D'abord, il y a Sol. Sol ou ce nom de poisson. Sol avec ses immenses yeux ronds, rentrés vers l'intérieur. Sol c'est la grande sœur. La jumelle, celle qui est censée ressembler à Asha (elles se ressemblent, à ce qu'il parait, mais moi j'trouve pas). Sol qui me laisse vivre avec elle, en plein Paris. L'argent des parents envoyé tous les mois nous entretient vachement, faut l'dire.
Maman vient parfois (elle fait le tour du monde avec son amant), on va faire les boutiques. Papa vient pas lui, "trop occupé", qu'il dit. J'crois qu'il n'a jamais accepté que je sois une fille. (Il en aurait au moins voulu un, de petit gars. Mais non. C'est pour ça qu'il m'a donné un nom pourri...)
C'est pas grave. Ils sont pas trop friqués. Ni désintéressés, ils en ont pas rien à branler. Ils nous aiment, hein? A leur manière.

Sol elle est en lettre, c'est une intellect. Moi j'aime pas trop ça. Les mots et moi ça colle pas. Quand je les dis, ils paraissent jamais bons. Ils sont mauvais, pas comme je voulais. Ca sort mal, c'est pas fait exprès.
C'est pour ça que je préfère pianoter. Toutes les lettres qui ne me viennent pas apparaissent là, sur les notes de mon clavier.

J'ai dix-huit, et aucun rêve de vie. Le monde est trop petit. De Bordeaux, à sept ans, j'en avais déjà fait dix fois le tour en business class. Aucuns espoirs. Aucunes ambitions. Entrer au conservatoire? Surement pas. C'est qu'une passion. Il ne faudrait pas en abuser, au risque de ne plus l'aimer. Aller à l'université? Oui, comme ça. Pour les soirées arrosées, les cours à chier, continuer à être passive de la vie. C'est ça. Une option d'architecture, pourquoi pas, j'suis assez matheuse.
Au manque de ne pas avoir les mots, l'esprit est là.