une heure du matin sur le périph, retour à paris. t'es au volant de ta one77, la plus confortable, celle que tu préfères pour les longues distances. le moteur ronronne agressivement au rythme des beats méchants d'un set defected in the house. tu viens de passer cinq jours à novi sad, l'athènes serbe, chez l'un de tes potes globe-trotteurs qui payait son loft pour la semaine. t'es parti comme ça, sur un coup de tête, sans prévenir personne. cinq jours que t'as passés à fumer de la vortex, à taper jusqu'à en avoir le nez en sang pour compenser l'effet des kicks innombrables et avoir la force de sortir en boîte pour ramasser des serbes brunes aux yeux clairs que t'as systématiquement ramenées ensuite dans votre rooftop pour les défoncer à la parisienne, à ta façon. cinq jours que t'as passés à prendre ton pied en ignorant méticuleusement tous les sms, appels et messages sur répondeur de leva, pauvre petite leva laissée seule avenue marceau, et tu te doutes que pendant ton absence elle est venue sonner à ton appart plusieurs fois pour savoir si tu étais là et repartir sans un mot parce que la porte restait close et qu'elle n'a pas les clés, petite conne, qu'elle a scruté chaque soir de taff la porte calfeutrée du baron pour voir si tu n'en franchissais pas le seuil, et même peut-être qu'elle a voulu demander à tes rares amis où tu étais passé mais qu'elle n'a pas osé parce que tes potes l'intimident avec leur aisance et leur facilité de vivre et que de toute façon elle n'est pas du genre à poser des questions. est-ce que t'as pleuré, leva? est-ce que tu as eu peur que tout soit fini? toi, tu souris déjà en pensant à son regard blessé et impuissant lorsque tu lui annonceras avec détachement que tu as baisé ses semblables sans capote et que, oh, leva, il y en avait même une qui te ressemblait tellement, j'ai cru que c'était toi.
feu rouge avenue de la grande armée. deux créatures en robe balmain s'arc-boutent sur leurs louboutins et ralentissent le pas à ta vue. normal, tu as vingt-deux ans, tu es beau et tu conduis la plus chère et exclusive des aston martin. elles regardent attentivement le jeune riche que tu es, irrémédiablement magnétisées par les reflets dorés qui émanent de toi. pour certains, rien de ce qui t'arrive ne sera jamais réel. à cause de ton argent, de l'éclat de tes signes extérieurs de richesse, tu donnes un aspect fictif à ton essence même. éblouis par les détails de ta vie, la plupart des gens sont incapables de voir au-delà. tes dehors factices sont tellement flamboyants que personne ne comprend que tu es vraiment là, bien réel, derrière les chiffes astronomiques de ton compte en banque. ces deux filles, par exemple, ne voient certainement qu'un  mannequin au volant d'un bolide édité seulement à 77 exemplaires dans le monde entier et coûtant par conséquent la modeste somme de 1,5 million d'euros. pétasses. tu baisses la vitre du côté passager et elles se rapprochent de ta caisse, pensant que tu vas leur adresser un regard, un compliment, voire même que tu vas les inviter à poser leurs fesses plates d'anorexiques sur le cuir tressé de la banquette arrière. elles rêvent. une fois assez proches, tu balances ton mégot par la fenêtre dans leur direction et roule dans une flaque au démarrage. tu n'entends même pas leurs cris effarouchés tellement le sound system bang & olufsen est puissant à l'intérieur de l'habitacle, c'est à peine si tu as le temps de les voir bondir dans le rétroviseur pour éviter de se faire éclabousser. et dire qu'elles vont certainement au baron, et que tu vas les recroiser d'ici quelques instants.. ça te fait rire.
aston martin garée, tu te diriges vers le club. une petite foule de non-habitués se presse sur le trottoir, tu sais déjà très bien que les trois-quart se feront refouler d'ici trois minutes, tu les dépasses sans leur accorder un regard. tu salues bak le physio et francis le videur qui te laissent entrer avant tout le monde avec un petit sourire contrit et un "bonne soirée césar" qui leur arrache la bouche. ils te détestent comme la moitié de paris mais ils ne peuvent te refuser car tu es un client en or même si tu finis toujours par foutre la merde. tu te glisses entre les rideaux en velours et entre dans le boudoir capitonné. le son est plus fort que d'habitude. tu reconnais l'excellent going like you de rhadoo, comme quoi l'équipe a dû engager un nouveau DA car dernièrement la programmation était devenue un des points faibles de l'endroit. d'ailleurs, la nouvelle a dû se propager car ce soir le baron est plus bondé que tu ne l'as jamais vu, il y a de tout là-dedans, éternels libertins entre deux âges, mannequins mineures sapées comme des putes, golden boys accros aux paradis artificiels et au péché véniel, banlieusards entrés par miracles, armée de filles faciles issues de la middle class et à l'affût de la jet set, un vrai remake de la comédie humaine, l'angoisse sociale. et toi, consterné mais conscient de ta supériorité physique, intellectuelle, financière et sociale, tu bouscules tous ces corps de basse extraction, passes devant le bar sans faire attention à leva qui t'as repéré depuis cinq bonnes minutes, et traces vers le coin VIP où tes potes sont déjà installés à votre table habituelle avec une horde de courtisans tout autour. on s'exclame à ta vue alors tu fais mine d'être très content toi aussi, même si ton hypocrisie te fait serrer les dents et déforme ton sourire. après avoir dégagé une fille en mini-jupe de la banquette afin de pouvoir t'asseoir à sa place à côté de ton meilleur pote, tu te permets enfin de lancer un coup d'oeil distrait du côté du bar, et bien évidemment tu croises le regard de leva qui est en train de servir un jeune bureaucrate, qui est d'ailleurs très certainement en train de lui faire des sous-entendus vu la réaction gênée que cela provoque chez elle, et tu lèves ton verre dans sa direction avec un petit signe de tête, à ta santé, leva. s'en suit une nuit blanche faite de verres de vodka superflus, de cigarettes dont tu n'as pas envie et de lignes de coke qui ne servent à rien, amen.
