- Suis-je devenu fou ?
- Oui je pense Chapelier. Mais je vais te dire un secret : la plupart des gens bien le sont.

J’avais les mains moites et je sentais des gouttes de sueur couler le long de mes cheveux jusqu’à ma nuque. Je souris, d’appréhension, cette sublime excitation. Mon corps tendu, mes muscles crispés. Cette soudaine violence qui me suffoque. On me murmure quelques choses à l’oreille, une chose que je ne compris pas, un charabia à l’envers. J’entends sa voix se répéter, comme un écho, encore et encore. Je tente de bouger, passant une jambe entre celle de l’homme en face de moi, ma main contre son torse, nu, moite, il fait chaud, la chaleur m’enivre, s’infiltre dans chacun de mes pores. Je laisse ma tête basculer en arrière avec l’impression d’avoir des milliers de corps coller contre le miens. La musique claque contre mes tempes. Quelqu’un rit à mon oreille, son rire se percute contre les murs de la salle, à l’infini. J’ai l’impression de le sentir, de le voir. Ce rire, qui danse, charmeur, en face de moi. J’en aperçois les courbes, les formes, la couleur : jaune, vif, brûlant, éclatant. Un gémissement m’échappe puis je vois le corps d’Aaron qui danse au dessus de moi. Comme le jour de notre première fois. Il est flou, j’ai la sensation qu’il est loin, mais je le sens, proche, comme s’il était en moi. Mes souvenirs m’emportent vers cette fois-là. Douceur, amour, passion, je sens son va et viens. Je fais l’amour au vide et mes doigts se crispent. J’entends un gémissement, le miens, je sens encore son goût dans ma bouche. Mes reins se frottent contre la hanche de l’homme en face de moi. Je continue de gémir, tentant de revenir à la réalité. Une onde secoue soudainement la foule, m’emportant avec elle, j’ai l’impression de me perdre. Je déteste ça. Puis plus rien, Aaron disparais. Je tends les doigts, espérant le revoir, le rejoindre mais il n’est plus là. Je l’aie abandonné, c’est de ma faute, je m’en veux, je le veux. Une fumée rouge danse au plafond, elle tournoie, se mêle au rire jaune de mon nouveau compagnon. Elles fusionnent, couleur sang. Des bulles tournent autours de nous, la musique éclate contre le mur, j’observe, rêveur mon œuvre, fier et oubliant peu à peu les remords qui me secoue. J’ai fais un choix. Oui, j’ai fais un choix. J’ai décidé de le laisser derrière moi. Personne ne m’a obligé. J’aurais pus rester…oui j’aurais pus. Une nouvelle onde secoue la foule et je me retrouve entrainé dans la danse, mon corps semble se soulever et j’éclate de rire, bras tendu. J’ai choisi de retourner vers mon quotidien, de revivre soir après soir la folie des nuits Parisiennes. J’ai choisi la voie de la folie, la voie qui aller courir à ma perte, je l’aie choisi consciemment sans que qui ce soit ne m’oblige à plonger dans l’enfer de mon quotidien. Je l’aie décidé tout seul. Mais il me manque, j’aurais voulu l’entrainer avec moi dans mon monde, l’obliger à tout abandonner. Mais Aaron n’a jamais été ce genre de gars. On est trop différent. Alors je suis parti. Je l’aie abandonné, ne donnant aucun signe de vie. Pour lui, je suis devenu comme mort, je n’existais plus. Je sens des lèvres contre les miennes et j’ouvre les yeux, replongeant dans la réalité. Cette bouche n’a pas la même saveur que la sienne, pourtant je la savoure, espérant l’oublier et la musique reprend, incessante, agressive, elle m’enivre, me donne envie de rire. Je ne suis pas fou vous savez, ma réalité est juste différente de la sienne.


Aucune épreuve n’a jamais été surmontée en versant des larmes.


