Je me sens fatiguée. J'observe mon reflet dans la glace et soupire longuement. J'ai pas un seul hématome. Mon corps ressemble à un havre de paix. J'me suis pas battue depuis une semaine et demi. Aucune marque. On dirait une petite fille parfaite. Soupire. Regard. Mes formes ressortent. Des formes féminines qui donnerait envie aux hommes de m'approcher. Mon tatouage est pour une fois plus distinct. Je souris. Fait pour cacher des marques. Mais je commence à l'apprécier. J'enfile un short et un t-shirt large. Des converses basses. Je sens que la journée va être longue. J'ai rendez-vous avec Hadrien. Un séance de tournage d'après ses dires. J'en sais pas tellement plus. Je sais comment ça va finir. Il le sait tout autant. C'est pour ça que j'y vais. Aucun sac à main. Juste un portable dans la poche. J'ai pas besoin d'argent. Ni d'identité. Ils iront se faire foutre. Un pied devant l'autre j'avance pour me rendre sur les quais. J'me demande ce qui m'attends. J'sais jamais à quoi m'attendre avec Had'. C'est ce que j'apprécie chez lui, il est impossible de savoir dans quelle humeur il sera et comment il voudra me prendre. Alors j'attends sagement mon tour. Je descends une volée de marches et sourit largement en observant les bords de la Seine. J'aime beaucoup cette endroit. J'crois que le fait qu'il y ait peu de monde qui connaissent réellement sa valeur fait que je l'apprécie encore plus. Les touristes marchent. Ils avancent vers une péniche spécialisée dans le tourisme fluvial. On dirait une bande de moutons de Panurge. Je presque agacée par leur attitude. Je me rend compte que j'ai même pas grillé une clope depuis que je suis sortie de l'appartement. Chose presque inconcevable dans mon monde. J'en peux plus... Alors je sors mon paquet de clopes déjà bien entamé. Sort une cigarette. La pose entre mes lèvres entrouvertes. L'allume. Tire longuement. J'ai presque envie de la bouffer cette clope. Son odeur. Son goût.

J'humidifie mes lèvres. Continue à marcher et aperçoit Hadrien. Au loin. Planté comme un piquet à m'attendre. Comme habituellement, il m'attend. Je connais les heures. Je suis toujours en retard. Je sourit. Il est pas mal aujourd'hui. Plutôt bien habillé. Je m'approche rapidement. Ses traits deviennent de plus en plus nets à mesure que je m'approche. Je fini par arriver à sa hauteur. Tire longuement sur ma clope. Laisse l'air s'échapper contre son visage. Sourit. « Salut couilles d'or ! T'as vu j'ai l'air d'une pouffe sans hématomes. J'me sens nue... En parlant de nue : tu voulais que j'te rejoignes ici pourquoi ? T'as un film à deux balles à tourner ou tu veux juste baiser devant tout un tas de monde... C'est mon rêve de sucer le prince charmant sur les quais de Paris... Tellement romantique ! ». Je tourne sur moi-même pour montrer mes jambes sans aucune marques. J'ai l'impression d'être un putain de mannequin de chez venus. La honte. J'me marre. Sourit au jeune homme qui se trouve devant moi. On aurait pu former un joli couple si on se bouffait pas continuellement et si on baisait pas comme des sauvages dés qu'on en avait l'occasion. Pauvres de nous... Je continue de fumer et regarde autour de nous. La canicule à commencé et le long de cou glisse une goutte de sueur. Je me mords la lèvre en observant des gens passer. Soupire. Grogne. « Tu trouves pas que ce serait largement plus intéressant si aujourd'hui on le faisait dans ta putain de douche ? Après avoir tourné ton film amateur bien sur... ». Il me connaît. Franche. Directe. Portée sur la baise. Régulièrement. J'ai une certaine tension à évacuer depuis que Théotime joue au con avec mes sentiments. Hadrien n'en sait rien et tant mieux. Il penserait que j'ai un coeur. Chose que je n'ai pas encore aux dernières nouvelles. Je m'y refuse. Les sentiments sont pour les faibles...

Tu t'étires, te regardes dans la classe l'espace d'une demi-seconde juste pour croiser ton regard. T'as les yeux toujours aussi bleus, aucun problème à ce niveau là. Tu viens de passer deux heures à rien foutre, et un ami à toi t'as rappelé un devoir que vous aviez. D'habitude, ça ne te dis rien du tout d'étudier, mais il faut commencer à être un peu sérieux. Il s'agit de faire un film. Enfin un court-métrage. Même si tu pourrais, avec tout le fric que t'as. Tout d'abord, il te faut une caméra, puis ensuite un sujet. Un sujet. Putain il faut de l'imagination. T'as envie de faire un clip soudainement. Ca rentre dans les court-métrages non ? Un clip sur du Fauve. C'est chouette. Et il te faut une belle fille. T'en connais une masse, et toutes prieraient pour passer un après-midi avec toi. C'que t'aimes être désiré Had'. Alors tu regardes ton téléphone, les récents messages reçus, après tout, faut pas prendre n'importe qui. Alors t'as le choix entre Maman et Nausicaa. Quel choix difficile. Evidemment, Nausicaa. Drôle de chose cette Nausicaa. Drôle de jolie petite chose. T'as dû coucher avec elle une bonne dizaine de fois. Ca a toujours été comme ça de toute manière.

