Et.. et si on change ton petit coeur, il y a des chances que.. rien n'arrive ? C'était plus fort que lui, il pensait qu'il y avait un espoir tout de même, peut-être son caractère optimiste qui faisait ça.