Vêtu d’un t-shirt noir à l’encolure taillée en V, tu avais fait dans la simplicité ce soir parce que tu en avais un peu marre de demander constamment à Paulo de t’habiller, tu te sentais alors comme un gosse quand tu te pointais devant lui avec une chemise ouverte et une ceinture à boucler mais tu préférais toujours encore confier la tâche à ton colocataire plutôt qu’à Anthea, elle aimait bien te faire des blagues et mettre le bouton du mardi dans le trou du jeudi. Bordel tu détestais quand on faisait mal le boulot ! Ce soir, pas de blagues donc, t’avais ton foutu t-shirt, t’avais ta gueule d’ange et ton sourire de petit diable alors que tu te dirigeais vers le Queen. T’aimais bien ce night-club, la musique y était bonne et le barman sympa avec toi. Je crois qu’il t’appréciait, pour une fois que tu ne cassais pas les pieds des gens ! Pour l’heure, tu marchais encore dans la rue, une veste de cuir marron sur les épaules et une clope éteinte dans ta main, t’avais envie de fumer, t’avais toujours envie de fumer mais bordel t’étais même pas foutu de te les allumer tout seul tes clopes ! T’étais qu’un foutu assisté et ça te frustrait. Tu l’étais tout le temps, si tu veux mon avis. Alors t’avançait comme un fauve vers l’entrée du Queen non sans jeter un coup d’œil sur la rue d’en face, ce fameux bar dont l’enseigne brillait de mille feux dans la nuit : le Queer & Folk. Tu n’avais jamais osé y mettre les pieds et pourtant, tu ne pouvais t’empêcher de te demander ce qu’il se passait derrière les murs du bar gay de la ville. En fait, tu crevais d’ennui de t’y rendre ne serait-ce qu’une fois mais bordel, tu te débècetais toi-même d’avoir ces pensées là ! Reportant ton attention sur les clients du Queen, tu portais ta clope à tes lèvres et t’approchais du premier venu en train de s’en allumer une justement. Toi t’avais à peine des allumettes parce qu’avec beaucoup d’efforts, tu parvenais parfois à les manier mais si tu veux mon avis, tu ferais mieux de prendre deux bouts de silex rendu où tu es… « Mec, allume la moi. » que tu lui demandes sans trop faire gaffe à qui tu t’adressais puis la politesse, ce n’était pas ton fort non plus. Le monte t’appartenait, hein ?

Me voilà encore fourré dans un bar, assis sur un pauvre tabouret, le coude appuyé sur le zinc. La musique me tape sur le système, beaucoup trop forte, beaucoup trop stupide. Mais voilà, je suis obligé de rester planté là, jusqu’à ce que je sois complètement blasé et que je rentre chez moi. Si l’on peut appeler ça un chez-soi. Une pauvre chambre d’hôtel ne peut prétendre être un réel chez-soi. Toute cette histoire s’explique par cette foutue panne d’électricité que le plombier était censé réparer, ce qu’il n’a finalement pas fait. Ayant quelques amis sur Paris, j’en ai profité pour squatter chez eux, mais n’étant pas de nature trop incorrecte j’ai préféré m’exiler… dans une chambre d’hôtel. Quel calvaire. Il n’y a absolument rien de personnel là-dedans, tout est si imperméable et neutre. Les chambres sont décorées avec goût dans l’hôtel où je réside, mais rien n’empêche ce que je viens de dire plus tôt. Alors me voilà ici, et qui plus est dans un night-club gay. Cela faisait un moment que je n’étais pas venu ici, au Queen. Pour tout vous avouer, ça ne m’a pas particulièrement manqué, mais disons que c’est le premier endroit auquel j’ai pensé pour sortir ce soir. Pourquoi rester dans ma chambre d’hôtel où seule ma télévision HD pourrait me tenir compagnie ? Ce serait… particulièrement ennuyant.

Décidément, leur musique me tape vraiment sur le système. Je finis mon verre et sort dehors pour m’aérer l’esprit. Rien de mieux que l’air frais, une petite clope, et un peu de calme pour me détendre dans cette situation tout particulièrement. Je sors mon paquet de clopes et l’allume avec un briquet fraichement acheté. J’en profite pour discuter avec deux jeunes hommes qui fumaient à côté de moi, et qui pour une fois, n’avaient pas l’air si stupides que ça, même au contraire, jusqu’à ce qu’une voix familière ne m’interpelle. Je me retourne tandis qu’à la vue de mon partenaire soudain de conversation mon sang se glace. Pas lui. Il y a beaucoup de personnes que je ne porte pas dans mon cœur, mais lui, alors là c’était le comble. Comme si ma soirée n’était pas assez pourrie comme ça. « Et ta politesse, tu l’as oublié chez toi ? » Je le regardais d’un air dépité. « Tu veux que je t’en allumes une ? » dis-je en lui montrant ma paume de main, en exprimant soudainement l’idée de lui en foutre une. « Ou alors ça va aller et tu vas te passer de mon aide ? » le méprisais-je d’un air sarcastique.