cinq heures trente, after chez julian. la sono branchée à fond dégueule une house commerciale sur laquelle le maître des lieux s'est lancée dans une danse désarticulée qui témoigne du degré d'ivresse et de défonce dont vous pâtissez tous. à peine arrivé, jeremy s'est précipité vers la table basse pour préparer des lignes; depuis, il semble s'être endormi dans sa coke puisque sa tête repose nonchalamment dans la poudre. à moins qu'il n'ait fait une OD, peu importe. victoria et diane se sont tapé tous les fonds de bouteille, whisky, gin, tequila, martini blanc, et dansent maintenant lascivement sur le canapé. l'une d'elles - tu ne sais plus laquelle - a un sein qui dépasse de son bustier noir, exposant un téton magnifique, ce qui a le don de te fasciner un instant. puis tu remarques qu'otto et leva se sont isolés dans un coin de la pièce et qu'ils semblent plongés dans une intense discussion??? surprenant, très surprenant de la part de leva, mais tu mets cet écart de conduite sur le compte de la petite dizaine de verres que tu l'as obligée à boire dans la soirée, même si tout de même, ça te crispe un peu. pour passer tes nerfs, tu te tournes vers julie qui est avachie à côté de toi, tu lui demandes quel est son parfum, elle te répond allure de chanel, tu lui dis que ça lui va bien, elle te réplique qu'elle ne compte pas se faire baiser ce soir, tu te détournes d'elle, fatigué. une cigarette. tu fouilles dans tes poches à la recherche d'un briquet, ne trouve que des billets de cent. tu en embrases un à la flamme d'une des bougies posées sur la table afin d'allumer ta clope, sous les yeux hallucinés de julie qui te demande si tu es fou, et est-ce que tu te rends compte qu'il y a des gens dans le besoin? julie, ce n'est pas de ma pauvre si tu es pauvre mais que tu fais semblant du contraire, tu sais. tu te casses.
seul, sur le balcon, le nez plein, les yeux vides. le jour fait semblant de se lever, mais c'est la nuit pour toujours. à peine revenu, et déjà lassé du simulacre mondain dans lequel tu baignes depuis ton arrivée dans la capitale. chaque jour est l'inconsciente répétition du précédent: on mange pas, on dort pas, on fait rien, on baise quelqu'un d'autre, on sort ailleurs, sans but, sans intérêt. partout ces mêmes endroits glauques, ces poisons chimiques, ces rencontres stériles, cette omniprésente putréfaction de la vie parisienne que l'on ne retrouve que chez les jeunes riches, et à laquelle vous aspirez malgré tout. depuis l'autoflagellation, l'homme ne s'était jamais infligé supplice avec autant de bonne volonté. tu noies ta rancoeur dans la coupe de champagne que tu as emportée avec toi en quittant le salon. demi-jour, clair-obscur. quelque rues plus loin, le moteur d'une moto se fait entendre. tu penses à clara. c'est drôle, avant, tu ne te rendais pas compte de tout ça, de combien votre existence était vaine, superficielle. avant, tu aimais la vie que vous meniez, parce que vous l'aviez en commun, et dans l'immensité du vide, il y en avait toujours un pour soutenir l'autre. clara, c'était l'étincelle moqueuse d'un espoir indéfini qui par instants te faisait oublier le goût amer de la moelle pourrie de paris. petite conne, tu ne pouvais pas rouler moins vite? on aurait pu rater notre vie ensemble. ton rêve brisé t'explose dans la gorge, se répand en larmes de colère qui viennent perler dans tes yeux, mais qui ne coulent pas, figées, parce que tu viens d'entendre des pas derrière toi, et qu'il est hors de question que l'on te surprenne. une silhouette se glisse à côté de toi, c'est clara, non, c'est leva qui t'a rejoint. leva, cette pauvre imitation, cette pâle image, cette contrefaçon d'être aimé. tellement douce, tellement docile, petite chatte en pâte d'amandes, lisse et diaphane, rebondie et parfumée, idéalement idéale pour épancher toutes frustrations et amertumes. tu ne pensais pas que dépendre à ce point de quelqu'un était possible. et pourtant, c'est un trait inscrit dans son caractère. leva est incapable d'aimer autrement, ce qui aurait logiquement dû l'amener à choisir soigneusement ceux qu'elle aime, pour ne pas s'enticher des mauvaises personnes, mais non, au contraire, c'est même toute entière qu'elle s'est offerte à ton sacrifice, prête à vivre des sentiments de l'homme sur la croix: regardez ces blessures, là, je les ai endurées pour vous.