J’ai vu une pochette de CD jeté au sol et je le voyais en 100 dimensions. C’est si beau que j’ai fermé les yeux. Aussitôt je me suis mis à flotté dans une autre sphère, un autre monde. Je ne sentais même plus le torse de Julian sous mes doigts. Je ne savais plus distinguer le réelle de l’irréel. Étais-je le corps de mon ami ? Son t-shirt ou son jean ? Suis-je la pochette de CD, la table, le paquet de clope ou bien tout à la fois ? Des choses se précipitaient vers moi, me coupant brusquement la respiration, comme dans un grand huit. Mais ca n’a pas d’importance car c’était merveilleux. There are many here among us Who feel that life is but a joke J’eu l’impression de pouvoir toucher la musique, j’étais devenu la musique. J’aurais voulu partager ça avec mon ami, mais le contacte entre nos deux univers semble complètement rompu. Il est si loin de ce que je vois. De ce que je ressens. There's too much confusion I can't get no relief. La musique me tend la main, m’emmenant valser avec elle. Je me retrouve emporté des années en arrière. Je suis en France, à Paris et je tremble, je me colle contre la chose la plus chaude que j’ai sous la main, c’est familier et le peu de lucidité qu’il me reste me rappelle que c’est Julian, cette chaleur familière. Des tas de pensées sont apparues, entre chaque parole, dansant avec nous. Des visages, des sourires, des lèvres, des cheveux blonds, des courbes, des couleurs, un dessin kaléidoscopique. Je ris. Me collant à la musique qui me transporte avec elle. Quel foireux j’étais. J’aurais pus surmonter les choses autrement, mais non. Faire n’importe quoi, blesser les gens, foutre ma vie en l’air, c’est si facile. C’est si merveilleux. Je me sens tomber et je suis nauséeux. Je m’enfonce profondément dans le matelas, le rire démon, infini, impossible à arrêter. Elle m’a rendu fou. Complètement fou. J’étais perdu, je ne savais pas quoi faire. J’avais même eu peur de finir comme elle, l’bras en sang, les yeux révulsé, la peau pâle. Salope, elle m’a lâché. Mais y’a rien eu de tout ça. Je n’étais pas comme elle. Le morceau de psy-trance m’emporte loin, loin d’elle, loin de ses foutues souvenir. Je retrouve le contacte de Julian alors je tente de me relever. Je sens ses doigts dans mon dos, je l’entends rire, je l’entends que maintenant, mais il semble rire depuis si longtemps. Mes sens sont étaient devenus si aigus. Je pouvais entendre la dispute d’un couple à des kilomètres d’ici, sentir l’odeur de repas brûler dans l’appartement voisin et tout cela se mêlaient, me faisant mal au crâne. Mais je trouvais ça merveilleux. Comme tout et n’importe quoi. Et je repars, loin, loin de tout, loin de mon passé, dans l’espace danser avec la musique. Encore, encore.


Après au moins une éternité, je suis retombé sur terre. Je me suis tourné vers Julian, je lui ai demandé vaguement ce qu’il a vu. « Une autre dimension » qu’il me dit. Je ris, mais je suis épuisé et lui aussi. Je me suis glissé dans un bad trip, sans même m’en rendre compte. J’ai envie de vomir, ou alors de pleurer un bon coup, je ne sais pas. Je hais repenser à tout ça. Je n’en parle jamais. Je passe ma vie à fuir son souvenir. Comment notre histoire a-t-elle put se finir aussi mal ? Je pensais pourtant…j’pensais que nous étions plus fort que ça. Qu’Ame’ comprenait ma vision de la vie. Qu’elle avait compris que je ne l’aimerais jamais. J’ai la gorge sèche, la mâchoire serré, j’ai un peu mal. J’me retiens. Ma vie est un putain de bordel, un secret débridé, même pour moi. Je n’arrive pas à recoudre correctement l’espace temps. Personne ne comprend ce que j’ai vécu, moi le premier. « Et toi ? » il me demande, doucement, m’observant. « J’ai vu ma vie défilé. Au début, c’était beau, puis bang, il neige en enfer »Je me lève, vacillant et tend la main à Julian pour qu’il en fasse de même. Quand je suis rentré, des heures plus tard, l’immeuble tout entier dormait. Il n’y avait aucune lumières d’allumées. Julian m’a raccompagné et m’a aider à me déshabiller. Une fois dans mon lit, j’ai sombré presque immédiatement dans le sommeil. J’avais le « mal de mer », la tête qui tourne. J’avais chaud aussi. Une migraine affolante c’était emparé aussitôt de moi, j'ai néanmoins réussi à dormir. Nous avions probablement trop ris. Quelle soirée. Ce n’étais pas formidable, mais c'étais merveilleux. Bien qu’étrange. Retourner en arrière, comme ça, c’est mauvais, mais ça m’aide à garder en tête certaines choses. Je vais dormir toute la journée, parce que la véritable fête ne commence que ce weekend. Peux être que ce soir je retrouverais ma bande, peux être qu’on boira un peu trop. Alors, il est probable que ce soir, tout recommence. Mais maintenant, il faut que je dorme. Que je dorme et que j'éloigne la multitude de couleurs qui tourne malgré tout autours de moi.