il fait noir, il fait froid. j'aime pas paris la nuit. j'aime pas la nuit tout court, à vrai dire. trop de mauvais souvenirs. depuis, j'évite le noir autant que possible. je préfère la lumière, le jour. mais là tout de suite, pas question de faire face à mes angoisses. j'ai juste un petit paquet à remettre à une gamine du nom de lola. je sais pas quelle âge elle a, à vrai dire, j'm'en tape complétement. j'ai juste besoin de fric. j'ai besoin de garder un toit sur la tête de nastya. j'suis devant la baraque de cette lola. je déteste faire ce genre de service à domicile. tu veux te camer, tu viens chercher. mais j'avais besoin de fric ce soir, alors j'me suis déplacé. c'est la première et la dernière fois que je viens ici. enfin ça, c'est ce que j'crois sur le moment. j'lui envoie un message fissa. j'ai pas de temps à perdre, je dois rentrer. j'me caille ici.

j'ai pas à me cailler trop longtemps, que lola me dit de monter. j'avais pas prévu ça moi. comme si j'avais que ça à faire. ça m'énerve, je souffle. zen feliks, zen. j'ai juste à monter, faire ma livraison, redescendre. et filer rejoindre nastya à la maison. enfin, ce qui nous sert de chez nous quoi. alors c'est ce que je fais. je monte les escaliers aussi rapidement que je le peux, avant de me retrouver sur le pallier de la petite lola. sonner, toquer, rentrer directement ? je choisis la troisième option, elle sait que c'est moi, pas besoin de rameuter tout l'étage. j'ouvre la porte avant de me glisser à l'intérieur, refermant derrière moi. c'est moi. t'es où ? j'm'annonce quand même, j'ai des manières. oh.

je poireaute dans l'entrée. j'ai l'air d'un con. déjà j'suis rentré sans frapper, j'vais pas m’aventurer dans un appart qu'est pas le mien. quelques secondes après que j'me sois annoncé, une petite tête brune dépasse de l'encadrement de la porte qui semble mener au salon. salut. c'est très.. bizarre tout ça. plus jamais le service à domicile. merci bien. j'm'avance vers elle en fouillant dans les poches de ma grosse doudoune. où est ce que j'ai mis cette putain de beuh déjà. je prends quelques secondes avant de la trouver. je regarde lola, c'est vraiment qu'une gamine. j'm'en fous, aucun scrupule. puis chacun fait ce qu'il veut de sa vie. je sors le petit paquet et le lui tends. toujours le même prix. j'ai déjà annoncé les tarifs par sms, puis moins j'en dis. mieux je me porte. je supporte pas de parler en français. mon putain de français imparfait.

la vérité, c'est que j'ai toujours détesté dealer. mais j'le fais parce que j'ai besoin de thunes. j'le fais parce que j'ai pas envie d'aller braquer pour nous offrir une vie de rêve avec nastya. je deale et parfois, j'ai peur. j'ai peur qu'on me chope et qu'on me renvoit dans mon putain de pays. je veux jamais retourner en russie. jamais, jamais. et je peux pas laisser nastya ici. toute seule. peut être que je devrais penser à faire autre chose. peut être ouais. j'y penserai un autre jour. en attendant, on est là comme deux cons avec lola. à pas savoir où se mettre. vu de l'extérieur, ça doit être drôle comme situation, tiens. pas de quoi. je parle pas beaucoup, je sais. mais la vérité c'est que j'ai trop honte de mon français alors je préfère aller droit au but en justes quelques mots. elle récupère son paquet, moi l'fric. que je glisse dans les poches de mon jean. on va pouvoir grailler avec nastya ce soir, c'est cool. lola me sourit et finit par me proposer de boire un verre ou d'au moins me poser quelques minutes. c'est vrai que j'ai froid, mais j'ai pas trop trop envie de m'éterniser non plus. on sait jamais. je vais quand même accepter, j'suis plus à deux minutes près. t'as de la vodka ? je vais pas boire de l'eau hein. puis la vodka, ça réchauffe au moins.

je demande de la vodka. qu'est ce que c'est cliché quand j'y repense. mais j'ai envie d'alcool. j'ai envie de faire quelque chose de mes doigts durant quelques petites minutes. et j'ai envie d'être un peu plus à l'aise. ça me ressemble pas tout ça. je me sens pas moi là. mais c'est bizarre tout ça aussi là. toute cette situation est bizarre. pour ça, je fera plus jamais ce jor de service. je sais, j'l'ai déjà dis. j'me répète. mais c'est une certitude. plus jamais. elle revient vite fait. avec mon verre de vodka à la main. elle me le tends. je le récupère. merci. le minimum. encore et toujours. et elle pose une question. d'où je viens. je fronce les sourcils. j'aime pas qu'on pose des questions. ça me fait toujours psychoter. surtout ce genre de question. j'ai envie de lui répondre d'ici. mais ça serait trop gros. ce serait un trop gros mensonge. avec un accent pareil, elle sait très bien que je viens pas d'ici la petite lola. j'vais juste lui dire la vérité. t'façon c'est pas comme si j'allais la revoir cette gamine. de russie. et j'avale mon verre d'une traite. ça pique un peu la gorge, rien de trop gênant. et je lui pose une question aussi. t'as quel âge toi ? pas que ça m'importe, j'm'en fous tellement, au fond. c'est juste pour faire le curieux. pour faire la discussion.