- à quoi tu penses? te demande-t-elle.
à la vie, cette voleuse, qui part quand elle veut. à clara, à celle que tu aimais, que tu aimes, et que tu continues de chérir comme un fantôme, un mauvais souvenir. à tes illusions noyées dans des litres d'alcool, à ta vertu disloquée de cuisses en cuisses, de lit en lit, aux antalgiques que tu prendras demain au réveil pour éviter la gueule de bois et les courbatures, au bon vieux goût de métal habituel dans ta bouche, à cette soirée pourrie où personne n'a voulu de toi, à ta manie de t'attirer l'inimitié des autres, car, en étant haïssable, tu as l'impression de garder le contrôle, à la certitude que tu ne seras plus jamais toi-même, que tout a eu lieu et que tout est fini, que la vie est derrière toi, que l'âge d'or est révolu, ou presque, car il te reste une chose à accomplir, une seule, et cette chose te concerne leva, car oui je pense à toi aussi, à ta patience qui traverse tout, qui espère et n'attend rien en retour, à ta confiance absurde capable de brûler sans jamais s'éteindre et sans que le feu soit alimenté, toi qui ne te rend compte de rien, merde, mais jusqu'où iras-tu, n'as-tu aucune putain de dignité? toute cette faiblesse qui m’empêche d’apprécier ta présence apaisante, cette chaleur intérieure que tu réveilles parfois en moi, le parfum de ta peau, la douceur de tes gestes, tes mots justes, ton charme naturel qui n’a d’égal que le mépris que tu m’inspires. fragile, trop fragile, ta voix est charmante, cristalline, et j’adore tes yeux aquatiques qui me rappellent tellement ceux de clara, et tu es jolie et douce et fraîche et épilée et j’aime bien quand tu souries et ta manière de te prendre pour une chienne avant de faire l'étoile de mer. mais en réalité, tu ne fais rien pour moi, tu ne m’aides pas, je pensais pouvoir briser ton existence mais tu ne m’amuses plus, tu me fais peur. c'est facile de boire pour être brillant et un roc et un bloc et faux et rayonner d’insolence et sourire dédaigneusement. mais il n’y a pas de bonheur à trouver dans ces parades ridicules où on tient avant tout à être jeune et beau et arrogant comme s'il n'y avait que ça qui pouvait compter. et c’était facile au début avec toi, leva, mais je n’en peux plus de m'exhiber et d’être en représentation permanente de tout ce que je suis censé être, marre de voir dans tes yeux un kaléidoscope où il n'y a que moi et moi et moi et où rien d'autre n'a d'importance mais où je suis incomplet, où je suis pas grand chose d'autre que du vent, où j’essaie de m’attraper et de me reconnaître, mais où je trouve une chimère parce que ce n’est même pas vraiment avec toi que je veux être, mais avec la représentation que je me fais de toi. tu me fatigues, leva, tu m’ennuies à n’être qu’un fantasme morbide, à me rappeler sans cesse clara sans jamais pouvoir l’égaler, et à me décevoir sans cesse, tout ça c’est de ta faute, c’est de ta faute si gronde en moi le courage illusoire de ma folie latente et si je te hais alors que j’aurais pu – j’aurais vraiment pu – t’aimer. tant pis pour toi, mes limites ne seront même pas celles que je pourrai lire dans tes yeux bleus lorsque je te crucifierai.
- à rien. tu finis ta coupe de champagne et la jette sur le lit. je rentre seul. otto aurait certainement très envie de te raccompagner à ma place ce soir.
et tu la plantes.

Et alors, qu'est-ce qui t’arrive ? C'est l'inspiration qui n'est plus au rendez-vous ? C'est mal, vraiment, c'est mal, ça mérite limite une punition N'empêche on est cool, regarde, on vient même te prévenir à l'avance. il te reste donc plus qu'un jour pour finir ta fiche. Si c'est une question de temps, n'hésite surtout pas à nous demander un délai supplémentaire, on t'en accordera un avec plaisir. Si jamais au bout de deux jours nous n'avons pas de réponse, nous serons dans l'obligation d'archiver ta fiche et de supprimer ton compte. C'est triste non ? Alors manifestes toi. Allez courage, on sait que tu peux le faire. N'hésite pas à contacter le staff si tu as d'autres questions.