j'observe, calmement, sans trop bouger de mon coin. je fais mon travail, quand un visiteur curieux vient me demander de lui faire visiter l'exposition et de lui expliquer notre objectif, pourquoi cette expo, quel est le sens des œuvres présentées, pourquoi ce choix. je suis presque comme un poisson dans l'eau, j'ai un boulot, un boulot qui s'avère intéressant malgré tout, très différent de ce que je m'étais figuré. le verre de vin blanc à la main, je peux enfin profiter de quelques minutes de calme pour profiter de l'expo sans être dérangée. désormais, les visiteurs sont entre eux, à parler de non-sens, de philosophie et d'allusion phallique que l'artiste aurait pu placer. les conversations banales et habituelles de l'endroit. " T’es venue me félicité de ma première expo ? Pas mal hn ? Bon j’ai pas tes études, mais j’ai une belle expo quand même…" j'aurais du le sentir venir au moment même où je suis restée plus de trois secondes devant son tableau, j'aurais du me contenter des autres exposant pour revenir sur celui-ci quand il serait parti, après tout avoir accès à la galerie en tout temps devrait pouvoir me préserver de ce genre de moment, mais non. je me retourne donc vers lui, je cache ma mine presque méprisante et agacée de savoir qu'il n'est là que pour me narguer." non, je travaille ici. " le sourire forcé, le ton presque hypocrite. il est venu m'exposer au visage son moment de gloire. bwarf, si ça lui permet de mieux dormir la nuit d'avoir pu se considérer un jour meilleur que moi. " tu cherche à prouver quoi ? t'es pas non plus seul à exposer ici. "

 c'est quand même difficile. ne pas entrer dans mes mauvaises habitudes et lui expliquer la différence entre lui et moi. c'est difficile de ne pas être méchante, mais il le faut. déjà parce que ce serait très mauvais pour mon karma, ensuite parce que quelque part, il n'est pas là pour rien non plus, et enfin, parce que je bosse ici et que je ne peux pas fâcher l'artiste. je ne tente de pas trop l'observer, imaginer son visage emprunt de fierté me suffit amplement, rien ne sert que de le constater. et puis, j'essaie de cacher le mien, parce que je ne veux pas qu'il me pense jalouse quand je suis seulement agacée de sa conduite. nous ne sommes pas en compétition. Ouais, mais ils sont tous diplômé, c’normal qu’ils exposent… et ils ont pas vendu de toiles encore. qu'est ce que je peux répondre à ça ? c'est toutes ses idées qu'il faudrait revoir. je souris bien gentiment en cherchant comment lui expliquer que le monde de l'art, c'est pas simple, et que le diplôme, ça ne reste qu'un bout de papier. dans ta tête, on dirait que tu penses qu'avec un diplôme, c'est le monde entier qui s'ouvre. il ne suffit pas de ça pour exposer, il faut de la réflexion, du talent, beaucoup de travail. c'est très insultant pour les autres ce que tu dis, tu remet en cause l'intégrité de leur production  je fronce les sourcils, j'essaie néanmoins d'être diplomate. j'essaie aussi de pas trop me dévaloriser parce que comme tous ces artistes, je sors aussi d'une école. mais est ce que tu as posé la question à ton acheteur, pourquoi ta toile et pas une autre ? tu as vendu, bravo. mais tu ne sais même pas pourquoi. ça ne prouve rien.   encore beaucoup de chose à apprendre, peut-être il a vendu parce que son travail le méritait, mais peut être a t-il vendu parce que les couleurs du tableau s'accordent à celle du salon de l'acheteur, on n'y pense pas. je me tais. je ne partage pas cette pensée. l'objectif est de le faire réflechir. pas de le casser. j'évite toujours son regard. J’savais pas que tu bossais dans une galerie… c’pas un peu vache de leur part, sachant que t’as rien à toi ici ? touchée. enfin, je vais essayer de ne pas le prendre mal, rester souriante alors que là, il essaie de me rabaisser. maiiis, tu crois que c'est qui qui choisit les artistes, qui fait la promotion du vernissage, qui gère l'évènement. c'est peut être parce que tu n'as jamais travaillé dans une galerie que tu ne sais pas.  oui voilà, il ne sait pas. il ignore tout de ce milieu.