Basile aurait du s'appeler Francis.
Basile, ça vient d'un homme de la famille.
Très éloigné, le mari d'une soeur d'une tante de.
Mort le jour de la naissance de Basile.
Basile n'aime pas son prénom.
Qui fait prénom qu'on donne aux lapins.
Basile est né le vingt-neuf février.
Fête son anniversaire tous les quatre ans.
Voire moins.
À quoi bon fêter les anniversaires.
Ce n'est bon que pour les cadeaux.
Et les cadeaux, eh bien.
Il n'en a que faire.
Alors il ne fête pas son anniversaire.
Mais il vieillit quand même.
Une fois par an, comme tout le monde.
Basile a vingt-six ans.

Sa mère lui disait toujours.
« Mange plus vite », « ne fais pas ça ».
Et « viens ici », ou « tais toi ».
Mais jamais « mon chéri ».
Ou bien « as-tu passé une bonne journée ? »
« C'est bien, Basile », « Tu vas bien ? ».
Jamais.
Son père regardait toujours la télé.
Et ne parlait jamais à son fils.
Ou même à sa fille et à sa femme.
Il regardait la télé.
Il regarde la télé.
Et il regardera toujours la télé.
Basile ne va jamais voir ses parents.
Pas depuis qu'il a quitté la demeure familiale.
Si on peut appeler ça une famille.

Il y a cette fille. Avec qui il partage son ADN.
Sa soeur, sa blondasse de soeur.
Dix ans les séparent. Tout les sépare.
De leur couleur de cheveux. À leurs goûts.
En passant par leur caractère.
Et leurs occupations.
Elle est blonde, elle aime sortir.
Voir du monde, parler à des inconnus.
Crier dans la rue. Et sourire.
Elle n'aime pas lire, ni l'école.
Elle est débrouillarde, autonome, indépendante.
Drôle, pleine de vie, créative.
Elle déteste ses parents. Comme son frère.
Pour le prénom qu'ils lui ont donné.
Et pour n'avoir jamais été présents pour eux.
Elle déteste ses parents et veut devenir SDF.
En guise de déclaration d'amour à la liberté.
Et d'insulte envers ses parents.
Elle lui a expliqué comment on faisait les bébés.
Elle avait cinq ans.
Lui quinze.
Il y a cette fille. Qu'il aime plus que tout.

Basile en société, ce n'est pas trop ça.
Vraiment pas ça.
Vous lui parlez, il rougit.
Baisse la tête, et ne répond pas.
Parce qu'il ne sait pas quoi dire, comment réagir.
Vous lui parlez de son livre préféré, Bonjour Tristesse.
Le résultat est le même.
Rien. Niet, nada, nothing.
Il a un blocage.
Du mal à communiquer.
Et un problème avec son bégaiement.

Basile prend son temps.
Profite de la vie, avec modération.
Il n'est pas malheureux.
Plus malheureux.
Et il ne se dépêche pas, jamais.
Basile ne fait pas une grande différence.
Ni dans le monde, ni nul part ailleurs.
Ça ne le dérange pas.
Basile est très observateur.
Il retient tout, il a très bonne mémoire.
Les visages, les paysages, les couleurs.
Tout reste ancré dans son cerveau.
Jusqu'à ce qu'il décide de le virer.
Basile s'intéresse à la politique.
Énormément.
Il sait bien qu'il n'a pas l'étoffe pour en faire.
Alors il travaille à la bibliothèque.
Basile est très frileux.
L'hiver, il ne peut pas sortir.
Sauf s'il a trois écharpes autour du cou.
Et quatre pulls sur lui.
L'été, il n'aime pas ça.
L'été, il ne sort même pas.
Tout ce que Basile fait, c'est.
Lire, aller au cinéma.
Et faire du théâtre.
Aussi étonnant cela puisse être.
Venant de Basile.

