Il est vrai que j'ai toujours vécu à Paris. Paris, Paris... Ville aux mille secrets, ville des amoureux, capitale de la mode. Ville où j'ai grandi et que j'espère ne jamais quitter. Je m'appelle Amélia Louise Duchateau. Certains m’appellent amicalement Lia ou Millie mais je doute fort que vous fassiez partie de mes amis, alors un conseil, n'essayez pas. C'est le quinze septembre mille neuf cent quatre vingt-onze que j'ai vu le jour, ici à Paris. Ce n'était pas encore l'automne et le temps était clair, le ciel était bleu, les rayons du soleil perçaient à travers les rares nuages, et les températures étaient assez douces. Vu comme ça, ça remonte un peu. On ne peut pas dire que j’ai été élevé dans la misère et la pauvreté. Vous me prenez pour qui ? Je suis née, comme qui dirait, avec une cuiller en argent dans la bouche. J'ai toujours eu droit au meilleur. Mon enfance ? Plutôt heureuse, même si mes parents pouvaient facilement être rangés dans la case « parents absents ». J'ai vécu seule, les nourrices ? Croyez-vous vraiment qu'elle s'occupait de moi comme il le fallait ? Vous êtres de grands malades dans vos têtes, vous. Elles préféraient rester au téléphone avec leurs petites amies sans vraiment faire attention à la petite morveuse. Car oui, il fallait bien que je me divertisse et les faire baver me semblait être l'activité la plus divertissante. Devant mes parents j'étais sage, et ma parole valait plus que celles de mes gardiennes ce qui les mettait dans une rage folle. Peste ? Un peu sur les bords. Mais il le fallait bien, toutes les filles de mon milieu -les filles à papa, quoi- l'était un peu et pour ne pas être le vilain petit canard de la bande, j'étais devenue une petite chipie...et pas des moindres. J'avais le don de manipuler les gens à ma guise enfin la plupart, mais très peu y résistaient tout de même. Manipuler papa maman ? Facile. Manipuler les grands hommes d'affaires et leurs femmes ? Dans la poche. C'est vrai que ma bouille d'enfant perdu ne les dérangeait pas. La plupart étaient complètement subjugué et félicitait mes parents d'avoir eu une aussi belle progéniture. Qu'ils aillent tous au diable, cette bande d'hypocrites.

« Dernière mode de New-York ! » Mes « amies » poussèrent un petit cri en chœur tandis que je me tournais et me retournais pour leur montrer la robe que j'avais commandé dernièrement arrivée tout droit des U.S.A avec beaucoup d'autres vêtements. Elle donnait un genre 'c'est pas mal' sur moi et c'était parfaitement bien, j'étais fière de pouvoir faire jalouser mes compagnes avec ma taille de guêpe et tous les vêtements hors de prix que je pouvais me payer. Je n'entendis même pas les quelques pas qui s'étaient approchés alors que mes copines s'étaient écartés, me laissant seule avec le bellâtre qui me faisait face. « Cette robe vous va à merveille mademoiselle... » Je rougis. « Brice, t'es pas croyable. Ça fait depuis je-sais-pas-combien de temps qu'on se connaît et faut toujours que tu fasse le beau devant mes amies. » Un sourire en coin naquit sur son visage. « T'appelle ça des amies, toi ? C'est que des dindes qui ne font que glousser à longueur de journées et puis en plus tu sais pas tout ce qu'elles peuvent dire sur toi quand je suis avec qu'elles et qu'on... enfin tu vois, quoi...» Je lui flanquais un petit coup de coude dans les côtes pour le faire taire même si au fond de moi je savais qu'il avait parfaitement raison. Brice, Brice Baudelaire. Le « petit garçon » que je connaissais depuis toute petite, celui qui faisait maintenant une tête de plus que moi tout de même. Il m'entraîna dans un coin et je le suivais sans broncher. J'avais un peu l'air d'une idiote devant lui, à me tortiller parce que j'étais un peu nerveuse : il me faisait de l'effet dans son costard. C'est vrai que dans les cocktails mondains, il fallait parfaitement choisir ce qu'on devait porter. Sauf que cet effet me passa très vite. Surtout avec l'information que ses parents allaient m'envoyer à la gueule. « Je suis contente que mon fils vous aie choisi. » Mon sourire disparut d'un coup, laissant place à une moue surprise. « Pardon ? » Un petit rire moqueur de sa part. « Oui, vous allez parfaitement ensemble. » Je le fixais un moment, je ne comprenais pas et j'essayais de percer dans ses yeux un quelconque signe d'amusement. Rien. Nada. Niet. Je fusillais le jeune homme du regard l'air de dire « j'te retiens toi », pivotais sur moi-même et repartit. Ma colère bouillonnait, et j'allais illico demander des explications à ce cher Brice.

J'étais, au yeux de beaucoup de personnes, la petite amie de Brice. Voire même sa future fiancée. Celle pour qui il avait arrêter de papillonner. Celle qui faisait battre son cœur. Mais tout cela n'était qu'un tissu de mensonges. Nous étions le couple parfait aux yeux des autres seulement. Mais on se détestait mutuellement. Je le détestais, le haïssait tellement que tout mon corps le réclamait. Je ressentais des trucs bizarre en sa compagnie. Des trucs indescriptibles. Un truc qui me faisait du bien mais qui me détruisait à chaque fois que j'y pensais. C'était nouveau. Je ne savais pas trop ce que c'était mais tout ça c'était de la faute à Baudelaire. Et on changeait pas la vie d'Amélia Duchateau sans y risquer sa peau.