Mon enfance a été bercée de dessins animés Disney, jusqu'à ce que ma vie entière finisse par y ressembler. Et pas dans le sens romantique et merveilleux du terme, croyez moi.

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De nos jours, les gens doivent se démerder pour tout. Trouver un toit, un travail, des amis, une vie quoi. Et faut pas croire que, parce que je suis bourgeoise, de bonne famille et pétée de fric à faire sauter le PIB de la Somalie, je ne suis pas comme tout le monde. Bourgeoise modeste, rebelle en carton, indépendante tout de même, c'est mon credo de vie, ma façon d'être. Et Paf ! Assemble une pincée de paradoxe, une louche d'esprit de contradiction, une bonne dose de folie et de refus du règlement, tu obtiens Céleste. Euh, moi, quoi.

Par où commencer... Je suppose que je devrais vous parler de moi ? De mon histoire pas toujours très passionnante, de mes passions, de mes goûts. Je suppose, j'ai pas envie, je suis forcée, toujours forcée. Dans ce bas monde, on est forcément amené, un jour ou l'autre, à faire des choses qu'on a pas envie de faire. Croyez le ou non, ça a été mon cas à moi aussi. On dirait pas, quand on me voit. En apparence, j'ai tout pour être heureuse, la princesse rock'n roll dans un monde qui ne tourne que pour elle. C'était autrefois vrai. J'avais, je dis bien j'avais, une vie parfaite, dans mon palais d'argent. Vivant dans un pavillon dans le seizième arrondissement de Paris, au sein d'une famille unie, j'étais choyée, intelligente pour mon âge, plutôt jolie. Les gens de la haute société ne juraient que par la petite Céleste, et oh, elle a de l'avenir celle là. Un avenir, j'en avais un. Tout tracé, dès la naissance. On m'avait promise à un noble, issue d'une famille riche et puissante comme la mienne, on était nés le même jour, on s'entendait bien, on se complétait, la belle vie. J'avais un grand frère, j'avais un chien, un pavillon, la collection complète des Barbies : Ouais, j'étais privilégiée. Plusieurs résidences secondaires aux Bahamas, en Floride, en Finlande et en Italie. Je racontais mes palpitantes vacances à mes amies d'école, tout ce que Papa et Maman mettaient à ma disposition, tout ce que j'avais, elles étaient vertes de jalousie, j'en jubilait. Mon enfance était toute rose, pas le moindre nuage à l'horizon.

Rupture d'anévrisme, c'est ainsi que ma mère est morte. En plein milieu d'un défilé de Givenchy couture, elle était au premier rang. Je vous raconte pas les remous que ça a provoqué, et encore là, je fais preuve d'euphémisme. Ma mère était la personne la plus merveilleuse au monde. Et sans elle, on est tous vides, dans la famille. C'était une mort inopinée, qui a laissé des traces dans la famille. Charles n'a adressé la parole à personne pendant deux semaines entières. Moi, j'étais encore une gamine. j'avais une dizaine d'années quand ma mère a quitté ce monde, une dizaine d'années quand l'enfer pointa le bout de son nez. J'étais triste aussi, faut pas croire. Mais je me refermais pas sur moi même comme mon frère, au contraire. J'ai développé mes capacités au maximum, Maman aurait été fière de moi. En pensant à elle, j'ai appris, au fil des ans, le piano, la guitare, et la batterie. Sans oublier que je parle maintenant anglais, italien, russe, espagnol et finnois. Ben écoutez, quand on a du chagrin, on essaye d'oublier. Je ne sais pas ce que Charles faisait, mais moi, je me bourrais le crâne de choses et d'autres. J'ai lu tous les bouquins de la bibliothèque familiale, et ceux de chez Arthur. Il me regardait avec des yeux ronds, il aime pas lire, le pauvre.

La pire est arrivé un jour, sans prévenir. Deux crinières blondes, fausses si vous voulez mon avis, habits roses, valises roses, voix criardes. La peste a débarqué, on a du se battre. Depuis bien longtemps, j'avais abandonné mes rêves de petite fille bien élevé dans un monde emballé sous vide. J'étais devenue un peu plus rebelle, avait changé de look, de cheveux, de mentalité : j'étais une rebelle, même si je continuais à aimer mon père. Je n'étais pas rebelle envers ma famille, mais envers cette société de merde dans la quelle je me trouvais. La bourgeoisie et ses codes incompréhensibles m'étouffaient. Je traînais dans le onzième, avec les gens des quartiers défavorisés. C'est là ou les autres sont le plus cool, en fin de compte. Arthur a été choqué quand je l'ai emmené voir mes potes, un jour. Il m'a sorti que je ne devais pas les inviter à nôtre futur mariage, pour l'amour du ciel. Recrachant ma fumée de clope, j'ai lancé "Quel mariage ?" Il a pas apprécié. Bref, je m'égare là. Je parlais des deux pouffiasses qui on emménagé à la maison un jour d'automne. Hélène et Perinne DeRamon. La nouvelle femme de mon père et sa fille. Elles aussi viennent de la haute, d'ailleurs je les ai déjà croisées à des réceptions. Il est possible qu'à une future réception, je renverse du champagne sur leur robe. Les taches ne partent pas. J'adore. De quel droit elles s’immisçaient dans notre vie comme ça ? Mon père n'était pas souvent là, et il ne nous avait pas prévenu qu'il se remariait. Maintenant, les ongles manucurés vont nous faire la guerre, je le sentais, j'avais raison. Et maintenant, on est toujours en plein conflit. Tous les jours, Charles et moi on essaye de supporter les deux carcasses qui envahissent la baraque. Mais l'ambiance est horrible et mon frère et moi désertons souvent. Ça choque les amis bourges de mon père et de ma .. belle mère. Ils disent qu'on se rebelle trop, que Charles et moi n'avons pas notre place avec eux. Un jour, à un cocktail, j'ai entendu des choses sur moi. Alors je suis monté sur une table avec les petits fours et le caviar, et j'ai gueulé "Certains pensent que mon frère et moi ne sommes pas à notre place dans ce monde qu'est le vôtre. Vous savez quoi ? On en a rien à foutre de votre avis. Alors parlez de votre cul. On existe pas pour vous servir, vos manières dépassés, on s'en carre. Si vous voulez bien parler d'autre chose que de nous, ça nous arrangerait, bande de merdeux." Depuis, je suis un peu bannie. Tant pis, ça m'arrange. Je vais enfin pouvoir faire à peu près ce que je veux, faire mes études à la Sorbonne, m'amuser. Même si je suis toujours fiancée à Arthur, cherchez l'erreur. Ca doit être parce que, même si j'ai renié le monde de la haute, je suis toujours riche à en crever. Puis au pire, je m'en balance. La vie est une aventure ,je vais la vivre, même si ma vie à moi est un peu... Compliquée.