Il a des petits plaisirs simples tels que.
Lire, faire du vélo, marcher.
Regarder la neige tomber, et dormir.
Respirer l'odeur de la nuit, des fleurs.
Porter des gros pulls et des gros manteaux.
Des écharpes très larges et très imposantes.
Écouter le bruit de la pluie qui tombe.
Le tout blotti sous sa couette, volets clos.
Respirer l'air du début de l'automne, du printemps.
Manger des chips, boire des chocolats chauds.
Ne penser à rien, ne pas parler.
Écouter des vinyles, aller à la bibliothèque.
S'assoir sur un banc.
Et regarder les gens qui passent devant.
Il n'est pas très exigeant.

Il n'a pas une foule d'amis.
N'en voit pas du tout l'intérêt.
Le nombre ne fait pas la qualité.
Il en a deux ou trois, et ils lui suffisent.
Il n'est pas malheureux, ni esseulé.
Il est très en accord avec la vie qu'il mène.
Malgré ce que sa soeur lui répète.
À savoir : « SORS ».
Et « vois du monde ! »
Ainsi que « ne lis pas en marchant »
Mais ça c'est autre chose.
Une vieille habitude.
Prise à l'époque où il a commencé à lire.
À vraiment lire, à tout le temps lire.

Je pense bien vous étonner en vous disant que.
Basile n'est pas puceau.
Je comptais beaucoup pour lui alors.
On a sauté le pas.
Je comptais beaucoup pour lui.
Je crois.
J'espère.

Au début, on ne se parlait pas.
On se retrouvait sur un banc, le mercredi.
Le banc où je l'avais vu la première fois.
Comme ça, ça a duré cinq mois et demi.
Tout ce temps, on s'est regardés.
Souris.
On a lu côte à côte, s'échangeant nos bouquins.
Quand on les avait finis, et qu'ils nous avaient plus.
Aucun de nous ne parlait jamais.
Moi parce que sa seule présence me suffisait.
Et lui parce qu'il était timide.
Il m'a dit que non, mais je sais que si.
Mon sacré Basile.
Un jour, un mercredi, il s'est mis à pleuvoir.
Très fort, si fort qu'en deux minutes.
Lui comme moi, nous étions trempés.
Il a été de me parler, de me proposer d'aller autre part.
Le galant.
Il m'a emmenée chez lui.
Après m'avoir prêtée sa parka en guise de parapluie.
J'avais seize ans et dix mois.
Lui aussi, quoique pour les dix mois, c'est moins sur.
Son appartement était gigantesque.
De la taille de la Maison Blanche.
Et sentait très fort le café, le café noir.
Il m'a dit que c'était son père, qu'il en buvait tout le temps.
Moi, son père, je ne l'ai jamais vu autre part.
Que devant son poste de télé.
Après cet épisode on s'est mis à se parler.
Il était temps, on avait tellement de choses à se dire.
Qu'on n'avait pas le temps de tout se dire.
Alors on s'écrivait des lettres, quand on était pas ensemble.
C'est devenu plus difficile, après.
Quand on a commencé à sortir ensemble.
Non seulement il fallait qu'on se parle.
Mais en plus, il fallait qu'on s'embrasse.
Qu'on se tienne la main, qu'on se prenne dans les bras.
On n'avait jamais le temps de tout faire.
On privilégiait les bisous.
Aujourd'hui, Basile doit avoir vingt-six ans.
Il en avait dix-huit la dernière fois que je l'ai vu.
Moi aussi, j'avais dix-huit ans.
La dernière fois que je l'ai vu.
On avait dix-huit ans quand je suis morte.

Bleuenn Lemoine a écrit:

bleusile, à la vie, à la mort. :iloveyou:je t'aime.

Arlie Lemmonier a écrit:

salut toi.   

Octave Leandres a écrit:

comme pour théo, hein   
rebienvenue du coup  

Basile Tiersen a écrit:

Bleuenn Lemoine a écrit:

bleusile, à la vie, à la mort. je t'aime.

aon je t'aime   que j'ai hâte de les rejouer.