Tu te rends présentable, même si tu l'es toujours (ok ok, trop d'ego), et tu dévales les escaliers de ton immeuble. Sans vraiment te gêner, tu tripoter une paire de fesses par-ci par-là, parce que t'aimes bien voir les filles rougir, c'est mignon au fond. Puis tu te postes sur les quais. Y a du monde. Mais y a pas de Nausicaa. Ce qu'elle est chiante. Toujours en retard celle-là. Alors tu fais comme un bon parisien, tu prends ton téléphone et tu fais une partie de Temple Run. Aaah, l'intelligence. Au passage, une jeune fille pas très gâtée par la vie te demande ton numéro. Tu lui réponds un truc typique "118 218" qu'elle s'empresse de noter, avant de comprendre et de s'en aller déçue. Amusé, tu la regardes partir et voit arriver Nausicaa, comme une fleur, cigarette en main.

- Salut couilles d'or ! T'as vu j'ai l'air d'une pouffe sans hématomes. J'me sens nue... En parlant de nue : tu voulais que j'te rejoignes ici pourquoi ? T'as un film à deux balles à tourner ou tu veux juste baiser devant tout un tas de monde... C'est mon rêve de sucer le prince charmant sur les quais de Paris... Tellement romantique !
- Les deux.

Tu t'es toujours contenté de faire des réponses courtes. T'aimais pas vraiment parler au fond, t'étais discret. Sauf quand tu jouais les beaux-parleurs, évidemment. Tu prends sa cigarette et tire une taffe. Tu la regardes tournoyer. C'qu'elle est belle.

- Tu trouves pas que ce serait largement plus intéressant si aujourd'hui on le faisait dans ta putain de douche ? Après avoir tourné ton film amateur bien sur...
- Eh oh, calme un peu. J'sais qu't'aimes pas la populasse, mais va falloir t'y faire j'ai besoin de ce film. C'est juste un clip d'ailleurs. T'as tant envie de moi?

Tu sors ton sourire le plus narquois, avant de lui rendre sa cigarette et de lui expliquer un peu ce que tu dois faire.

- Bon. Avant qu't'écartes les cuisses, faut que j'explique ce qu'on va faire. J'ai décidé de faire un clip sur Cock Music Smart Music. C'est important s'teuplé. Pour mon année.

D'un coup t'es sérieux. C'est moche.

Hadrien joue le grand Monsieur. Il est avec son portable et attend sagement mademoiselle qui arrive. On commence la conversation et déjà il me choure ma clope. Tire dessus. Je hausse un sourcil l'air de dire « tu te fous de ma tronche ou quoi ?! ». Mais finalement je me ravise et le laisse parler. Ce mec est un drogué des phrases monocorde et monosyllabe ce qui fait que les échanges philosophiques sont rarement à sa portée... Voir même jamais. Faut pas trop en demander non plus. On peut pas avoir une belle gueule et un cerveau, sinon ce serait un peu trop pour un seul homme. Comme je m'y attendais, il allait bel et bien s'occuper de moi par la suite, chose qui m'intéressait à vrai dire plus que de faire la star mais c'était toujours marrant de jouer aux nanas. Il comprend bien vite que j'aime pas trop cet environnement. Il répond à ma question de la douche et je souris largement. Hausse les épaules. « Juste un clip ? Tu sais que je sais chanter comme Beyoncé ? Tu veux une démo ? Oh ouiiii signes-moi dans un label et faisons le tour du monde ensemble ! Et on aura un enfant et on l'appelera Poppy! Et ouais j'ai envie de toi comme la blondasse derrière qui te mate le cul toutes les dix secondes. T'as pas encore baisé tout Paris ? Histoire qu'on soit enfin rassasiés des regards en coin... Ca m'exaspère... ». Ouais, cette nana me donnait envie de la frapper. Avec ses hauts talons et son air de petit Sainte ni touche, une version d'Ondine un peu plus accessible pour moi mais que je haie tout autant. Je soupire. Faut dire que quand je vois mon plan cul, j'ai tendance à pas trop aimé qu'on se foute de moi... Puissance dix.  Je reprend ma clope. En tire une longue taffe. Expire par le nez. J'ai jamais eu l'impression d'être aussi futile que cette demoiselle... J'ai même du mal à me souvenir de la façon dont on s'est rencontrés avec Hadrien mais j'ai la certitude d'avoir un peu plus de classe qu'elle.

Il commence à m'expliquer sagement le but de la manœuvre et la raison pour laquelle je suis venue. J'enlève ma veste avec un certain soupire et la pose sur le côté. Le pauvre, j'avais presque oublié qu'il était encore en cours. Alors comme ça il m'a choisie moi pour faire valider son année... Et bah c'est pas commun comme initiative... « Tu veux que je joue au top model ? ». Je souris. Prend une fausse pause de mannequin. Me marre. On commence le tournage. Hadrien m'explique ce qu'il attend et je m'exécute sans broncher. Les touristes nous regardent. On fait notre cinéma tous les deux sans nous soucier de cette présence. Finalement j'ai l'impression que c'est pas si mal. Alors je joue. Je fais semblant à être une autre. Hadrien est derrière sa caméra. Il a l'air d'un grand professionnel. C'est presque étrange de le voir aussi sérieux. Le temps passe tellement vite. Je me rend bien vite compte que je meurs de faim. Mon ventre gargouille. Je souris. Passe une main dans mes cheveux blonds. Les rattache dés qu'on a dit « coupé ». Je me rapproche de Hadrien avec un léger soupire. Braque mon regard dans le sien. Soudainement lassée de tant d'attention. Je me racle la gorge. Soupire. « J'ai la dalle ! ». Je souris largement pour lui faire comprendre que j'ai bien envie qu'il me paie quelque chose à bouffer. Surtout qu'à quelques mètres de nous, y'a un stand de chichis, j'adore les chichis. Je tuerais pour des chichis. Alors je commence à marcher vers le stand. Soudainement aimantée vers ledit Stand. On pensera a baiser après, pour l'instant j'ai faim !